
Le 21 janvier dernier, Iliad, la maison-mère de Free, présentait sa « stratégie climat » pour réduire son empreinte carbone. A cette occasion, Xavier Niel, le fondateur et chef de file du groupe, a passé un gros coup de gueule. D'après lui, « le pouvoir politique ne fait rien » pour avancer sur les problématiques environnementales. Si Xavier Niel est si remonté, c'est parce que le gouvernement n'a jamais, jusqu'à présent, voulu prendre des mesures sur un épineux dossier : le subventionnement des terminaux dans les forfaits. Au contraire de ses rivaux Orange, SFR et Bouygues Telecom, Xavier Niel s'est toujours refusé à cette pratique, qui pousse les Français à renouveler plus rapidement leurs smartphones. Or la fabrication des téléphones représentent environ 70% des émissions de CO2 du numérique, loin devant les réseaux (5 à 10%).
Depuis son arrivée sur le mobile en 2012, Xavier Niel a toujours combattu le subventionnement des terminaux. Mais il n'a pas mené cette fronde pour des raisons environnementales : s'interdisant lui-même cette pratique - notamment pour promouvoir sa « transparence » auprès des consommateurs et favoriser sa stratégie tarifaire agressive -, il s'agace de voir ses concurrents en tirer profit. A ses yeux, la subvention à l'achat de mobile n'est rien d'autre qu'un « crédit à la consommation déguisé », où le consommateur payerait parfois plus cher son terminal. Il y a neuf ans, Free a porté plainte contre SFR pour concurrence déloyale sur certaines offres. Plusieurs années plus tard, en 2018, une décision de la Cour de cassation a tranché en sa faveur, estimant que la subvention d'un mobile couplée à un forfait au prix plus élevé avec un engagement plus ou moins long s'apparentait à un crédit à la consommation. Un an plus tard, la Cour d'appel de Paris, qui a rejugé l'affaire, est allé dans le même sens. Après SFR, Free a successivement attaqué Orange et Bouygues Telecom.
« Il faut qu'on renouvelle moins souvent nos téléphones »
En attendant que ces péripéties judiciaires s'achèvent un jour, Orange, SFR et Bouygues Telecom continuent de recourir au subventionnement des mobiles. Si cette pratique était la norme il y a dix ans, les forfaits sans engagement, et sans terminal subventionné, sont toutefois devenus majoritaires. Aujourd'hui, ils représentent plus de 75% du marché. L'Etat va-t-il, pour la plus grande satisfaction de Free, enterrer cette pratique ? Possible. Le gouvernement pourrait prendre des mesures contre le subventionnement dans le cadre de son nouveau plan pour limiter l'empreinte carbone du numérique. Ce mercredi sur Radio J, Cédric O, le secrétaire d'Etat en charge du numérique et des télécoms, a donné le ton : « Il faut qu'on renouvelle moins souvent nos téléphones portables. On le fait tous les deux ans, c'est une aberration environnementale. » Pour ce faire, « la question des mobiles subventionnés » est « effectivement sur la table », a-t-il poursuivi.
Pas question, cependant, de trancher immédiatement. L'exécutif a d'abord demandé à l'Arcep, le régulateur des télécoms, d'étudier le dossier. « Je rappelle que l'interdiction de la subvention des portables par les forfaits est une demande de la convention citoyenne pour le climat, a enchaîné le secrétaire d'Etat. Nous l'étudions de près, et nous prendrons une décision dans les mois qui viennent. » En parallèle, le Sénat a également fait parler la poudre contre le subventionnement des mobiles. Mi-janvier, les parlementaires ont voté en première lecture une proposition de loi pour diminuer l'empreinte environnementale du numérique. Y figure un article visant à encadrer le subventionnement des terminaux. Son objectif : obliger les opérateurs à se montrer beaucoup plus transparent. « L'article prévoit, d'une part, que le montant payé au titre du téléphone portable soit clairement dissocié de celui payé au titre de l'abonnement, au moment de l'acte d'achat et sur la facture qui est adressée au consommateur, précise le texte. L'amendement prévoit, d'autre part, que lors des démarches commerciales engagées au terme de la période d'engagement, l'opérateur informe le consommateur du montant d'un abonnement qui n'inclurait pas le renouvellement du téléphone portable. » Rien ne dit, toutefois, que cet article sera bien conservé dans la version finale du texte.
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