C'est une nouvelle à laquelle les opérateurs télécoms et les collectivités ne s'attendaient pas. Le gouvernement a détaillé, ce jeudi matin dans un décret paru au « Journal officiel », les différentes coupes budgétaires pour limiter le déficit public en 2024. Et les télécoms sont concernés. Bercy a, en effet, choisi de tailler dans le financement du plan France Très haut débit (PTHD), qui ambitionne d'apporter la fibre à tous les Français à l'horizon 2025. D'après le décret, Bercy compte annuler près de 38 millions d'euros d'autorisations d'engagement, et près de 117 millions d'euros de crédits de paiement. Un coup de rabot, qui, au total, atteint plus de 154 millions d'euros.
Cette décision a, d'emblée, suscité l'ire des opérateurs. Interrogée par La Tribune, la Fédération française des télécoms (FFT), leur lobby, la critique vivement. Elle affirme, en outre, que l'exécutif ne l'a pas prévenu de ses intentions.
« Les opérateurs n'ont pas été consultés en amont sur cette annulation de crédits, s'étrangle la fédération. Nous regrettons l'absence de concertation, et l'impact prévisible d'une telle décision sur l'aménagement numérique du territoire, qui sera nécessairement substantiel compte-tenu des montants sur les différents volets du PTHD. »
« Bravo Bruno Le Maire »
Directeur des affaires publiques d'Orange, Laurentino Lavezzi, lui, a sorti sa calculette. Dans un tweet particulièrement piquant à l'endroit de Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, il estime que cette coupe budgétaire empêchera de financer le raccordement d'environ 300.000 locaux - en se basant sur un prix moyen de 500 euros pour la construction d'une prise fibre.
« Bravo Bruno Le Maire, ironise Laurentino Lavezzi. Votre main ne tremble pas quand il s'agit de priver 300.000 foyers d'accès à la fibre, et la France, de 450 millions d'euros de croissance du PIB. Vos collègues le découvrent ce matin au JO, comme les élus, les administrations en charge et les opérateurs. Bon courage ! »
Une décision « regrettable »
La FFT juge cette décision particulièrement « regrettable ». Et ce notamment au regard de « l'ampleur de la fiscalité spécifique des télécoms (soit 1,5 milliard d'euros de prélèvements ne bénéficiant pas à l'aménagement numérique), des besoins de financement pour finaliser le PTHD (notamment les raccordements complexes, où des investissements lourds dans le génie civil sont nécessaires), et de l'effet de l'investissement dans les réseaux télécoms sur le reste de l'économie ».
Les collectivités, elles, sont aussi très remontées. Interrogée par La Tribune, l'Avicca, l'influente association regroupant les collectivités impliquées dans le numérique, ne mâche pas ses mots. Elle se dit « stupéfaite ». L'association considère, notamment, que ces annulations de financement « mettent en péril le financement des RIP ». C'est-à-dire les Réseaux d'initiative publique déployés dans les campagnes grâce, en partie, aux deniers de l'Etat. L'Association des maires de France (AMF) y est aussi allée de son coup de gueule. « Le plan France Très haut débit perd 40% de ses crédits », déplore-t-elle dans un communiqué, soulignant que l'ensemble des réductions budgétaires présentées ce jeudi vont « lourdement impacter le quotidien des Français ».
Le silence du secrétariat d'Etat au Numérique
Contacté par La Tribune, le cabinet de Marina Ferrari, la nouvelle secrétaire d'Etat en charge du Numérique, ne fait pas de commentaire sur cette coupe budgétaire, laquelle concerne pourtant son plus gros dossier dans les télécoms. Il renvoie, à ce sujet, vers les services de Thomas Cazenave, le ministre délégué aux Comptes publics. D'après nos informations, Marina Ferrari aurait découvert ce coup de rabot ce jeudi matin même, avec la publication du décret. Interrogé, son cabinet « ne confirme pas cette information », mais ne la dément pas. Il précise, toutefois, que la manière dont ces coupes financières seront ventilées entre les différents volets du PTHD fera l'objet d'« arbitrages », après consultation des acteurs du secteur.
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