Patrimoine : le vin est-il un bon placement ?

Un patrimoine bien géré doit être équilibré, en d'autres termes, il faut le diversifier. Pour ce faire, il y a l'immobilier et l'épargne traditionnelle, bien sûr, mais un autre secteur offre des solutions adaptées aux différentes bourses : le vin. Et pourquoi pas, le "vin 2.0"? Petit tour d'horizon en compagnie de trois "cavistes en ligne".
Mounia Van de Casteele
L'AMF met en garde les potentiels investisseurs contre des placements trop alléchants.

"Si une collection de grands vins fait le bonheur des amateurs, c'est aussi un placement financier particulièrement intéressant (...) Les chercheurs ont estimé à 5,3% (en termes réels) le rendement financier annuel des vins de Bordeaux entre le début du 20e siècle et 2012, plus lucratifs donc que les obligations d'Etat, les timbres ou les objets d'art".

Le constat de cette étude du professeur de finance à HEC, Christophe Spaenjers n'est pas passé inaperçu à en croire la multitude de sites proposant d'investir dans l'or rouge. Il faut dire que l'idée a de quoi séduire tout entrepreneur en quête de projet. D'autant que pour 40% des Français, un placement dans le vin, l'art, ou la forêt ne présenterait relativement que peu de risques, d'après une enquête de l'Ifop citée par abe-infoservice, le site proposé notamment par l'Autorité des marché financiers (AMF). Et un Français sur trois estimerait même que ces alternatives aux placements traditionnels constituent "une bonne façon de conserver ses économies".

Stéphane Deubel est l'un de ceux ayant décidé d'exploiter le filon. Il fonde ainsi Cavacave, site d'investissement de particulier à particulier en 2013. La plateforme permet d'acheter et de vendre des bouteilles de vin, que ce soit pour son plaisir, désencombrer sa cave ou au contraire en créer une! Bon communicant, ce diplômé de commerce ne manque pas d'arguments pour convaincre ses potentiels clients:

"Alors que l'immobilier et les marchés financiers se sont révélés très volatils, la valeur des grands vins est restée beaucoup moins sensible aux variations des taux d'intérêts ou de l'économie. Avec une croissance régulière et une faible corrélation avec les marchés financiers, un investissement dans le vin offre une véritable opportunité de diversification et de rentabilité des capitaux investis."

Une cote infaillible et un rendement à deux chiffres?

Stéphane Deubel va même jusqu'à promettre un rendement annuel net dépassant les 12% au cours des trois prochaines années. Bref, de quoi donner le goût du vin aux amateurs de placements lucratifs, et les inciter à sauter le pas.

Tout sourire, Stéphane Deubel nous explique ainsi que ce gain est possible grâce à la "cote prospective des vins fins" établie par leur partenaire WineForecasts, qui a mis au point un "modèle de note financière pour les vins". Concrètement, l'entreprise propose pour chaque vin une note sur 100, basée sur les théories du Prix Nobel d'économie Joseph E. Stiglitz - excusez du peu -, résultat de la combinaison de 32 critères, nous affirme son fondateur.

Aucune cote officielle, des rendements alléchants - trop peut-être...

Mais gare au miroir aux alouettes, met en garde l'AMF. Mieux vaut se méfier quand on promet des rendements aussi élevés. Cependant, tous les sites de cave en ligne ne se montrent pas si optimistes. Loin de là. Plus que dubitatif face aux promesses de Cavacave, Franck Nogues, le fondateur de Patriwine et ancien conseiller en gestion de patrimoine se garde ainsi d'avancer quelque chiffre. Et pour cause, "on reste sur un marché de gré à gré", rappelle à son tour Thierry Goddet, le fondateur de Cavissima, "l'inventeur de la cave en ligne", créée en 2009. Et il insiste:

"Il n'existe pas de cotation universelle pour le vin!"

Aussi, pour conseiller ses clients sur le prix de vente, Cavissima utilise comme guide Wine Decider, site qui se base sur la moyenne des prix constatés sur Internet. "Mais il nous sert uniquement de repère pour une valeur indicative et non pas liquide", précise Thierry Goddet.

Ne pas miser "plus de 5% de son patrimoine dans le vin"

Dans le même esprit, Franck Nogues, le fondateur de Patriwine, qui se targue d'être le premier acteur des investissements dans le vin avec un chiffre d'affaires annuel de 5 millions d'euros, estime qu'il faut savoir raison garder. Si Franck Nogues ne s'aventure guère à faire miroiter d'alléchants rendements, il n'invite pas non plus les investisseurs intéressés à négliger "des placements sûrs comme ceux de l'immobilier et de l'assurance-vie", dit-il. Il s'agit plutôt de "diversifier son patrimoine, pour les gens qui en ont les moyens". Et là encore, il met en garde:

"Les clients ne doivent pas placer plus que 5% de leur patrimoine total dans le vin".

