Pascal Lamy, de passage à Bruxelles mercredi, est allé puiser dans le vocabulaire allemand pour formuler ses recommandations aux dirigeants européens qui se retrouvent jeudi à Bruxelles pour un sommet plombé par la panne de la croissance. Il faut une politique de "Standort Europa", a dit le directeur général de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) devant le public trié sur le volet de Bruegel, le think-tank économique dirigé par son ami Jean Pisani-Ferry.
Restaurer la compétitivité
Le mot "Standort" n'a pas été choisi au hasard. Il a dominé le débat économique allemand pendant les quinze années qui ont suivi la réunification, au moment où l'Allemagne cherchait laborieusement à restaurer sa compétitivité. "Ce n'est pas quelque chose que vous pouvez faire du jour au lendemain", a-t-il dit. Mais pour prendre ce chemin, "on a besoin d'un signal politique fort" et l'Europe d'une "feuille de route commune pour trouver sa place dans l'économie mondialisée". Il en a esquissé les grandes lignes : des "infrastructures communes, spécialement dans l'énergie", une politique de recherche et développement, d'innovation et d'éducation qui renforce la compétitivité hors-prix et enfin une "aide aux entreprises pour l'adapter au système de production" de plus en plus "fragmentés" et organisés en "réseaux mondiaux". "Les politiques publiques doivent cibler la compétitivité des entreprises", a expliqué l'ancien commissaire au Commerce pour qui l'idée de compétitivité "nationale" n'a pas de sens.
"On ne peut faire cela que si l'Union européenne devient un acteur politique", a-t-il ajouté. Et de recommander de "lier le choix du président de la Commission européenne avec une élection européenne". Il faudrait "que les partis choisissent leur candidat" avant les élections parlementaires européennes, celui du parti ayant obtenu la majorité ou choisi par une coalition prenant ensuite la tête de l'exécutif. L'actuel président, José Manuel Barroso, a été désigné, comme ses prédécesseurs, par consensus entre chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept. "Au passage", a-t-il ajouté, le faire émaner du suffrage des Européens "ne nécessite aucune modification du traité".
Ligne à la fois libérale et européiste
Celui qui fut pendant près de dix ans le chef de cabinet du président de la Commission européenne Jacques Delors (1985-1994) avant de revenir à Bruxelles comme commissaire au Commerce (1999-2004) n'a donc pas dévié de sa ligne, à la fois libérale et européiste. Les pays les plus ouverts au commerce sont également ceux où la protection sociale est la meilleure, selon lui. Il attribue l'absence de résurgence forte du protectionnisme moins à la sagesse des dirigeants qu'au fait que "les marges de man?uvre dans le cadre desquels les pays peuvent opérer sont limitées" par leurs engagements internationaux. Son second mandat à la tête de l'OMC expire en avril 2013. Il aura alors 66 ans. A Bruxelles, il n'a rien dit de ses ambitions politiques.