Alors que les discussions se poursuivent concernant un mariage entre Orange et Bouygues Telecom, l'Arcep, le régulateur des télécoms, a fait le point sur cette opération, qui chamboulerait profondément le secteur en sonnant le retour d'un marché à trois. Interrogé mercredi 3 février par la Commission des affaires économiques du Sénat, Sébastien Soriano, le chef de file de l'institution, a rappelé que celle-ci se montrera « vigilante » sur cette « potentielle concentration ».
De fait, l'Arcep aura du poids dans cette opération. Si une demande rapprochement entre l'opérateur historique et la filiale télécoms du Bouygues est déposée, « il y aura un processus de double guichet », explique Sébastien Soriano. Un premier guichet verra le jour auprès de l'Autorité de la concurrence en France (et non à Bruxelles, qui semble désormais hors-jeu). C'est elle qui donnera -ou pas- son feu vert au deal, en négociant peut-être des contreparties supplémentaires. « On sera amené à avoir un rôle d'expert vis-à-vis de l'Autorité de la concurrence pour l'éclairer sur les enjeux de cette concentration », souligne Sébastien Soriano.
Garantir l'équilibre du secteur
Le second guichet, lui, sera ouvert à l'Arcep sur la question des fréquences. Comme on l'a vu lors des dernières enchères pour la bande dite des 700 MHz, celles-ci sont vitales pour les opérateurs afin de déployer le très haut débit mobile dans l'Hexagone. Si le deal est sur la table, « on devra autoriser les transferts de fréquences entre les opérateurs », poursuit le patron de l'Arcep. Et de détailler :
« On devra d'abord examiner s'il y a bien un équilibre entre les acteurs. Mais aussi s'il n'y a pas une thésaurisation du spectre par le secteur mobile. En clair, on se demandera s'il n'y aurait pas intérêt [...] à ce que certaines fréquences retournent à l'Etat pour être, peut-être, attribuées différemment par la suite. »
Une concentration « originale »
Sébastien Soriano assure que son institution sera aux aguets si elle doit se prononcer sur ce possible rapprochement. Il s'explique :
« Cette concentration est originale, constate-t-il. Depuis 19 ans dans les télécoms, on voit des petits se marier entre eux pour devenir moyens. C'est le processus naturel d'une ouverture à la concurrence. Or aujourd'hui, l'hypothèse serait que le plus gros [Orange] se marie avec un moyen... La situation est donc très différente. Et ce qu'on veut absolument éviter, c'est un retour en arrière dans l'ouverture à la concurrence, dont on a constaté les bénéfices. »
Ne pas renforcer l'opérateur historique
Pour ce faire, l'Arcep se montrera « particulièrement vigilante aux situations de marché dans lesquels la concurrence est limitée », poursuit son chef de file. Ou « dans celles où la position de l'opérateur historique est demeurée très forte ». En premier lieu, il y a le marché des entreprises, qui pèse 10 milliards d'euros et se caractérise par un duopole entre Orange et Numericable-SFR. « Or la numérisation des PME est un élément extrêmement important de la compétitivité de notre pays. Et nous sommes en retard sur ce point... », souligne le patron de l'Arcep.
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On trouve aussi la question des zones rurales, « à travers le fonctionnement des Réseaux d'initiative publique (RIP), où la concurrence est assez limitée du côté de l'offre comme de la demande », continue-t-il. Enfin, « on sera vigilant au fonctionnement des marchés de gros, c'est-à-dire les marchés intermédiaires, notamment ceux qui permettent aux MVNO, les opérateurs mobiles virtuels, d'être présents sur le marché ». De quoi donner du grain à moudre à ses experts si la possibilité d'un mariage voit bien le jour.
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