Peu s'en souviennent. Mais Huawei fut, certes de manière éphémère, numéro un mondial du marché des smartphones. Au deuxième trimestre 2020, le groupe de Shenzhen s'est offert les scalps de ses grands rivaux Apple et Samsung, en vendant davantage de terminaux qu'eux. D'après les chiffres du cabinet Canalys, Huawei avait, sur cette période, écoulé quelques 55,8 millions de téléphones (pour une part de marché globale d'environ 10%), contre 53,7 millions pour le mastodonte sud-coréen. Une performance « remarquable » et « que peu de personnes auraient prédit un an auparavant », soulignait alors Ben Stanton, analyste chez Canalys.
Cet épisode a constitué le point d'orgue d'une longue stratégie pour Huawei. Les années précédentes, le fleuron de la tech chinoise n'a cessé d'investir de gros moyens pour développer des smartphones haut de gamme et capables de faire jeu égal avec ceux d'Apple et de Samsung. Pour vanter ses produits, Huawei a multiplié les partenariats prestigieux, comme avec Leica pour la photographie. Le groupe a également pris l'habitude d'organiser de gigantesques événements, en Europe particulièrement, pour dévoiler ses terminaux. En mars 2018, Huawei avait notamment convié plus de 1.500 journalistes au Grand Palais, à Paris, pour présenter sa nouvelle gamme P20. L'année précédente, il avait investi les anciens locaux du quotidien Libération, près de la place de la République, pour lancer un nouveau terminal.
La gifle des sanctions de 2019
Et puis ? Et puis patatras ! L'essor fulgurant de Huawei tant dans les smartphones que dans la nouvelle 5G, où il est devenu une référence, a fini par inquiéter outre-Atlantique, jusqu'aux plus hautes sphères politiques américaines. Au moment où Huawei devient le premier vendeur de smartphones au monde, son état-major sait déjà qu'il va vite, très vite, retomber du podium. Un an auparavant, en 2019, Washington, sous la présidence de Donald Trump, a interdit au groupe de s'approvisionner en technologies américaines. Cela vaut pour les puces, cruciales pour le bon fonctionnement des terminaux, mais aussi pour les applications « made in USA », a l'instar de celles de Google, très prisées par les Occidentaux.
Les conséquences sont particulièrement violentes pour Huawei : sur le front des terminaux, son chiffre d'affaires fond dès lors comme neige au soleil. Le groupe de Shenzhen finit par disparaître complètement du top 5 des plus gros vendeurs de smartphones au monde. Les analystes se demandent même si Huawei ne va tout simplement pas jeter l'éponge dans ce domaine, après la vente de sa marque Honor, qui avait jusqu'alors été un succès, auprès des jeunes notamment.
Huawei développe une puce 5G maison
Mais ce n'était que partie remise. A la fin du mois d'août 2023, Huawei a surpris son monde en dévoilant son dernier bébé : le Mate 60 Pro. La discrétion de son lancement a tranché avec le séisme qu'il a provoqué. Et pour cause : ce terminal embarque un processeur 5G spécialement développé par Huawei, baptisé Kirin 9000, fabriqué par son compatriote SMIC et doté d'une finesse de gravure de 7 nanomètres.
La nouvelle a fait l'effet d'une bombe pour deux raisons. La première, c'est que Huawei est désormais capable de commercialiser tout seul des terminaux compatibles 5G. Cela annonce, en quelque sorte, sa résurrection sur le marché. Jusqu'alors, les sanctions américaines condamnaient Huawei à ne pouvoir fabriquer que des smartphones 4G, et le reléguaient à un fabricant de deuxième division... La seconde raison, c'est que beaucoup, aux Etats-Unis notamment, ne comprennent pas comment Huawei a pu développer une puce aussi fine et puissante sans technologie « made in USA ».
Huawei vise à nouveau le top 5
Le pays de l'Oncle Sam a immédiatement lancé des investigations pour savoir si Huawei n'a pas, d'une manière ou d'une autre, contourné le sévère embargo dont il fait l'objet. Ce lundi, Gina Raimondo, la secrétaire d'Etat au Commerce a balayé cette hypothèse. D'après elle, « les contrôles à l'exportation fonctionne », a-t-elle déclaré sur la chaîne CBS. Et la puce de Huawei, alors ? « Cette puce est loin d'être aussi bonne, a lancé Gina Raimondo, de manière lapidaire. Elle a des années de retard sur ce que nous avons aux Etats-Unis. Nous disposons des semi-conducteurs les plus sophistiqués au monde, ce qui n'est pas le cas de la Chine. »
Pas de quoi freiner Huawei, qui a repris sa marche en avant. En fin de semaine dernière, le groupe de Shenzhen a dévoilé deux nouveaux terminaux pour le marché chinois. Il s'agit de sa série haut de gamme Pura 70, également capable de supporter la 5G. Huawei compte, progressivement, retrouver ses galons d'antan. Contacté par La Tribune, le cabinet IDC précise que sa part du marché mondial des smartphones est passé de 2% en 2022, à « moins de 5% » aujourd'hui. Cela ne suffit pas encore à Huawei pour repasser dans le top 5. Mais la dynamique est là.
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