Ubisoft : face à Vivendi, le clan Guillemot organise la résistance

La fratrie fondatrice de l’éditeur de jeux vidéo s’est récemment renforcée à son capital. Son objectif : se défendre face à l’ogre Vivendi qui, après avoir avalé Gameloft, pourrait lancer prochainement une offensive sur Ubisoft.
Pierre Manière
Vivendi, qui souhaite se renforcer dans les jeux vidéo, lorgne depuis longtemps Ubisoft.

Il y a deux semaines, Ubisoft a fait très bonne impression à l'E3 (Electronic Entertainment Expo). A l'occasion de cette grande messe du jeu vidéo qui se déroule tous les ans à Los Angeles, l'éditeur français a marqué les esprits en dévoilant plusieurs titres prometteurs. Outre les prochains opus de ses jeux phares « Assassin's Creed » ou « Far Cry 5 », le groupe fondé et dirigé par la famille Guillemot a présenté en grande pompe « Mario + The Lapins Crétins : Kingdom Battle », fruit d'un partenariat avec le cador Nintendo. De jolis coups sur lesquels le clan Guillemot capitalise pour montrer à tous qu'il n'a pas besoin de Vivendi pour assurer l'avenir du groupe. Alors que de son côté, le géant des médias dirigé par Vincent Bolloré ne cache pas son appétit pour l'éditeur français - après avoir déjà mis la main sur Gameloft, le spécialiste des jeux sur mobile, également fondé par les Guillemot.

Dans la foulée de ce coup de projecteur, ce mardi, la famille Guillemot a consolidé sa position au capital d'Ubisoft, en faisant passer sa part de 13,22% à 13,57% du capital. Ce faisant, elle détient ainsi un peu plus de 20% des droits de vote du groupe. Une manière pour la famille de montrer à Vivendi qu'elle ne compte rien lâcher. Même si aujourd'hui, le groupe dirigé par Vincent Bolloré demeure le principal actionnaire d'Ubisoft, dont il détenait, fin mars, 27% du capital et 24,54% des droits de vote. Au passage, la famille Guillemot a indiqué qu'elle pourrait encore se renforcer. Dans un courrier cité à l'AMF, elle affirme « [envisager] des acquisitions supplémentaires en fonction des opportunités de marché qui pourraient se présenter ».

Bientôt une OPA de Vivendi ?

Si la famille Guillemot - dont Yves Guillemot, le Pdg d'Ubisoft - renforce ses défenses, c'est probablement parce que depuis quelques temps, les rumeurs d'OPA de Vivendi se sont multipliées. Le 15 juin dernier, une dépêche de l'agence Bloomberg affirmait ainsi que le groupe de médias envisageait de se lancer à l'assaut de l'éditeur d'ici à la fin de l'année. Si cette perspective est prise au sérieux, c'est parce que récemment, Vivendi a aussi évoqué la possibilité d'introduire en Bourse une part minoritaire de sa pépite Universal Music Group. Or comme l'explique dans une note Jérôme Bodin, analyste médias chez Natixis, « cette opération lui permettrait de reconstituer sa capacité d'investissement [...] et de faire de nouvelles acquisitions dans les contenus ». Car depuis que Vivendi s'est offert Havas, en mai dernier, il ne dispose plus, aujourd'hui, de suffisamment de trésorerie - qui s'élevait à 473 millions d'euros en mars dernier - pour acquérir le solde du capital d'Ubisoft.

Il n'en fallait pas plus pour émoustiller les observateurs et analystes, qui spéculent tous sur le prix que le géant des médias pourrait bien proposer pour faire main basse sur l'éditeur de jeux vidéo. Interrogé par Reuters, Richard-Maxime Beaudoux, analyste chez Bryan Barnier, estimait mercredi que Vivendi devrait proposer entre 60 et 67 euros par action pour s'offrir Ubisoft, dont le titre avoisine les 50 euros. Ce qui valoriserait l'éditeur entre 6,8 et 7,5 milliards d'euros, contre 5,6 milliards au cours actuel.

« Ce n'est pas Ubisoft ou rien »

Pour sa part, Jérôme Bodin ne croît pas à une telle offensive. « Au regard des montants évoqués, cette acquisition pourrait s'avérer risquée pour Vivendi, explique-t-il. Le principal risque est que le management profite de cette opération pour quitter le groupe et utiliser le cash obtenu pour recréer un studio de taille mondiale avec des développeurs clefs. » Dans ce scénario, « Vivendi se retrouverait avec un nouveau concurrent avec de fortes capacités d'investissement », renchérit-il. Pour lui, le groupe de médias pourrait opter pour un statu quo pendant plusieurs mois, ce qui lui permettrait « de maintenir la pression sur Ubisoft, tout en retentant chaque année lors de l'AG d'être représenté au conseil voire effectuer une prise de contrôle ». Mais « au regard du cours actuel d'Ubisoft (qui a grimpé de plus de 45% depuis le début de l'année, NDLR), une cession de la participation de Vivendi [lui] semble de plus en plus crédible ». Dans cette hypothèse, le groupe dirigé par Vincent Bolloré pourrait empocher une belle plus-value, et se projeter sur un acteur des jeux vidéo plus petit, dans les consoles par exemple. Quitte à retenter plus tard un rapprochement avec Ubisoft.

Cette dernière perspective est d'autant plus crédible que ce jeudi, dans une interview au Figaro, Stéphane Roussel, le Pdg de Gameloft, a jugé que si Vivendi devait « acquérir un acteur beaucoup plus puissant », il ne se focalisait pas uniquement sur Ubisoft. « Le plus naturel serait d'accélérer avec Ubisoft, a-t-il affirmé. Mais ce n'est pas Ubisoft ou rien. Nous avons des discussions avec d'autres acteurs. » Pour en savoir plus sur les intentions de Vivendi, il faudra vraisemblablement attendre la prochaine assemblée générale de l'éditeur, prévue fin septembre.

Pierre Manière

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Commentaires 2
à écrit le 04/07/2017 à 15:46
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Pourquoi Ubisoft n'aime pas Vivendi ? Et pourquoi ils résistent ?

à écrit le 01/07/2017 à 21:39
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Et dire que j'avais acheté des actions à 4€ en 2011 ... que j'ai vendu 7€ .... j'en pleure encore 😭😭😭😭

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