Passage de témoin ce lundi chez Orange. Après 12 ans chez l'opérateur historique - dont dix à sa tête -, Stéphane Richard cède sa place à Christel Heydemann. A 47 ans, l'ancienne patronne de Schneider Electric Europe est la nouvelle directrice générale du groupe. Conformément à la volonté de l'Etat, premier actionnaire de l'ex-France Télécom à hauteur de 23%, elle sera la première femme à diriger ce mastodonte du CAC 40 aux plus de 140.000 salariés et aux 42 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Elle formera un nouveau tandem avec Jacques Aschenbroich, actuel président du conseil d'administration de Valeo. Celui-ci doit prendre la présidence non-exécutive d'Orange au 19 mai. Le temps que son nom soit validé, ce même jour, à l'assemblée générale des actionnaires.
Les défis de cette polytechnicienne et ingénieure des Ponts et Chaussées sont connus. Elle devra permettre à Orange de se frayer un chemin dans un monde numérique en plein chambardement. Aujourd'hui, disposer d'une bonne connectivité est devenu essentiel. Mais les opérateurs restent confrontés à la puissance des Gafa, dont l'essor préoccupe depuis longtemps tout l'écosystème des télécoms. En matière d'infrastructures, elle devra achever le déploiement de la fibre dans l'Hexagone. Une tâche loin d'être aisée, d'autant que comme l'illustre le conflit d'Orange avec Scopelec, la rapidité avec laquelle le chantier est mené a débouché sur de nombreuses et préoccupantes malfaçons.
Ne pas rater le tournant de la 5G
Dans le mobile, Christel Heydemann va poursuivre le déploiement de la 5G. Tout l'enjeu sera, ici, de monétiser aussi vite que possible cette technologie, en particulier auprès des entreprises. Le dossier est critique pour Orange, soucieux de rentabiliser ses milliards d'investissements, comme pour la compétitivité de la France, qui souhaite aujourd'hui se réindustrialiser.
Sur le front des « grands mouvements stratégiques », comme le disait Stéphane Richard, on ignore, aujourd'hui, quelle direction prendra Christel Heydemann. Cherchera-t-elle à relancer une consolidation sur le marché français après l'échec du rapprochement avec Bouygues Telecom de 2016 ? Tentera-t-elle, comme son prédécesseur, de marier Orange à un autre cador européen des télécoms ? Se renforcera-t-elle en Afrique, où Orange est désormais un acteur incontournable, présent dans 18 pays ? Dans un marché des télécoms souvent jugé « mature », et où gagner de nouveaux clients revient à en chiper à la concurrence, accentuera-t-elle la diversification du groupe dans la cybersécurité ou dans la banque ? Ou, au contraire, y mettra-t-elle un terme ?
Des syndicats inquiets de nombreux départs
L'autre grand enjeu de son mandat sera de préserver un climat social apaisé après la crise des suicides de 2009. Sur ce plan, quelques nuages sont récemment apparus. En 2020, Orange a lancé un « programme » dit d'« efficacité opérationnelle ». Baptisé « Scale Up », celui-ci vise à réaliser 1 milliard d'euros d'économies d'ici à 2023, dont environ la moitié sur la masse salariale. Pour y arriver, la direction a signé fin décembre un nouvel accord intergénérationnel pour la période 2022-2024. Sur le papier, il est censé favoriser le recrutement de jeunes tout en proposant aux plus âgés « un nouveau dispositif de temps partiel », sur la base du volontariat. Mais selon la CFE-CGC, « cet accord s'apparente plutôt à un PSE déguisé sans les garanties du code du travail, puisqu'entre 6.000 et 10.000 départs nets sont attendus ».
Chez Orange, qui compte 78.000 employés en France, certains redoutent les conséquences de cet accord, fustigeant une initiative qui ne servirait qu'à réduire les coûts. « Il faut arrêter le plan d'économie, qui prévoit une véritable casse sociale, si l'entreprise ne veut pas se retrouver au niveau des années noires du groupe », a ainsi écrit la CGT en janvier dernier. « En effet, les rapports des experts sont alarmants, le climat social se dégrade de plus en plus, et il est urgent que l'entreprise s'en rende compte avant qu'il ne soit trop tard », a-t-elle alerté dans un communiqué consacré à la nomination de Christel Heydemann. La nouvelle patronne de l'opérateur historique sera, c'est peu dire, attendue au tournant.
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