Les retrouvailles sont amères. Ce mardi, plusieurs centaines de salariés de Nokia France se sont rassemblés sur le site de l'équipementier télécoms à Nozay, en Essonne. Jusqu'alors, presque tous étaient en télétravail, et ne s'étaient pas revus depuis le confinement. Mais derrière les salutations cordiales, l'atmosphère est lourde. Tous sont venus, à l'appel des syndicats, dénoncer un énième et vaste plan de suppression de 1.233 postes dans l'Hexagone. Un tiers des effectifs d'Alcatel-Lucent International, qui développe notamment la 5G, la nouvelle génération de communication mobile, sont visés. Nozay doit en payer le plus lourd tribut : 831 postes, principalement en R&D.
Devant le site, les salariés, qu'ils soient ingénieurs, employés à des fonctions support, syndiqués ou non, sont désabusés. Ce quatrième plan social depuis le rachat d'Alcatel-Lucent par Nokia en 2016 apparaît comme celui de trop. Beaucoup ne prennent plus de gants. Certains parlent de « trahison ». D'autres de « bras d'honneur », de « foutage de gueule ». Au micro, un syndicaliste appelle à mettre Thierry Boisnon, le président de Nokia France, « en prison ». Nombre de salariés jugent que ce plan social, le premier à s'attaquer à la sacro-sainte R&D, révèle que l'équipementier télécoms finlandais n'a plus d'ambition dans l'Hexagone.
« Leur objectif, c'est de fermer la France »
« Nous ne voulions sans doute pas y croire, mais leur objectif, c'est probablement de fermer la France », se désole Isabelle Strassen, de la CFE-CGC. Avec le recul, elle estime que Nokia n'avait, essentiellement, qu'un but en rachetant Alcatel-Lucent : rafler ses grosses parts de marché aux Etats-Unis, et faire main basse sur ses 20.000 brevets. Mais pas de développer les pôles français d'excellence, comme ceux dédiés à la recherche dans les télécoms à Nozay ou sur le site de Lannion (Côtes d'Armor).
La colère des salariés est d'autant plus grande que beaucoup ont l'impression d'avoir été roulés dans la farine. Et pour cause : en rachetant Alcatel-Lucent, Nokia avait pris plusieurs engagements, tous arrivés à échéance, de maintien de l'emploi et de renforcement des troupes en R&D. De nombreux collaborateurs y voyaient une garantie que la France continuerait à compter dans les années à venir. La plupart ont en mémoire les mots d'Emmanuel Macron, qui a autorisé le deal en 2015 en tant que ministre de l'Economie et des Finances, promettant qu'il n'y aurait « aucune destruction d'emplois en France »...
Méfiance à l'égard de Bercy
C'est ce qui explique, notamment, la méfiance actuelle des syndicats à l'égard de Bercy. Aujourd'hui, le ministère, qui argue qu'il ne peut pas arrêter un PSE, souhaite limiter la casse et sauver quelques centaines de postes. Une ligne qui ne satisfait pas du tout Pascal Guiheneuf, de la CFDT. Son message est clair : « Nous avons été très déçus par Bercy. Ils doivent muscler leur jeu. Notre revendication : c'est supprimer le PSE et en finir avec ce plan cynique. »
Les syndicalistes comptent notamment sur le soutien de deux parlementaires LREM : Eric Bothorel et Marie-Pierre Rixain, respectivement députés des Côtes d'Armor et de l'Essonne. Le premier, fin connaisseur des télécoms et du numérique, a récemment tiré à boulet rouge contre ces coupes d'effectifs, fustigeant « un plan de fin qui ne dit pas son nom ». La prochaine mobilisation des salariés de Nokia est prévue le 8 juillet, à Paris. Ce jour-là, les employés de Nozay et de Lannion marcheront de la place Montparnasse à l'ambassade de Finlande. Avec l'espoir, d'ici là, d'engranger davantage de soutiens.
- Lire aussi : Nokia : les syndicats montent au créneau
Sujets les + commentés