L’avenir de Telecom Italia au cœur de la numérisation de l’Italie

En grande difficulté et lourdement endetté, Telecom Italia a reçu une offre du fonds d’investissement américain KKR pour son réseau d'internet fixe. L'opérateur va devoir se prononcer sur cette opportunité, qui n’est pourtant pas le scénario privilégié par le gouvernement. Le géant des télécoms joue son avenir, qui ne sera pas sans conséquence sur la numérisation du pays.
Pierre Manière
L'offre de KKR valoriserait le réseau de Telecom Italia à plus de 20 milliards d'euros.
L'offre de KKR valoriserait le réseau de Telecom Italia à plus de 20 milliards d'euros. (Crédits : YARA NARDI)

En matière de connectivité, l'Italie se situe dans le ventre mou des classements européens. D'après les données de l'Union européenne, moins d'un foyer sur deux était éligible à la fibre en septembre 2021, contre près de 70% pour la France. Cette situation préoccupe depuis longtemps le gouvernement, à l'heure où l'accès à Internet à très haut débit est perçu comme un impératif pour préserver sa compétitivité économique. L'exécutif s'est fixé un objectif : toute la population doit pouvoir bénéficier d'un accès à très haut débit d'ici 2026. Pour y arriver, le gouvernement mise, comme en France, sur un déploiement massif de la fibre optique à travers tout le pays.

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Mais la réussite de ce projet est intimement liée à Telecom Italia, opérateur historique dont l'avenir est en suspens. Le géant transalpin des télécoms, dont le premier actionnaire n'est autre que Vivendi, le champion français des médias, est confronté depuis des années à de graves difficultés dans un contexte concurrentiel féroce. Sa dette, qui s'élève à plus de 25 milliards d'euros, fait frémir tous les observateurs. Or l'Italie a besoin d'un Telecom Italia fort pour se lancer dans un coûteux déploiement de la fibre.

Une transformation radicale en vue

Il ne fait guère de doute que l'opérateur va devoir radicalement se transformer. Mais de quelle manière ? Et avec quels changements capitalistiques ? Ces questions agitent son état-major, ses actionnaires et le gouvernement. Mais rien n'a encore été tranché. Le 1er février dernier, l'opérateur a reçu une offre du fonds américain KKR pour son réseau Internet fixe, et Sparkle, sa filiale de câbles sous-marins. Cette proposition valoriserait, d'après une source financière à l'AFP, le réseau de Telecom Italia à plus de 20 milliards d'euros. Selon cette même source, KKR souhaiterait prendre une participation majoritaire dans cet actif stratégique. L'état-major de Telecom Italia a indiqué qu'il allait étudier cette offre. Il rendra son avis après une réunion du conseil d'administration, le 24 février prochain.

KKR n'est pas un inconnu pour l'opérateur. Le fonds américain possède déjà une participation de 37,5% dans FiberCop, une filiale de Telecom Italia où figure son réseau dit « secondaire », reliant les armoires de rues aux habitations. En acceptant l'offre de KKR, Telecom Italia perdrait le contrôle sur son réseau Internet fixe. Mais il s'agit aussi d'une opportunité de se renflouer, d'éponger une partie de ses dettes, et de retrouver des marges de manœuvre pour investir dans la fibre.

L'opérateur prêt à considérer des alternatives à KKR

Dans un communiqué publié ce lundi, l'opérateur affirme, toutefois, qu'il est « prêt à considérer d'autres options alternatives ». De fait, l'« option » KKR n'était pas celle privilégiée initialement par la direction, et va, en outre, à l'encontre de la volonté du gouvernement de garder le réseau, jugé stratégique, dans son giron.

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Le PDG de Telecom Italia, Pietro Labriola, souhaite organiser depuis longtemps la scission entre les activités de réseau et de services. Un scénario longtemps envisagé était de céder le réseau internet fixe à la Caisse des dépôts italienne (CDP), déjà actionnaire à hauteur de 9,8% de l'opérateur. L'idée était, ensuite, que l'organisme public fusionne cet actif avec le réseau de fibre d'Open Fiber, dont il détient 60% du capital. Cette opération permettrait de créer un réseau unique à l'échelle nationale. La manœuvre a un gros avantage : elle permettrait de diminuer la facture des investissements dans la fibre, en évitant que plusieurs réseaux se fassent concurrence. Tous les opérateurs commerciaux du pays auraient accès à cette infrastructure pour servir leurs clients.

L'exécutif veut garder le réseau « sous contrôle public »

Mais le gouvernement a mis un coup d'arrêt à ce projet en fin d'année dernière, afin d'examiner d'autres possibilités. Une chose est sûre : pas question, pour l'exécutif, d'abandonner le réseau. « L'Etat doit avoir le contrôle de la partie du réseau qui présente un intérêt stratégique », a déclaré Giancarlo Giorgetti, le ministre de l'Economie, en novembre dernier. « Nous avons besoin que le réseau soit sous contrôle public », a renchéri Adolfo Urso, le ministre de l'Industrie. Celui-ci a même qualifié d'« erreur » la privatisation de Telecom Italia, en 1997.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 07/02/2023 à 19:37
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Comme pour la France, le réseau fibre prends des couleurs américaines, pas trop de choix, on a enlevé la possibilité chinoise et avec toute concurrence. Un boulevard européen s'ouvre pour oncle Sam, entre les gafam, les bases de données, le cloud, l'...

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