Youtubeurs (1/2) : Internet, le vivier où les marques puisent leurs nouvelles égéries

[ Série d'été ] Parce que le public jeune accorde moins de crédit aux publicités diffusées par les canaux classiques (presse écrite, radio, télévision), les annonceurs, pour faire vivre leurs marques, investissent les nouveaux territoires médiatiques en commençant par y recruter les influenceurs les plus adaptés à leurs cibles et produits.
Mathilde Ceilles
Le célèbre coiffeur Franck Provost a récemment noué plusieurs partenariats avec des youtubeuses beauté françaises influentes, comme ici Allison de la chaîne Allyfantaisies.

Il fut un temps - un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître - où les marques s'arrachaient les célébrités pour les faire tourner dans de courts spots, qu'elles payaient à prix d'or pour qu'ils soient diffusés avant le film du soir. Ce temps n'est évidemment pas révolu, mais des petits nouveaux ont tracé leur sillon dans la constellation des personnalités capables d'aimanter le public. Avec leurs milliers de vues, et leur popularité auprès du jeune public, les "youtubeurs" (ces jeunes gens qui animent une "chaîne" sur Youtube en y publiant des vidéos originales où ils se mettent en scène) sont devenus des égéries intéressantes pour les annonceurs, qui désormais intègrent ces nouveaux acteurs à leurs stratégies marketing.

Un "monde parallèle"

"Youtubeuse beauté" depuis 2012 (mais pas que - elle cuisine aussi), la jeune Allison, qui anime la chaîne Allyfantaisies, avoue d'elle-même avoir découvert "un monde parallèle", peu de temps après ses débuts. Un monde dans lequel des marques prennent contact avec ces jeunes influenceurs et influenceuses pour nouer ce qu'on appelle, en jargon de youtubeur, un « partenariat ». Concrètement, une marque contacte un youtubeur, pour lui proposer de lui faire découvrir ses produits avec, pour finalité, une promotion de ceux-ci dans ses vidéos, contre rétribution.

Un business en pleine croissance

Des propositions de ce genre, Allison en reçoit plusieurs dizaines par semaine, des classiques produits de beauté aux plus insolites (matelas, sextoys...). Plutôt anecdotique, il y a quelques années, la pratique tend aujourd'hui à se généraliser. Selon une étude réalisée en 2015 par Augure auprès de 600 professionnels de la communication et du marketing dans 32 pays et 30 secteurs d'activité différents, 84% des marques prévoyaient l'année dernière d'avoir recours à ceux que l'on appelle désormais les "relations influenceurs".

Un business en pleine croissance qui a poussé certaines agences de communication digitale à ouvrir une antenne spécialisée dans ce secteur, à l'image d'Envergure Influence. Sa directrice opérationnelle, Alexia Portin, bénéficie d'un important carnet d'adresses chez les youtubeurs, grâce à ses expériences passées. Un réseau dont la jeune entreprise fait profiter les marques parfois perdues dans le choix du youtubeur le plus adapté à leurs besoins. Et ça marche : aujourd'hui, la "relation influenceur" correspond à la moitié de l'activité de l'entreprise, et constitue l'une des principales sources de revenu.

Cibler une communauté

Comment expliquer un tel succès ? Peut-être dans l'une des spécificités de cette pratique : l'assurance de toucher une cible très spécifique et restreinte. Un paramètre dont Allison a totalement conscience.

"Les marques nous contactent en fonction de notre image, de ce qu'on représente, mais aussi de notre communauté", estime la jeune Nancéienne, qui collabore régulièrement avec de grandes marques de luxe comme Chanel ou Lancôme.

Mais certaines marques n'ont parfois pas conscience du monde qu'il y a entre la publicité dite "traditionnelle" (presse écrite, radio, télévision) et celle réalisée sur Youtube, via des influenceurs. Le jeune public se méfie en effet des messages véhiculés à travers les canaux classiques de la publicité, comme la télévision.

"Or, la relation qu'il existe entre abonné et influenceur donne du crédit au message délivré par ce youtubeur, analyse Alexia Portin. Le message ne passera pas bien s'il n'est pas naturel."

Fini le mot pour mot ?

Ainsi, de nos jours, la tendance n'est plus au message promotionnel classique, dicté mot pour mot par la marque, mais à la publicité "mise en scène". A titre d'exemple, dans une de ses dernières campagnes, Envergure Influence a mis en relation un youtubeur high-tech, Jojol, avec Vente Du Diable, spécialiste de la vente sur internet de produits high-tech reconditionnés. L'entreprise souhaitait ainsi rassurer les potentiels clients sur l'achat d'un produit reconditionné. Résultat : plus de 6.500 nouveaux inscrits sur le site, et 50 commandes supplémentaires.

Un procédé efficace donc, mais qui, chez certains youtubeurs, peut manquer de transparence, au point de poser problème à la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). L'organisme enquête actuellement sur le sujet afin de déterminer d'éventuels cas de pratiques commerciales trompeuses.

Mathilde Ceilles

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