Orange enquête sur deux suicides de salariés à Draguignan et à Troyes

En plein procès en appel des suicides chez France Télécom, lesquels avaient traumatisé l’entreprise entre 2009 et 2010, l’opérateur historique a initié des enquêtes concernant les cas de deux salariés qui ont récemment mis fin à leurs jours. L’objectif est, notamment, de déterminer si ces drames sont liés au travail.
Pierre Manière
Dans un communiqué, le syndicat Sud fustige « la réalité de la souffrance au travail » chez Orange. L'opérateur, lui, assure qu'« il n’y a pas de malaise social » dans l'entreprise.
Dans un communiqué, le syndicat Sud fustige « la réalité de la souffrance au travail » chez Orange. L'opérateur, lui, assure qu'« il n’y a pas de malaise social » dans l'entreprise. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

Deux salariés d'Orange ont récemment mis fin à leurs jours. Le premier s'est suicidé le 25 mai dernier à Draguignan. Il était en arrêt maladie et s'est pendu sur son lieu de travail, explique un communiqué du syndicat Sud. Le second était également arrêté. Il s'est pendu à Troyes, dans le jardin de son domicile, le 5 juin, explique Pascale Abdessamad, de Sud. Aux yeux du syndicat, il ne fait « aucun doute » que ces deux suicides sont en « lien avec le travail ».

Dans le cas de Draguignan, la question se pose, dans la mesure où le salarié a choisi son lieu de travail pour mettre fin à ses jours. Concernant le salarié qui s'est suicidé à Troyes, le syndicat s'appuie sur une lettre « explicite » de sa veuve. Dans cette missive, datée du 9 juin et envoyée à la direction d'Orange et aux élus de la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), elle évoque le profond mal-être de son mari au travail, et la dégradation de son état psychologique. « Il se plaignait d'une surcharge de travail, du non-remplacement des gens qui quittaient le service pour diverses raison », écrit-elle.

Un contexte sensible

Dans son communiqué, Sud évoque un troisième suicide récent d'un salarié d'Orange en France. Interrogée par La Tribune, Pascale Abdessamad affirme qu'il s'est produit « au même moment que celui de Draguignan ». Mais elle ignore sa date exacte. Selon une source proche du dossier, il se serait déroulé à Epinal. Pascale Abdessamad admet disposer, pour le moment, de peu d'informations sur ce qui s'est passé. Elle n'exclut pas, toutefois, qu'il puisse y avoir un lien avec le travail. Un porte-parole d'Orange affirme que ce suicide serait lié à des circonstances personnelles.

Ces drames interviennent dans un contexte sensible. Le procès en appel des suicides chez France Télécom s'est ouvert le mois dernier. En première instance, en 2019, deux anciens dirigeants de France Télécom, dont l'ex-PDG Didier Lombard, ont été condamnés, de manière inédite, pour harcèlement moral à la suite d'une vague de suicides entre 2008 et 2009. Idem pour Orange, qui est devenue la première entreprise et personne morale épinglée pour ce même délit. A la différence de Didier Lombard et d'autres responsables, Orange a accepté ce verdict. La direction de l'opérateur affirme tout faire, depuis cet épisode traumatisant, pour ne jamais revivre une telle crise sociale.

« Nos pensées vont tout d'abord aux familles »

Interrogé par La Tribune sur les suicides récents, Orange affirme que « ces drames individuels touchent toute l'entreprise ».

« Nos pensées vont tout d'abord aux familles et aux proches ainsi qu'aux personnes qui ont travaillé avec ses salariés, affirme le groupe. L'ensemble du management et des équipes RH sont totalement mobilisés dans l'accompagnement de ces situations forcément bouleversantes. Orange mettra tout en œuvre pour accompagner les familles et pour faire la lumière sur les responsabilités de l'entreprise si elles existent. »

Concernant le suicide de Draguignan, Orange indique qu'une enquête de police est en cours. En parallèle, une « enquête paritaire interne », incluant les syndicats, a été initiée. Sa mission est « d'analyser et d'évaluer si des causes professionnelles existent, et de formuler des propositions de mesures de prévention ». Pour le drame de Troyes, l'opérateur indique avoir proposé aux syndicats de mener une enquête, avec eux, « à la fois comprendre ce qui s'est passé, répondre aux interrogations de la famille, mais également pour définir et adapter au contexte actuel les éventuelles actions nécessaires à notre politique de prévention des risques ».

Sud déplore « la réalité de la souffrance au travail »

De son côté, Sud tire la sonnette d'alarme sur le climat social dans l'entreprise. « Si on ne peut faire de comparaison avec le système de harcèlement organisationnel pour virer 22.000 personnes 'par la fenêtre ou par la porte' [reprenant ici d'anciens propos de Didier Lombard quand il était PDG d'Orange, Ndlr] sur un temps limité, la réalité de la souffrance au travail est là, et se révèle parfois par des passages à l'acte fatal », écrit le syndicat dans son communiqué.

Orange, pour sa part, est catégorique. « Non, il n'y a pas de malaise social chez Orange, insiste l'opérateur. De part ce que nous avons vécu, nous sommes plus vigilants que n'importe qu'elle autre entreprise sur ce sujet. Depuis la crise sociale, l'entreprise s'est profondément transformée et a déployé un ensemble de dispositions, sans précédent dans les grandes entreprises françaises, pour construire un cadre qui vise à prévenir la souffrance au travail et les risques psychosociaux. » Orange insiste, au passage, sur l'importance de « ces dispositifs de prévention » dans le contexte actuel « de crises sanitaire, économique et géopolitique ».

Pierre Manière

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