Rares sont les grands chantiers d'infrastructures qui respectent leurs échéances et ne dérapent pas financièrement. Le plan France Très haut débit est de ceux-là. Initié sous la présidence de François Hollande, il y a tout juste dix ans, ce vaste projet de déploiement de la fibre, dont la note globale avoisine les 36 milliards d'euros, a jusqu'à présent tenu ses promesses. Aujourd'hui, 84% des Français ont accès à cette technologie, qui permet de bénéficier d'un Internet ultra-rapide.
La France fait, sur ce plan, office de leader sur le Vieux Continent. Ce qui n'est pas pour déplaire à l'exécutif : Jean-Noël Barrot, le ministre délégué en charge du Numérique et des Télécoms, compte s'en féliciter ce jeudi, lors d'un déplacement en Dordogne et en Gironde, où il rencontrera des élus locaux, des entreprises et autres acteurs des télécoms.
Un chantier complexe
Pas question de bouder la « réussite » de ce plan Très haut débit, dit-on à Bercy, au regard des critiques dont il a fait l'objet à ses débuts. Il faut dire que ce chantier, piloté par l'Etat, est sur le papier d'une grande complexité. La France a été, pour l'occasion, découpée en trois zones distinctes. Il y a d'abord les zones dites « très denses » - c'est-à-dire les grandes villes -, qui rassemblent 7,7 millions de locaux. Dans ces territoires jugés très rentables, les grands opérateurs (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free) se livrent à une « concurrence par les infrastructures ». Autrement dit : chacun déploie sur ses fonds propres son réseau.
Les villes moyennes et périphéries des grandes agglomérations, qui représentent 17 millions de locaux, ont de leur côté été jugées rentables si les réseaux ne sont pas dupliqués. Ici, un seul opérateur (Orange ou SFR), déploie la fibre, avec des cofinancements de leurs rivaux. Enfin, dans les campagnes et zones peu denses, jugées peu ou pas rentables, l'Etat a mis la main au portefeuille pour subventionner les réseaux qualifiés « d'initiative publique » (RIP) des collectivités, lesquels regroupent 18 millions de locaux.
Le défi de la généralisation de la fibre
En dix ans, cet immense chantier n'a pas été un long fleuve tranquille. Mais jamais les désaccords et autres coups de gueule n'ont entravé, de manière critique, les déploiements. A chaque fois, le gouvernement, les opérateurs, les collectivités et l'Arcep, le régulateur des télécoms, ont réussi à s'entendre pour éviter que le projet capote. Résultat : son premier objectif, qui consistait à apporter le très haut débit à tous les Français - dont 80% via la fibre - en 2022, a été tenu.
Surfant sur cette dynamique, Emmanuel Macron a voulu aller plus loin. Le président de la République a prolongé le plan Très haut débit, en promettant que tous les Français pourraient accéder à la fibre optique en 2025. Cette ambition était défendue, de longue date, par de nombreux parlementaires et élus locaux. Aujourd'hui, disposer d'une bonne connexion Internet n'a plus rien d'un confort, et est jugé essentiel tant pour les particuliers que pour les entreprises.
Une qualité de service toujours problématique
Il n'empêche que cet objectif d'une « généralisation de la fibre », précise-t-on à Bercy, n'a rien d'une promenade de santé. Jean-Noël Barrot, les opérateurs et les collectivités le savent : les derniers locaux à raccorder sont toujours les plus difficiles et les plus coûteux. Alors que les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free ont largement levé le pied sur leurs déploiements, au grand dam de l'exécutif et de l'Arcep, le gouvernement a récemment signé un deal avec Orange pour les relancer.
L'autre défi est celui de la qualité de service. Les réseaux de fibre font depuis des années l'objet de sévères critiques. Pour mener leurs déploiements tambour battant, les opérateurs ont longtemps fait appel à des sous-traitants, dont beaucoup, mal rémunérés et mal formés, ne respectaient pas les règles de l'art. Résultat : les malfaçons pullulent sur les réseaux, et beaucoup d'abonnés se plaignent de déconnexions sauvages. Si les opérateurs affirment avoir pris des mesures pour régler ces problèmes, la situation ne s'est pas, à ce jour, améliorée. Si la France a sans doute marqué un bel essai avec son plan Très haut débit, sa transformation n'est pas, du tout, gagnée.
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