Orange sera le premier à dévoiler l'ampleur des dégâts provoqués par la concurrence de Free Mobile, ou bien sa capacité à encaisser le choc. En effet, France Télécom, qui publie mercredi matin ses comptes annuels 2011, va également communiquer « pas mal de détails », selon une source interne, sur les conséquences de l'arrivée du nouvel entrant sur son activité de téléphonie mobile en France depuis le début de l'année. Bien placé pour savoir ce qui se passe sur son réseau, qu'il loue à Free Mobile le temps que ce dernier achève de construire le sien, Stéphane Richard, le PDG de l'opérateur historique, a indiqué la semaine dernière que Free Mobile avait déjà conquis environ 1,5 million de clients en un mois, à comparer à un peu moins de 60 millions de lignes mobiles en métropole à fin décembre (hors cartes 3G et cartes MtoM). Combien de départs enregistrés au total ? Un chiffre circule, celui de 300.000 résiliations de clients Orange vers Free mais des « ventes brutes élevées », sans doute chez Sosh, sa marque en ligne low-cost, auraient permis de limiter la casse en solde net, selon une source bien informée.
Environ 30% des clients de Free Mobile viendraient d'Orange
Si la part de 70% d'abonnés au forfait illimité de Free à 19,99 euros, évoquée même dans l'entourage d'Orange, se confirme, on peut ramener à « 1 million le nombre de clients perdus par les opérateurs en place, car il y a environ 500.000 forfaits à deux euros qui sont des abonnements nouveaux et pas de la résiliation » calcule un analyste. Plusieurs sites communautaires ont été créés pour tenter d'évaluer le nombre d'abonnés au nouvel opérateur : en particulier freemobile.toosurtoo estime qu'il y aurait déjà 2,7 millions d'abonnements, sur la base d'un outil statistique de suivi d'activation des cartes SIM fondé sur les données fournies par les clients. Selon les déclarations de ces « Free Mobinautes », 30% des clients viendraient d'Orange, 21,5% de SFR, 15% de Bouygues Telecom, le reste des MVNO en particulier de Virgin Mobile (7%). Un sondage ChurnTracker@mobile, réalisé par la société d'études Le Terrain entre le 12 janvier et le 7 février, situe à « au moins 3% » la part de marché de Free qu'il aurait conquise « au détriment de l'ensemble des acteurs historiques concurrents, dans des proportions sensiblement égales » : Orange, SFR et Bouygues Telecom auraient « perdu à peu près 1 point chacun de part de marché. »
Le mobile en France génère un quart des ventes du groupe Orange
La plus grande prudence s'impose avec ces chiffres non officiels, souvent fondés sur du déclaratif. Comme le notent les analystes de Barclays Capital, « il y a un risque de désinformation important actuellement », d'autant plus qu'Iliad, la maison-mère de Free, cotée en Bourse, « n'a aucune obligation de révéler le nombre d'abonnés mobiles conquis depuis le lancement de janvier dans ses résultats du second semestre 2011 » La période d'incertitude pourrait ainsi se prolonger jusqu'à début mai, à la publication du chiffre d'affaires du premier trimestre 2012. Mais la direction de France Télécom sait que les investisseurs attendent de pied ferme des précisions sur son activité mobile en France, qui génère environ un quart du chiffre d'affaires et des résultats de l'ensemble du groupe. Selon les analystes, Orange Mobile France devrait avoir dégagé environ 10,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires (stable) et 3,6 milliards de résultat brut d'exploitation (en léger recul) en 2011. Les analystes s'accordent à dire qu'Orange « n'est pas le plus vulnérable » comme le relèvent ceux d'Oddo du fait de son « exposition limitée aux Freenautes », les abonnés à la Freebox représentant 20% à 22% de ses clients mobiles, contre 27% chez Bouygues Telecom et 25% chez SFR. Si cette part de 30% des nouveaux clients de Free Mobile venus d'Orange se confirme, cela signifie que l'opérateur historique perd moins d'abonnés que sa part de marché.
L'accord d'itinérance compense partiellement la perte de chiffre d'affaires
D'autre part, la probable contraction du chiffre d'affaires que devrait causer le départ de clients chez Free Mobile et les baisses de prix appliquées en riposte commerciale sera en partie compensée par le fameux accord d'itinérance signé avec Free : la location de son réseau devrait lui rapporter cette année au moins 165 millions d'euros et au total 1,5 milliard d'euros, cumulés sur six ans, et « margés à près de 80% » souligne Oddo. La quasi-totalité du trafic des abonnés Free Mobile transitant pour l'instant par le réseau d'Orange (97% selon lui) et le succès étant plus rapide qu'anticipé, les recettes devraient même être supérieures de « plusieurs dizaines de millions d'euros » à ce qui était prévu.
« Quand nous mettrons le pied sur l'accélérateur, nous serons difficiles à égaler » (Joelle Pineau, directrice de la recherche en IA chez Meta)
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