
Ils semblent insatiables. Les fonds d'investissement n'ont, semble-t-il, plus de limites à l'égard des télécoms. En témoigne, ce week-end, l'offre de rachat du puissant fonds investissement KKR pour Telecom Italia (TIM), valorisant l'opérateur historique italien à près de 11 milliards d'euros. Cela fait plusieurs années que les cadors du « private equity » s'activent dans les télécoms. Ils se sont d'abord intéressés aux infrastructures. C'est-à-dire aux réseaux Internet fixe et de téléphonie mobile des opérateurs. En quête de cash pour déployer la fibre, la 4G et maintenant la 5G, ceux-ci n'ont pas hésité à vendre d'énormes parties de leurs parcs de tours télécoms ou de leurs réseaux filaires à très haut débit.
En France, le groupe Altice, la maison-mère de SFR, a été très actif sur ce front. En 2018, l'opérateur a logé plus de 10.000 de ses tours télécoms dans une nouvelle structure. Cette manœuvre a permis au groupe de Patrick Drahi de faire rentrer KKR, à hauteur de 49,99%, contre 1,8 milliard d'euros. Cette même année, Altice a vendu près de la moitié de son réseau de fibre aux fonds Allianz Capital Partners, Axa Investment Managers Real Assets, et Omers Infrastructure. Ce qui lui a permis d'empocher encore 1,8 milliard d'euros.
Les infrastructures télécoms, une poule aux œufs d'or
Dans l'Hexagone, Bouygues Telecom, Iliad (Free) et Orange ont tous mis sur pied des montages plus ou moins similaires pour valoriser leurs actifs réseaux. Cette tendance concerne tout le paysage européen des télécoms. Le mastodonte espagnol Telefonica et le géant britannique du mobile Vodafone, pour ne citer qu'eux, ont fait de même. Idem pour Telecom Italia. L'an dernier, l'opérateur transalpin a notamment vendu 37,5% de sa filiale FiberCop, où est logé son réseau Internet fixe « secondaire » (qui relie les armoires de rues aux habitations), à KKR, encore lui, pour 1,8 milliard d'euros.
Au regard des fonds d'investissement, les infrastructures télécoms s'apparentent à une poule aux œufs d'or. Avec l'essor continu des usages numériques, les réseaux Internet fixes et mobiles apparaissent fondamentaux pour les décennies à venir. Une aubaine pour les fonds, gorgés de cash, et plus que jamais à l'affût d'opportunités.
Faible valorisation des opérateurs
Mais il y a du changement : les fonds d'investissements regardent aujourd'hui au-delà des infrastructures pour cibler directement les opérateurs, y compris les plus importants. En septembre dernier, l'opérateur T-Mobile Netherlands, filiale du géant allemand Deutsche Telekom, a été cédé aux fonds Apax Partners et Warburg Pincus pour 5,1 milliards d'euros. Citons également l'espagnol Masmovil, qui a été racheté, l'an dernier, par les fonds américains KKR, Cinven et Providence, contre 3 milliards d'euros. Reste que ces opérateurs sont du menu fretin à côté de Telecom Italia. Visé par KKR, celui-ci n'est autre que l'opérateur historique italien. Pour le gouvernement italien, qui devra se prononcer sur ce deal, l'entreprise est stratégique à plus d'un titre. Aujourd'hui, Telecom Italia est d'abord considéré comme un acteur vital pour apporter la fibre et la 5G dans tout le pays ces prochaines années.
Cet attrait pour les opérateurs est sans doute lié à leur faible valorisation. D'Orange à Telefonica en passant par BT ou Vodafone, tous les grands noms européens des télécoms souffrent en Bourse. Les investisseurs les boudent en raison de leurs gros investissements dans les réseaux, alors qu'ils sont, dans le même temps, confrontés à une concurrence féroce pesant sur les prix. C'est la raison pour laquelle, en France, Iliad (Free) et Altice (SFR) ont décidé de se retirer de la Bourse.
Le calvaire de Telecom Italia
Les opérateurs qui restent en Bourse font logiquement figure de proies. Telecom Italia en est, ici, une parfaite illustration. L'opérateur vit un calvaire. Depuis l'arrivée d'Iliad Italia sur le marché du mobile en 2018, la compétition est devenue particulièrement intense en Italie. Le groupe accumule les mauvais résultats. Son administrateur délégué, Luigi Gubitosi, est sous pression, après avoir lancé deux avertissements sur ses bénéfices en trois mois, réduit ses prévisions de flux de trésorerie disponible, et ravivé les inquiétudes suscitées par un endettement net de 22 milliards d'euros. Depuis avril 2018, son cours de Bourse a été divisé par près de trois. Avant l'offre de KKR, il n'était que de 0,31 euros, avant de remonter, ce lundi, à 0,46 euros.
- Lire aussi : Sous la pression de Bolloré, Telecom Italia va-t-il céder des actifs et perdre son patron ?
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