Les investissements chinois en Europe inquiètent. Les eurodéputés l'ont fait savoir, ce mercredi, en votant une nouvelle résolution. Ce texte, non contraignant et adopté à une large majorité de 564 voix, tire la sonnette d'alarme concernant la « vulnérabilité » des infrastructures critiques du Vieux Continent à l'influence de Pékin. Parmi les investissements croissants des entreprises chinoises qui posent problème, les parlementaires évoquent, pêle-mêle, ceux dans les transports, les ports ou encore les métaux rares... Mais aussi, et surtout, dans les réseaux télécoms, et plus particulièrement dans la nouvelle 5G.
Dans ce domaine, une entreprise, en particulier, suscite des craintes. Il s'agit de Huawei. Très présent dans les réseaux 5G européens, la place du géant des équipements télécoms et des smartphones suscite l'extrême méfiance des députés. Ceux-ci redoutent que Huawei et d'autres industriels chinois constituent un maillon de la stratégie dite de « fusion civilo-militaire » de Pékin. Celle-ci vise, d'après les parlementaires, à mettre les entreprises de l'empire du Milieu au service des autorités pour favoriser « les transferts de technologie », « accroître la domination chinoise », et « fragiliser ses rivaux géopolitiques ». Les eurodéputés appellent ainsi les Etats membres à « exclure les entités susceptibles de participer à cette stratégie ».
« Des normes de sécurité supplémentaires »
Cela fait plusieurs années que la place de Huawei, comme de son compatriote ZTE, dans les réseaux 5G est critiquée à Bruxelles. L'Union européenne craint que Pékin s'en serve à des fins d'espionnage, ou pour couper les communications en cas de conflit. Ce que le géant chinois a, toutefois, toujours démenti. La résolution du Parlement déplore, ainsi, « que 100% du réseau 5G de Chypre » soit « composé d'équipements chinois, de même que 59% de celui de l'Allemagne ». Un constat inacceptable pour les députés. La résolution précise que « cela va à l'encontre des lignes directrices » de la « boîte à outils » de l'Union européenne de janvier 2020, qui appelait à limiter le recours aux équipementiers chinois pour le déploiement de la 5G.
En conséquence, le Parlement « demande au Conseil et à la Commission d'interdire l'utilisation d'équipements et de logiciels produits par des fabricants établis en République populaire de Chine pour les fonctions de réseau de base ». L'institution « invite » également la Commission européenne « à proposer des normes de sécurité supplémentaires pour les fournisseurs chinois de réseau 5G et pour la prochaine génération de réseau 6G ».
« Un risque pour notre sécurité commune »
La Commission européenne est, à vrai dire, déjà sur la même longueur d'onde. Au printemps dernier, Thierry Breton, le commissaire européen au Marché intérieur, a vigoureusement appelé à bannir Huawei et ZTE des réseaux mobiles. « Nous ne pouvons pas nous permettre de maintenir des dépendances qui pourraient devenir des armes contre nos intérêts, a-t-il lancé. Ce serait un trop grand risque pour notre sécurité commune ».
La France est directement concernée par les piques de l'Europe à l'égard de Huawei. Dans l'Hexagone, une loi datant du 1er août 2019 a permis de restreindre le déploiement des équipements 5G de ce fabricant. SFR et Bouygues Telecom, qui recouraient largement aux services du groupe de Shenzhen, ont été priés de démonter une grande partie de leurs antennes chinoises. Mais la Chine a récemment obtenu de la France la prolongation de la durée d'utilisation de certains équipements.
D'autre part, c'est en Alsace, près de Strasbourg - où se trouve d'ailleurs le Parlement européen -, que Huawei construit actuellement sa première usine hors de Chine. D'un coût de plus de 200 millions d'euros, celle-ci a vocation à alimenter l'Europe en équipements 5G, puis 6G, dans les années à venir. La question de l'avenir du géant chinois sur le Vieux Continent n'a pas fini d'alimenter les débats.
En attaquant Huawei et les investissements chinois dans plusieurs secteurs d'activité, les eurodéputés vont forcément accentuer les tensions commerciales entre la Chine et l'UE, lesquelles ne cessent de se dégrader depuis plusieurs mois avec la mise en place, en Europe, de plusieurs mesures de protection de certains marchés. De telles barrières à l'entrée, comme c'est le cas pour les voitures électriques chinoises en France, suscitent l'agacement de Pékin, qui a déjà commencé à riposter en visant certains spiritueux européens, et plus particulièrement français.
Lire ici notre éditorial : Représailles commerciales chinoises : après le cognac, le luxe français ?
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