
Les tensions entre Pékin et Washington ont des répercussions sur le marché des câbles sous-marins. Les deux superpuissances multiplient les investissements dans ces artères de fibre optique reposant au fond des mers, vitales pour l'acheminement des communications internationales. Elles sont, pour les Etats-Unis comme pour la Chine, un outil essentiel de projection économique. Le SEA-ME-WE 6 est, à cet égard, un câble important. Long de 21.500 km, il assurera, d'ici à 2025, une liaison entre l'Asie et l'Europe, plus précisément entre Singapour et Marseille.
Pour financer cette infrastructure, dont le coût avoisine, selon nos informations, les 800 millions d'euros, un consortium d'opérateurs et de cadors du numérique a vu le jour. Dans le projet initial, on retrouvait le géant français Orange, l'américain Microsoft, mais aussi les trois mastodontes chinois que sont China Mobile, China Telecom et China Unicom. Mais patatras ! La semaine dernière, le consortium a annoncé que China Mobile et China Telecom ont décidé de claquer la porte. Cette décision est survenue après que le consortium a choisi l'américain TE Subcom pour bâtir le câble, au lieu du chinois Hengtong. C'est ce qui a, d'après le Financial Times, poussé les deux opérateurs, dont les investissements représentaient 20% du coût du projet, à jeter l'éponge.
L'épisode illustre le bras de fer que les Etats-Unis et la Chine se livrent pour la domination des câbles sous-marins. Ces infrastructures, sans lesquelles l'Internet mondial ne fonctionnerait pas, sont ultra-sensibles. Ces câbles, où transitent toutes les communications intercontinentales, sont depuis toujours dans le viseur des militaires et des espions. Les Etats redoutent essentiellement deux choses : que les communications fassent l'objet d'interceptions, ou que ces artères soient coupées pour perturber le bon fonctionnement d'un pays.
Mais il y a aussi une dimension économique. Pour les Etats-Unis, les câbles sous-marins sont essentiels pour permettre à ses géants du Net d'abreuver la planète avec leurs services numériques. C'est, par exemple, pourquoi les Facebook, Microsoft et Google investissent des centaines de millions d'euros dans des câbles sous-marins reliant l'Europe au pays de l'Oncle Sam. La Chine, elle, juge ces infrastructures essentielles pour soutenir ses « nouvelles routes de la soie », ces corridors logistiques visant à écouler ses marchandises en Europe et en Afrique, comme l'explique Jean-Luc Vuillemin, le directeur des réseaux internationaux d'Orange, dans nos colonnes.
- Lire aussi : « Sans les câbles sous-marins, il n'y a plus d'Internet européen » (Jean-Luc Vuillemin)
Par le passé, et notamment sous Barack Obama, les Etats-Unis avaient déjà bloqué des projets de câbles sous-marins vers la Chine ou Hong Kong. Mais les tensions sont montées d'un cran sous Donald Trump et sa violente croisade contre Huawei, le champion chinois des infrastructures de téléphonie mobile... Dans le sillage de son prédécesseur à la Maison Blanche, Joe Biden continue l'offensive à l'égard des champions technologiques chinois. L'objectif est, à ses yeux, de préserver le leadership américain pour assurer sa domination économique. Ce sont bien ces enjeux qui transparaissent derrière le déploiement du SEA-ME-WE 6.
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