Fibre : le Plan France très haut débit a bien permis de réduire la fracture numérique

Fruit d’un travail conjoint entre les opérateurs privés et le gouvernement, ce vaste programme de déploiement de la fibre en France, initié en 2013, permet désormais à tous les Français de bénéficier d’une bonne connexion Internet fixe.
Pierre Manière
Un technicien raccorde un abonné à la fibre optique.
Un technicien raccorde un abonné à la fibre optique. (Crédits : Mégalis Bretagne)

Il n'est pas si courant qu'un chantier d'une telle ampleur s'achève dans les temps et sans nécessiter de rallonge financière. Le Plan France très haut débit (PTHD) « est un succès », a déclaré Pierre-Jean Benghozi, le président de la mission d'évaluation de ce vaste programme de déploiement de la fibre dans l'Hexagone, ce mercredi en conférence de presse. Ce professeur à Polytechnique et directeur de recherche au CNRS a chapeauté, ces trois dernières années, les travaux de France Stratégie, institution autonome rattachée à Matignon, à laquelle le gouvernement a demandé d'apprécier « le plus grand chantier de France », comme on l'appelle. Dans son rapport publié ce jeudi, France Stratégie est catégorique : le PTHD a bien rempli son objectif principal, qui était de permettre à tous les Français - 99% d'après la mission d'évaluation - d'accéder d'ici à la fin 2022 à une connexion Internet à très haut débit (supérieure à 30 Mbit/s). Cet accès se fait essentiellement grâce la fibre, sinon via des technologies alternatives comme l'ADSL boosté, le câble, la technologie radio ou le satellite.

Ce n'était pourtant pas gagné. Lors de son lancement en 2013, sous Nicolas Sarkozy, beaucoup estimaient que ce programme, complexe aux premiers abords, accoucherait d'une souris... Mais grâce à soutien politique fort et continu - d'abord de François Hollande puis d'Emmanuel Macron - il permet désormais à la France de bénéficier du plus grand et complet réseau de fibre du Vieux Continent. Comme le rappelle Pierre-Jean Benghozi, il a constitué un important levier pour réduire la fracture numérique, en permettant aux communes rurales de ne pas être exclues d'Internet, ce qui était son ambition initiale. En 2013, près de 77% de la population française se situait en « zone blanche » du très haut débit fixe. C'est, in fine, bien grâce au succès du PTHD qu'Emmanuel Macron a décidé de prolonger le chantier avec un nouvel objectif : celui de « la fibre pour tous » à l'horizon 2025. Sachant qu'aujourd'hui, environ 85% des locaux sont éligibles à cette technologie.

Au début critiquée, l'organisation du PTHD et du déploiement de la fibre fait désormais l'unanimité. La France, rappelons-le, a été découpée en trois zones. Il y a d'abord la zone dite « très dense », rassemblant les grands centres urbains, densément peuplés. Attractifs économiquement, ceux-ci totalisent 7,7 millions de logements, et n'ont fait l'objet d'aucune régulation spécifique. Les grands opérateurs télécoms (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free) déploient chacun leurs réseaux pour servir les abonnés. C'est la règle de la concurrence par les infrastructures, chère à l'Arcep, le régulateur des télécoms, qui s'applique. Il y a ensuite la zone « moins dense », rassemblant les périphéries des grandes agglomérations et les villes moyennes. Ces territoires, qui pèsent plus de 18 millions de logements, ont été jugés rentables pour les opérateurs, mais pas au point d'y déployer plusieurs réseaux. Un système de co-investissement a donc vu le jour, sous la houlette d'Orange, et dans une moindre mesure de SFR.

Une facture de 35,7 milliards d'euros

En revanche, les opérateurs n'étaient pas prêts à investir seuls dans les zones rurales, trop peu peuplées pour être économiquement viables. Or, celles-ci représentent près de 19 millions de logements et 43% de la population... L'Etat a alors sorti le chéquier. D'après France Stratégie, le gouvernement et les collectivités ont déboursé, depuis 2013, près de 13 milliards d'euros pour y déployer la fibre via 85 « réseaux d'initiative publique ». Au total, la facture du PTHD s'est élevée, depuis 2013, à 35,7 milliards d'euros. Cette enveloppe, considérable, s'est révélée conforme aux prévisions initiales, insiste France Stratégie.

Fibre

(Crédits: Rapport d'évaluation de France Stratégie)

Rapporteur de la mission d'évaluation, Anne Faure souligne qu'il existe encore « des inégalités de déploiement de la fibre » selon les zones. Les chantiers ont débuté beaucoup plus tôt dans les villes que dans les zones rurales. Fin 2021, seuls 60% des locaux dans les campagnes avaient accès à la fibre, contre 94% de ceux des villes et des grandes agglomérations, constate France Stratégie. En outre, si l'appétence des Français pour la fibre est allée crescendo ces dernières années (les confinements liés à la crise sanitaire ont constitué un accélérateur pour adopter cette technologie), ce n'est pas le cas des entreprises. Beaucoup de PME, en particulier, rechignent encore à s'y convertir. Ce qui inquiète le gouvernement, inquiet pour leur compétitivité.

« Le numérique a une place centrale dans notre société »

Anne Faure souligne aussi que le passage à la fibre s'est globalement révélé bénéfique pour l'activité des territoires. Le rapport de la mission d'évaluation précise que « le passage local d'une couverture de 0 à 100% de la fibre optique » s'accompagne « d'une hausse de création du nombre d'entreprises sur le territoire », et « de l'arrivée d'une population jeune ». Pour les entreprises, l'arrivée d'Internet à très haut débit « s'accompagne d'une augmentation de la valeur ajoutée générée par le secteur marchand et de l'emploi ».

La copie du PTHD n'est pourtant pas parfaite. Depuis quelques années, d'importantes malfaçons ont vu le jour dans les réseaux, empêchant de nombreux abonnés d'être raccordés à la fibre. Face à la grogne du gouvernement et de l'Arcep, la filière s'est mobilisée. Des initiatives visant à améliorer la qualité des déploiements ont vu le jour. Mais les résultats ne sont pas, pour l'heure, au rendez-vous. Ce dossier préoccupe les pouvoirs publics, dans la mesure ou la fibre doit à terme remplacer le vieux réseau cuivre en tant qu'infrastructure de référence pour plusieurs dizaines d'années... Or aujourd'hui, bien davantage qu'il y a dix ans, disposer d'une bonne connexion Internet est devenu essentiel pour les Français. « Le numérique a pris une place centrale et irremplaçable dans notre société », rappelle Pierre-Jean Benghozi. D'après lui, « les infrastructures de connectivité » sont désormais « aussi indispensables et attendues que celles de l'eau ou de l'électricité ».

Pierre Manière

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Commentaires 3
à écrit le 12/01/2023 à 7:03
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J'habite dans un coin de la Drôme à environ 40km de Valence. Dans les bons jours, le débit de connexion dépasse à peine 100kb/s et il parfois impossible d'ouvrir sa boite mail. Je n'ai jamais dépassé un débit de 700kb/s alors qu'Orange devrait d'aprè...

à écrit le 12/01/2023 à 3:49
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un prix de fous sans le moindre avantage

à écrit le 11/01/2023 à 19:44
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IL n'est pas interdit d'être content ...avec un raccordement sur 3 défectueux et des conditions intenables imposées par les opérateurs à leurs sous-traitant !!!

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