Avec l'inflation et la hausse des prix de l'énergie, beaucoup d'opérateurs ont, à travers le monde, repoussé certains investissements dans leurs réseaux, et en particulier dans la nouvelle 5G. Mais cette situation ne devrait pas durer : d'une part parce que les champions du mobile ont besoin de cette technologie pour absorber l'essor de la consommation des données des particuliers. D'autre part parce que la 5G commence, doucement, à trouver son public. En France, la barre des 10 millions d'abonnés a, par exemple, été franchie. Dans ce contexte économique, une chose est sûre : tous les opérateurs font leur possible pour diminuer la facture des déploiements.
Sur ce créneau, Spectronite a une jolie carte à jouer. Basée à Sophia Antipolis, cette startup française a été fondée en 2020. Elle vient, tout récemment, de développer une solution qui permet, en clair, de faciliter la vie des opérateurs mobiles pour connecter leurs antennes-relais à leurs infrastructures de « cœur » de réseau. Concrètement, ces liaisons, qui sont essentielles pour acheminer les communications, sont soit assurées via de la fibre optique, soit via des faisceaux hertziens. C'est sur cette dernière technologie que Spectronite s'est concentrée. Sa solution permet de doper très rapidement la capacité d'une liaison hertzienne, et à moindre coût. Ce qui peut s'avérer intéressant pour un opérateur qui passe ses antennes en 5G, et qui a, mécaniquement, besoin d'acheminer un trafic Internet beaucoup plus important.
Un faisceau hertzien nouvelle génération
Fondateur et chef de file de Spectronite, Jean-Philippe Fournier, qui a passé 20 ans dans les télécoms, avec notamment un passage chez Bouygues Telecom, précise son innovation. « Aujourd'hui, pour faire fonctionner un faisceau hertzien, vous avez besoin d'une antenne parabolique, et d'un boîtier qui permet de transmettre le signal via un ou deux canaux », explique-t-il. Résultat, poursuit le dirigeant, « pour augmenter les débits, il faut rajouter des boîtiers et des antennes sur les pylônes ». Ce que les opérateurs n'aiment guère : en effet, cela renchérit les loyers dont ils doivent s'acquitter pour installer de nouvelles antennes. L'autre solution consiste à supprimer le faisceau hertzien et à le remplacer par de la fibre optique. Mais cette solution, technologiquement très efficace, s'avère coûteuse et longue à mettre en place. Il faut, dans ce cas, faire appel à des entreprises de BTP, creuser des tranchées, placer des fourreaux, puis installer de la fibre...
Grâce à une première levée de fonds d'environ 2 millions d'euros réalisée fin 2020, Jean-Philippe Fournier a pu embaucher une dizaines de chercheurs et spécialistes afin de développer son bébé. A savoir un nouveau boitier, « doté d'un gros processeur programmable », et « capable de générer, tout seul, jusqu'à plusieurs dizaines de canaux ». Autrement dit, il suffit simplement de greffer ce nouveau boîtier à une antenne parabolique existante pour augmenter, d'un coup, fortement les débits du faisceau hertzien. « Aujourd'hui, les meilleurs équipements disponibles permettent d'avoir 1 Gbit/s, affirme Jean-Philippe Fournier. La première version de notre boîtier permet, elle, d'atteindre les 5 Gbits/s, et nous préparons une version à 10 Gbits/s. » En parallèle, la solution de Spectronite a un atout : « elle consomme peu d'énergie, ce qui intéresse beaucoup de clients », assure Jean-Philippe Fournier.
Telefonica prêt à essayer cette solution en Allemagne
Pas peu fier d'avoir réalisé un démonstrateur « complètement fonctionnel » de son produit, la direction de Spectronite s'active pour boucler une seconde levée de fonds, probablement autour de 8 millions d'euros, au mois d'avril. Cette manne doit permettre à la startup de passer un cap, à savoir industrialiser sa solution, et, surtout, la vendre aux opérateurs télécoms. Aujourd'hui, la startup discute avec des opérateurs français comme Orange, Bouygues Telecom ou Free. Mais c'est un autre cador européen des télécoms qui semble, pour l'heure, le plus intéressé. Il s'agit de Telefonica, le géant espagnol des télécoms, notamment présent en Espagne, en Allemagne, au Royaume-Uni, et en Amérique latine.
Il y a deux semaines, Spectronite a notamment présenté sa solution à Munich, à des dirigeants de Telefonica. D'après Jean-Philippe Fournier, ceux-ci ont montré un « très gros intérêt » pour sa solution. Ce qui pourrait déboucher, à partir de la fin 2024, sur l'installation d'un pilote en Allemagne, préambule à une généralisation sur les réseaux si les résultats sont au rendez-vous. Cela permettrait, alors, à Spectronite de générer quelques dizaines de millions de chiffre d'affaires, précise Jean-Philippe Fournier. Ce serait, pour l'entreprise, une formidable rampe de lancement pour s'attaquer à d'autres marchés.
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