Les grands défis de Christel Heydemann, la nouvelle patronne d’Orange

Le conseil d’administration d'Orange a officiellement nommé, ce vendredi, l’actuelle dirigeante de Schneider Electric Europe à la direction générale de l'opérateur historique. Quel est son profil ? Que seront ses défis ? La Tribune fait le point.
Pierre Manière
Christel Heydemann devra composer avec une forte concurrence, le poids de l'Etat, et celui de la régulation, pour faire avancer Orange.
Christel Heydemann devra composer avec une forte concurrence, le poids de l'Etat, et celui de la régulation, pour faire avancer Orange. (Crédits : Schneider Electric)

Le nouveau visage d'Orange, c'est elle. Christel Heydemann, l'actuelle dirigeante de Schneider Electric Europe, va devenir directrice générale l'opérateur historique. Le conseil d'administration du géant français des télécoms lui a officiellement donné les rênes du groupe ce vendredi. Elle prendra ses nouvelles fonctions le 4 avril, pour un mandat de quatre ans. C'est donc elle qui succédera à Stéphane Richard. Après 12 ans passés à la tête du groupe, il a été contraint de rendre son tablier de PDG après sa condamnation dans l'affaire Tapie. Celui-ci continuera d'assurer ses fonctions jusqu'à l'arrivée de Christel Heydemann, puis restera président non-exécutif jusqu'à la nomination d'un nouveau président, au plus tard le 19 mai.

A 47 ans, Christel Heydemann cochait beaucoup de cases. Cette polytechnicienne et ingénieure des Ponts et Chaussées sera la première femme, conformément à la volonté de l'Etat, à diriger Orange. Signe que les choses évoluent un peu, même dans le monde très masculin des télécoms. En témoigne, notamment, la nomination de Laure de La Raudière à la tête de l'Arcep, le régulateur du secteur, il y a tout juste un an. Le monde des télécoms n'est pas étranger à Christel Heydemann. Chez Schneider Electric, elle s'est notamment occupée du lancement de solutions liées à l'Internet des objets. Mais Christel Heydemann a surtout passé, auparavant, 15 ans au sein de l'équipementier télécoms Alcatel-Lucent, depuis parti dans le giron du finlandais Nokia.

Fibre sociale

Elle y a, au passage, exercé les fonctions de DRH. Et ce au pire moment : en 2012, Alcatel-Lucent est en mauvaise posture, et lance d'énormes et douloureux plans sociaux, notamment sous la houlette de Michel Combes, dont la réputation de cost killer n'est plus à faire. Cette responsabilité de Christel Heydemann et sa fibre sociale ont constitué un atout aux yeux des administrateurs d'Orange. Au sein du navire amiral des télécoms françaises, personne n'a oublié le traumatisme de la crise des suicides, il y a un peu plus de dix ans.

Christel Heydemann est aussi particulièrement engagée dans la lutte contre le réchauffement climatique, et répète que les entreprises doivent en faire davantage. Ce sujet monopolise, en tout cas, son compte Twitter. Elle défend également l'égalité entre les hommes et les femmes, comme une meilleure conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle. En septembre dernier, elle a co-écrit un rapport à ce sujet pour le compte du gouvernement.

De nombreux dossiers chauds

En prenant la tête d'Orange, elle aura la lourde tâche de faire avancer un énorme paquebot. Du haut de ses 42 milliards de chiffre d'affaires, l'ex-monopole d'Etat reste, et de loin, le premier opérateur de l'Hexagone. Le groupe compte plus de 140.000 salariés, dont 80.000 dans l'Hexagone. Son aura à l'internationale est énorme. Orange est présent dans de nombreux pays européens, notamment en Espagne, en Pologne, en Belgique ou en Roumanie. Il a aussi planté son drapeau dans 18 pays africains. Son métier, les télécoms, en fait l'un des fers de lance du monde numérique. Ses réseaux sont stratégiques à plus d'un titre : même les puissants Gafa américains sont bien obligés d'emprunter ses tuyaux pour proposer leurs services.

Les dossiers chauds ne manquent pas. L'un des plus importants sera de gérer la baisse progressive des effectifs en France. Orange a engagé des manœuvres en ce sens, lui qui dispose aujourd'hui de beaucoup plus de troupes que ses rivaux SFR, Bouygues Telecom et Free, tous sous la barre des 10.000 employés. Sur ce front, des restructurations pourraient bien voir le jour. Si tel est le cas, leur pilotage ne sera pas chose facile au regard du passé de l'entreprise.

