Rome donne son feu vert au rachat du réseau de Telecom Italia par KKR

Le gouvernement italien a donné son aval à la vente du réseau Internet fixe de l’opérateur historique au fonds américain. Son autorisation était essentielle : l’exécutif disposait d’un « golden power » pour s’opposer au deal, s’il avait estimé qu’il nuisait aux « intérêts stratégiques » du pays.
Pierre Manière
Telecom Italia, en difficulté depuis des années sur le marché italien, table sur cette vente pour se relancer et diminuer sa dette, désormais supérieure à 26 milliards d'euros.
Telecom Italia, en difficulté depuis des années sur le marché italien, table sur cette vente pour se relancer et diminuer sa dette, désormais supérieure à 26 milliards d'euros. (Crédits : YARA NARDI)

La cession du réseau Internet fixe de Telecom Italia à KKR est désormais en bonne voie. L'opérateur historique transalpin a indiqué, ce mercredi, que le gouvernement avait approuvé le deal. L'exécutif a souligné, d'après un communiqué, que les « engagements » qui encadraient l'opération s'avéraient « pleinement adéquats pour garantir la protection des intérêts stratégiques » du pays. S'il avait jugé que ce n'était pas le cas, il aurait pu s'y opposer, et tout faire capoter, par l'intermédiaire de ses pouvoirs spéciaux, ou « golden power ».

Au début du mois de novembre, le conseil d'administration de Telecom Italia avait approuvé la vente de son réseau Internet fixe au puissant fonds américain KKR, pour un montant pouvant atteindre jusqu'à 22 milliards d'euros. L'Etat participe à l'opération : il compte prendre une participation d'au plus 20% dans cet actif. Le gouvernement a toujours indiqué qu'il souhaitait avoir son mot à dire quant à l'avenir de ce réseau, jugé essentiel pour l'avenir numérique du pays.

Une scission révolutionnaire

Les engagements pris comprennent notamment la nomination d'un dirigeant de nationalité italienne, ainsi que le maintien en Italie des activités de recherche et de maintenance. Rappelons que Rome possède aussi, via la Caisse des dépôts (CDP), une participation de 9,81% dans Telecom Italia. Si la vente du réseau Internet fixe se concrétise, l'opération marquera le grand retour de l'Etat au capital de l'opérateur, qui avait été privatisé en 1997. D'autre part, l'opération marquerait un tournant : ce serait la première fois, en Europe, qu'un opérateur historique de cette envergure organise une scission entre ses activités de services (la vente d'abonnements Internet aux particuliers), et de réseaux.

Ce deal est, pour beaucoup, présenté comme une étape dans la possible, et probable, constitution d'un grand réseau de fibre à l'échelle nationale. La CDP possède aussi une participation majoritaire de 60% dans Open Fiber, qui détient un réseau de fibre concurrent de Telecom Italia. Un mariage entre ces deux acteurs est, en coulisse, souvent évoqué. Un unique réseau de fibre à l'échelle nationale permettrait, aux yeux du gouvernement, d'accélérer les investissements dans cette technologie, et de diminuer les coûts du déploiement en évitant les doublons. Avec en ligne de mire l'amélioration de la couverture en fibre du pays, qui est en retard, sur ce créneau, par rapport à d'autres pays européens, comme la France ou l'Espagne.

L'opposition de Vivendi

Cela dit, le deal entre Telecom Italia et KKR ne fait pas que des heureux. Le géant français des médias Vivendi, qui est le premier actionnaire de l'opérateur historique avec 23,75% du capital, s'y oppose. Il a jugé « illégale » la décision du conseil d'administration de donner son feu vert à l'opération, estimant qu'une telle opération aurait nécessité la tenue d'une assemblée générale extraordinaire.

Vivendi a déposé un recours auprès du tribunal de Milan. Il a réclamé « l'annulation » de la vente. Et pas simplement « une suspension en urgence » de la transaction, a déclaré à l'AFP une source proche du dossier courant décembre. Les désaccords entre Vivendi et l'état-major de Telecom Italia portent notamment sur le montant du deal. Jusqu'à présent, le groupe de médias du milliardaire Vincent Bolloré ne souhaitait pas vendre le réseau à moins de 31 milliards d'euros. Soit 9 milliards d'euros de plus que ce que propose désormais KKR.

Pierre Manière

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Commentaires 2
à écrit le 18/01/2024 à 15:19
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Chaque État agit selon ses propres intérêts. Pourquoi le gouvernement italien interdirait-il la vente de ses bijoux aux Américains alors que ces derniers avaient fait la meilleure offre ? Pour le gouvernement italien, les conditions sont décisives. Q...

à écrit le 17/01/2024 à 20:47
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Un gouvernement d extrême droit qui vend ses bijoux aux yankees il y a de quoi rire ou s inquiéter.. l’ extrême droite est autant brèle que les autres…

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