En moyenne, les 4.000 clients (80% de professionnels et 20% de particuliers) que compte Patriwine ont investi à hauteur de 12.000 euros. L'entreprise lancée le 13 avril 2010, propose d'investir uniquement dans les grands crus du Bordelais - les plus prisés - comme Mouton-Rotschild, Haut-Brion, Angélus, Yquem ou Beychevelle, qui, selon Patriwine, constituent une partie des vins d'investissement à fort potentiel.

Côté pratique, le site se charge du stockage moyennant 18 euros par caisse et par an. Le coût annuel de l'assurance est de 0,40% de la valeur de la cave, située à la Bordeaux City Bond ou à l'un des cinq niveaux des Ports francs de Genève, ce qui permet notamment une exonération de TVA (20%), et un meilleur prix à la revente - traçabilité et garantie de bonnes conditions de conservation obligent.

Cavissima, pionnier en la matière et principal concurrent de Patriwine, stocke lui aussi ses vins à Genève. Il serait même le premier à en avoir eu l'idée, nous glisse-t-il. Notons au passage que Cavissima ne propose pas uniquement des bordeaux mais élargit son spectre aux crus de Bourgogne et de la vallée du Rhône.

Des professionnels et des particuliers

Comme pour les deux autres sites, la mise de départ y est de 10.000 euros. Toutefois, outre son "offre de gestion conseillée" , Cavissima propose également des caves "plaisir" à partir de 400 euros. Cette "offre de gestion assistée", permet à chaque client de se faire conseiller "gratuitement" en fonction de ses attentes, dans la mesure où ce service est inclus dans les frais de gestion de 1,20 euro prélevés par Cavissima sur chaque bouteille achetée. Ces frais comprennent donc un conseil "illimité", la mise à jour des données de la cave, et une livraison à tout instant partout en France. Des services qui ont pour l'heure séduit 2.000 clients (80% de particuliers et 20% de professionnels). L'entreprise de services affiche un chiffre d'affaires de 2,4 millions d'euros.

Ce qu'il faut également bien comprendre, nous dit-on, c'est qu'il ne s'agit pas d'investissements de courte durée. Franck Nogues de Patriwine insiste ainsi sur la condition sine qua non d'une durée minimale de quatre ans avant de revendre une caisse. Un point de vue partagé par son confrère de Cavissima -Thierry Goddet estime même qu'il faut attendre au moins cinq ans-, cela dit, ce dernier n'impose aucune durée pour la revente de flacons, bien que cela soit "dommage au bout de deux ans", concède-t-il. Et de conclure: "Il faut savoir prendre le temps, seule la raréfaction crée la valeur.

Mounia Van de Casteele

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Commentaires 6
à écrit le 30/09/2015 à 7:51
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Bonjour, Moi j'ai la gueule de bois !!! J'ai investi en 2012 dans différentes caves en lignes dont Cavissima et Patriwine sur leurs conseils et 3 ans après je suis en rentabilité négative !!! comme vous pourrez le voir sur les vidéos You tube suiva...

à écrit le 08/08/2015 à 13:04
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A condition de ne pas les ouvrir car ils sont imbuvable, seul l'étiquette, la bouteille, le bouchon et... la poussière, ensemble, en font sa valeur!

le 08/08/2015 à 18:55
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Ne pas confondre la bouteille historique, qui en effet est trop vieille pour être bue, avec la bouteille gastronomique qui se conserve le temps que le vin arrive à maturité. Entre un vin jeune et un vin mature, y a quand même une grosse différence......

à écrit le 08/08/2015 à 9:42
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La finalité du vin, c'est de le boire, pas de le "placer" pour en obtenir un quelconque rendement. Le vin peut se "garder" pour qu'il s'améliore, procure plus de plaisir lorsqu'il sera dégusté... avec un bon repas et des amis. Le vin c'est la convivi...

à écrit le 07/08/2015 à 14:42
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Ca date un peu ce "placement", disons que maintenant certains aimeraient se débarrasser de ce placement, jeu des chaises musicales quoi... L'achat d'un vin, c'est un achat plaisir, un achat de soif (pour certains vin), certainement pas un produit ...

le 07/08/2015 à 18:56
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@Stranger: ils aimeraient vendre pour encaisser la plus-value. Tout produit susceptible de voir sa valeur augmenter est un produit de placement. Mais attention, tout placement comporte des risques, dont celui de perdre son argent :-)

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