Fibre dans les campagnes : le Sénat demande plus d’argent à l’exécutif

Ce lundi, les parlementaires ont interpellé le gouvernement, estimant que le compte n’y était toujours pas pour tenir les engagements de déploiement de la fibre dans les territoires les moins peuplés du pays. D’après eux, il manque encore 322 millions d’euros.
Pierre Manière
Selon Patrick Chaize, sénateur LR de l'Ain, l'arrivée de la fibre dans les campagnes pourrait prendre du retard si le gouvernement ne met pas la main au portefeuille pour soutenir les réseaux des collectivités.
Selon Patrick Chaize, sénateur LR de l'Ain, l'arrivée de la fibre dans les campagnes pourrait prendre du retard si le gouvernement ne met pas la main au portefeuille pour soutenir les réseaux des collectivités. (Crédits : DR)

Les échanges ont été tendus ! Ce lundi, lors de l'examen du projet de loi de finances 2020, le Sénat a voté un amendement concernant une rallonge financière de 322 millions d'euros pour permettre aux campagnes et territoires ruraux de poursuivre leurs projets de déploiement de la fibre. Selon les sénateurs, une première enveloppe de 140 millions d'euros, dévoilée en octobre dernier par le gouvernement, n'est pas du tout suffisante. Sans crédits supplémentaires, « on bloque tout le système », a insisté Patrick Chaize, sénateur LR de l'Ain et bon connaisseur des questions liées au numérique. A l'en croire, ces fonds supplémentaires sont indispensable, au risque de faire capoter le plan France très haut débit, qui ambitionne d'apporter un Internet fixe ultra-rapide à tous les Français à l'horizon 2022. Le risque, selon lui, c'est qu'une part importante de la population rurale s'en retrouve dépourvue.

Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances, a estimé que le Sénat faisait fausse route :

« Nous n'avons pas besoin dès 2020 d'autorisations d'engagement que vous mentionnez [les 322 millions d'euros, Ndlr], parce que compte tenu des délais entre autorisations d'engagement et délais de paiement, et compte tenu du montant d'autorisations d'engagement dont nous disposons aujourd'hui, nous sommes en réalité très large. »

« Ce que vous venez de dire est totalement faux »

Ces explications n'ont guère convaincu les sénateurs. A commencer par Patrick Chaize. Lequel a sorti l'artillerie lourde :

« Excusez-moi, madame la ministre, mais ce que vous venez de dire est totalement faux. Je vais vous citer un exemple très précis. (...) Le dossier (de la couverture en fibre) de la Bretagne à lui seul nécessite 200 millions d'euros d'engagement. Avec les 140 millions d'euros que vous avez retrouvés, bah, déjà, on n'y arrive pas. (...) C'est dommage. »

Dans son sillage et celui d'autres parlementaires très remontés contre l'exécutif, la ministre a élevé la voix. « Aujourd'hui nous tenons nos engagements, a-t-elle insisté. Nous avons suffisamment d'argent, et je trouve un peu détestable de laisser penser que ce n'est pas exact. »

Pas de quoi convaincre les sénateurs, qui en ont remis une couche.

« Madame la ministre je crois qu'on a l'illustration, une fois de plus, du "en même temps", a dézingué Dominique de Legge, le sénateur LR d'Ille-et-Vilaine. On affirme une priorité. On fait un joli discours. Et quand il faut passer aux actes, on a des états d'âme. Moi je n'en ai strictement aucun. (...) Les collectivités territoriales sont dans les starting-blocks (pour déployer la fibre, Ndlr). Aujourd'hui elles hésitent à y aller parce qu'il y a une incertitude sur la position du gouvernement. En votant cet amendement, nous envoyons un message clair. »

« Tout a été dépensé aujourd'hui »

Présidente de la commission des Affaires économiques du Sénat, qui a proposé l'amendement, Sophie Primas, la sénatrice LR des Yvelines, a voulu jouer la carte de l'apaisement:

« Madame la ministre, ne vous énervez pas. On est avec vous et on connait le travail qui a été mené sur le déploiement du haut débit et de la fibre. (...) Tout a été dépensé aujourd'hui. (...) Je vous suggère autre chose: si vous ne pouvez pas mettre (ces crédits supplémentaires) au budget, changez la comptabilité publique. Permettez que les collectivités s'engagent sans que les budgets soient inscrits. Voilà. Et dans ce cas-là, on y arrivera. »

La ministre, elle, a campé sur ses positions : « Je le redis une dernière fois : il y a assez d'autorisations d'engagements. Aujourd'hui elles ne sont pas saturées. » Avec son amendement, le Sénat a surtout voulu envoyer un message d'alerte. Le gouvernement aura tout le loisir de le balayer lorsque le projet de loi de finances 2020 reviendra à l'Assemblée nationale, où il est en position de force.

Pierre Manière

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Commentaires 8
à écrit le 04/12/2019 à 13:07
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Sénat = Mairies. Or une multitude de petits maires sont contre l'internet. Ils y voient une menace pour l'esprit de clocher et les valeurs du 19ème siècle : lenteur, modération (cad privation), culte religieux des pratiques et des patois ancestrau...

à écrit le 04/12/2019 à 9:32
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Combien coûte le Sénat ???? tout le monde demande de l'argent a l'état donc, aux contribuables !

à écrit le 03/12/2019 à 15:39
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C'est bizarre, ce qui serait possible par le conditionnement du fait d'exercer, ne l'est pas ! même les organismes étatiques plaident pour alléger la facture !!! Je ne sais pas si c'est a au sénat de demander plus de fonds, car a la fin c'est bien...

à écrit le 03/12/2019 à 12:46
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La 5G rend obsolete le cable et ses millions dépensés pour rien mais venat de nos senateurs....

le 03/12/2019 à 18:07
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La 5G ne rend absolument pas la fibre obsolete car il faudra la payer en fonction de l'utilisation. C'est la porte ouverte à toutes les inégalités de forfaits selon les personnes, les lieux, etc. En plus cette utilisation échappe largement au cont...

le 03/12/2019 à 18:11
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Dans de nombreux territoires ruraux il n'y pas de G du tout, alors avant que la 5G rende le câble obsolète, de l'eau va s'écouler sous les ponts. Les débits internet sont dans de nombreux endroits très inférieurs au Mbps alors qu'Orange annonce des d...

le 04/12/2019 à 4:54
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Que racontez-vous ? La Coree du sud est entierement en 5G sur fibre deja ancienne puisque cette derniere est en service depuis plus de vingt ans. La 2G. 3G. 4G puis la 5. C'est l'abonnement et son tarif qui change. Renseignez- vous.

le 04/12/2019 à 12:11
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sauf que la fibre est nettement supérieure en performances (fiabilité, définition, rapidité, capacité) mais aussi avec un déploiement plus coûteux. La 5G a tous les inconvénients des systèmes de radio-transmission (parasites, interférences, foudres ...

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