Selon l'Arcep, Orange "attaque le modèle français de régulation"

Ce lundi, le collège de l’Arcep a estimé qu’en contestant le pouvoir de sanction du gendarme des télécoms, l’opérateur historique s’en prend plus largement au mode de régulation du secteur en France. Très remonté envers la démarche d’Orange, Sébastien Soriano, le président de l’institution, rappelle que d’autres pays ont fait des choix différents. À l’instar du Royaume-Uni, qui a décidé de scinder les activités de réseaux et de services de son opérateur historique.
Pierre Manière
Sébastien Soriano, le président de l'Arcep.
Sébastien Soriano, le président de l'Arcep. (Crédits : Sipa)

La démarche d'Orange l'a fortement irrité. Ce lundi, le collège de l'Arcep s'est fendu d'un édito, via la newsletter de l'institution, pour faire le point sur les implications d'une récente pique de l'opérateur historique. À la fin de l'été, Orange a déposé au Conseil d'État une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), pour contester le pouvoir de sanction du régulateur des télécoms. Or, aux dires du collège, Orange, à travers cette initiative, "[défie] l'esprit pragmatique de la régulation à la française". Ici, l'opérateur historique "n'agresse pas tellement l'Arcep", précise Sébastien Soriano, le président du régulateur, à La Tribune, "mais attaque plus largement le modèle français de régulation".

Dans son édito, le collège souligne que le pouvoir de sanction de l'Arcep est vital pour le bon fonctionnement de la régulation actuelle. Sans lui, il ne serait notamment pas possible, argumente-t-il, de bénéficier "des engagements que peuvent prendre les opérateurs sur des enjeux concurrentiels ou de couverture du territoire". "Sans contrôle ni sanction, ces engagements ne seraient que de papier", insiste le collège. À titre d'exemple, l'État a fait le choix, l'an dernier, de proposer aux opérateurs un accord singulier : les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free se sont engagés à couvrir les "zones blanches", ces campagnes le mobile ne passe pas, en contrepartie d'absence d'enchères financières pour le renouvellement de certaines fréquences. "Or ces obligations, il faut bien quelqu'un pour les contrôler, souligne Sébastien Soriano. S'il n'y a pas de pouvoir de sanction, alors ces engagements n'ont plus aucune valeur."

"Je ne suis pas certain qu'Orange a mesuré toutes les conséquences"

Sébastien Soriano se montre très remonté par l'initiative de l'opérateur historique. "Je ne suis pas certain qu'Orange a mesuré toutes les conséquences", dit-il. Le président de l'Arcep affirme que si son pouvoir de sanction disparaissait, alors la France devrait choisir un autre modèle de régulation. Pas sûr, dans ce cas, qu'Orange y gagne. Loin de là. Sébastien Soriano fait notamment référence "aux Anglais [qui] ont décidé de couper leur opérateur historique en deux". Concrètement, le Royaume-Uni a obligé BT à loger ses activités de réseaux dans une société juridiquement distincte, Openreach, afin qu'elle serve équitablement tous les opérateurs du pays.

La France, rappelle Sébastien Soriano, a fait un choix différent. Souhaitant tirer avantage de la "synergie entre les infrastructures et les services", elle a décidé de laisser l'opérateur historique maître de son réseau de ses déploiements.

"Nous avons jugé qu'Orange, du fait de son besoin de regagner des clients dans l'Internet fixe [avec l'essor d'une forte concurrence dans l'ADSL, Ndlr] était incité à investir dans la fibre", explique-t-il, y voyant une "dynamique de marché positive". "Mais la contrepartie de ce choix, c'est qu'il faut que le régulateur vérifie au quotidien qu'Orange ne profite pas de cette situation en se donnant un avantage [vis-à-vis des autres opérateurs, Ndlr] sur le marché de détail. C'est ce qu'on appelle la non-discrimination. Pour y veiller, il faut un contrôle régulier et des procédures de sanction. Sans elles, nous serions potentiellement poussés à choisir des approches de régulation beaucoup plus radicales..."

Interrogé par La Tribune sur cette menace d'un sort à la BT pour Orange si l'Arcep perdait son sifflet, Sébastien Soriano corrige : "Ce n'est pas une menace, c'est factuel", cingle-t-il.

Pierre Manière

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Commentaires 11
à écrit le 12/09/2019 à 10:30
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correctif que chacun aura corrigé : après plus de 23 ans d'ouverture du monopole... quand à la menace de séparer les réseaux, c'est promettre le pire et au nom de quel intérêt général ? grave dérive de menaces pour entraver le contrôle de légalité...

à écrit le 11/09/2019 à 17:49
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pitoyable de s'énerver et dire si vous prouvez qu'on ne sert à rien, je peux encore plus détruire certains, donc pas touche au grisbi ça montre l'état d'esprit et l'objectivité de cette instance. Une vraie régulation est une régulation qui a une du...

à écrit le 11/09/2019 à 17:39
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la question est : après plus de 290 ans d'ouverture du monopole et la mise en place d'opérateurs qui ont investi dans les réseaux et ont pris des parts de marchés importantes, et sachant qu'il y a le gouvernement qui donne les orientations, l'autorit...

le 16/09/2019 à 12:49
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Du VDSL à 2km de l'armoire.... quel progrès. Le seule avatnage de cette technique est de pouvoir s'assurer dans un premier temps que la fibre arrive à toutes les armoires et que donc tout le monde bénéficie rapidement du augmentation de débit par ra...

à écrit le 10/09/2019 à 20:54
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Laissons l'entretien du réseau cuivre à l'opérateur historique. Entretien très onéreux. Les autres opérateurs devant se priver du support cuivre, plus de passage par la montée en debit (fibre+cuivre) amènerons la fibre direct chez l'abonné. Beaucou...

à écrit le 10/09/2019 à 20:51
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Laissons l'entretien du réseau cuivre à l'opérateur historique. Entretien très onéreux. Les autres opérateurs devant se priver du support cuivre, plus de passage par la montée en debit (fibre+cuivre) amènerons la fibre direct chez l'abonné. Beaucou...

à écrit le 10/09/2019 à 16:52
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Pourquoi ne pas prendre l'exemple de la Russie, de la Turquie ou même des US?? Il est sûr que le système Britannique n'est pas des moins libéral, ce qui n'est pas le cas de la France historique qui encadre et fait en sorte de trouver un équilibre ent...

à écrit le 10/09/2019 à 16:29
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Dans la mesure ou ils tentent comme les autres opérateurs de délégué la gestion des services au gardiennes d'immeubles comme amazon et d'autres qui espère pouvoir abuser du système est réalisant une gestion par défaut et non du service, permet déjà d...

à écrit le 10/09/2019 à 15:30
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L'administration française cultive les sinécures de petits régulateurs dits "haute autorité" qui jouent les arbitres sur certains marchés monopolistiques. En fait ils agissent comme des chefs de cartel, et l'utilisateur final est dupé, certes un peu ...

à écrit le 10/09/2019 à 14:50
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Séparer les infrastructures des services, on a déjà essayé dans le ferroviaire avec RFF et SNCF. On a vu ce que cela donne et in fine le cout pour la collectivité. Finalement la régulation tombe le masque et cherche à faire appliquer un modèle si...

à écrit le 09/09/2019 à 19:27
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Quand est ce que on vire le rentier des télécommunications sebastien soriano ? IL est un peu comme faut bénéficiaire de hlm qui s accroche à sa rente sociale non?

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