Trouver des relais de croissance

Côté business, Orange va continuer à investir lourdement dans l'immense chantier de la fibre optique. L'objectif fixé par le gouvernement est clair : tous les Français doivent pouvoir accéder à cette technologie à l'horizon 2025. En parallèle, l'opérateur est attendu au tournant sur le démantèlement progressif du vieux réseau cuivre, utilisé pour l'ADSL. Dans le mobile, l'opérateur va continuer à déployer la 5G, la nouvelle génération de communication mobile. De nouvelles opportunités devraient voir le jour, notamment concernant la digitalisation des entreprises. L'opérateur ne devra pas, en clair, rater le coche.

L'autre enjeu pour Orange sera d'identifier et développer d'autres relais de croissance. Aujourd'hui, les télécoms ont la particularité d'être un marché mature. La plupart des Français disposent d'une connexion Internet fixe et d'un abonnement mobile. Gagner des abonnés, c'est en chaparder à la concurrence. C'est notamment ce qui fait que la compétition est si féroce depuis des années sur ce secteur. Pour continuer à croître, le groupe s'est diversifié dans la banque ou dans la cybersécurité. Faut-il continuer dans cette voie ? En ouvrir de nouvelles ? Christel Heydemann sera attendue au tournant.

Vers un mariage avec un cador européen ?

Il a longtemps été reproché à Stéphane Richard d'avoir échoué à boucler un deal d'envergure avec un autre opérateur européen, comme Deutsche Telekom ou Vodafone. Christel Heydemann voudra, peut-être, tenter sa chance. Si tel est le cas, la tâche ne sera pas aisée. D'une part parce qu'Orange, à l'instar d'ailleurs des autres opérateurs européens, est aujourd'hui confronté à la défiance des investisseurs, et a vu sa valorisation boursière dégringoler ces dernières années.

D'autre part, il faudra aussi décrocher la bénédiction de l'Etat, premier actionnaire de l'opérateur à hauteur de 23%. Pas évident. C'est le moins que l'on puisse dire. En décembre dernier, Stéphane Richard n'a pas caché tout le mal qu'il pensait de l'Etat-actionnaire. Dans un entretien au Point, il l'a qualifié de « champion des injonctions contradictoires », qui « entretient une forme d'aversion au risque » et « pèse sur les initiatives stratégiques », en faisant, par exemple, capoter le rachat de Bouygues Telecom en 2016.

Chez Orange, la puissance publique se fait toujours entendre. C'est clairement ce qui différencie l'opérateur historique de ses rivaux, beaucoup plus mobiles. Les desideratas de l'Etat divisent souvent le conseil d'administration d'Orange. Les tensions sont monnaie courante, comme avec l'affaire dite des droits de votes doubles en 2015, celle concernant la vente de Dailymotion, ou encore sur la négociation d'un contrat avec Eutelsat en 2018...

Cerise sur le gâteau : les télécoms sont un marché régulé. Et le travail de l'Arcep, l'autorité qui en a la charge, consiste essentiellement à réguler Orange, au regard de sa domination du secteur. Là encore, des conflits éclatent régulièrement. La présidente de l'Arcep, Laure de La Raudière, a par exemple indiqué qu'elle souhaitait davantage de concurrence dans les télécoms professionnelles. Un segment où Orange est ultra-dominateur, avec une part de marché avoisinant les 70%. Le dossier est très sensible pour l'opérateur, et Christel Heydemann va devoir défendre ses positions avec finesse. Plus qu'ailleurs, la diplomatie constitue une qualité essentielle pour faire avancer Orange.

Pierre Manière

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Commentaires 7
à écrit le 30/01/2022 à 12:15
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Priorité ? Restaurer un service commercial et dépannage de qualité ! avec des collaborateurs qui ne soient pas installés en Tunisie ou au Maroc, qui soient compétents et qui ne répètent pas des formules de politesse comme des perroquets !

à écrit le 28/01/2022 à 17:21
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Elle a été nommée par Macron et Le Maire; elle ne sera qu'une haute fonctionnaire à la tête de l'administration des télécommunications.

le 30/01/2022 à 9:31
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Il y a belle lurette que l'administration des télécommunications n'existe plus.

à écrit le 28/01/2022 à 16:50
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A-t-elle la carrure d'un Pierre Suard?

à écrit le 28/01/2022 à 16:42
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Déjà repousser à la gaffe les 2 saligots : Niel et Bouygues Bon courage Madame

à écrit le 28/01/2022 à 12:54
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Son genre ne peut et ne doit pas être un critère. Et il est bien dommage que ce soit la première chose mise en avant dans cet article Car oui elle a autre chose pour elle. Elle semble tout à fait compétente et c’est cela qui compte en premier et qu...

à écrit le 28/01/2022 à 12:15
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C'est marrant on n'entend jamais de refus de poste de la part de ces grands patrons alors que déjà installés à des postes importants, valorisants, n'aimaient ils pas l'entreprise qu'ils quittent sans hésiter ?

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