Pourquoi l'Allemagne bloque l'union bancaire

L'Europe est incapable d'avancer sur l'union bancaire. Berlin, en réalité, n'en veut pas, car elle y voit une forme "d'union des transferts."
Wolfgang Schäuble n'est guère pressé de mettre en place un mécanisme commun de résolution bancaire.

Les rencontres de l'Eurogroupe et de l'Ecofin ne sont plus aussi intenses que jadis, maintenant que la crise s'est (temporairement ?) apaisée. Mais la gouvernance européenne ne s'en est guère améliorée. Les réunions de la fin de semaine dernière sont venues encore le prouver. Ces réunions n'ont rien pu décider en effet sur ce qui devraient être la première priorité des gouvernements européens aujourd'hui : l'union bancaire.

Rien de décidé

Les ministres des Finances se sont cependant empressés de ne rien décider sur le sujet. Pas de mécanisme de résolution unique, pas de garantie commune des dépôts. Rien d'autres qu'une énième déclaration de bonne volonté. Comment expliquer que cette union bancaire, jadis si impérieusement nécessaire, soient désormais si lente à naître ? La réponse est comme souvent à chercher du côté de Berlin.

L'Allemagne a façonné la supervision unique

Depuis les premières heures du projet, l'Allemagne freine des quatre fers. En 2012, elle avait imposé un calendrier long, portant la mise en place de cette union au-delà des élections du 22 septembre 2013. Elle avait également exigé que la supervision unique soit limitée aux banques de plus de 30 milliards d'euros de bilans, ce qui excluait de fait la majorité des secteurs des caisses d'épargne et des banques mutualistes allemandes. Elle avait donc imposé à l'Europe une union à sa façon.

« Briser le lien entre risque souverain et bancaire »

Mais si Berlin a consenti - non sans limitations et sans réticences - à voir ses banques scrutées par la BCE, il en va autrement lorsqu'il s'agit de payer. Autrement dit lorsqu'il s'agit de mettre en place un mécanisme permettant au MES d'intervenir pour aider directement les banques. Pourtant, c'était là le seul objet de l'union bancaire : « briser le lien entre le risque souverain et le risque bancaire. » Mais c'est ici précisément que la discussion bloque.

L'Allemagne freine

L'Allemagne a déjà beaucoup obtenu. Elle a imposé à ses partenaires, qu'une « solution privée » soit trouvée avant une solution « publique. » Et que celle-ci se fasse d'abord via les Etats concernés avant le MES. Autrement dit, Wolfgang Schäuble a déjà commencé à détricoter l'union bancaire.

A quoi bon en effet avoir une supervision commune si les États sont toujours responsables avant le MES de la recapitalisation des banques ? Mais sans doute ne faut-il pas chercher dans la logique ce qui ne relève que de l'intérêt.

Toujours plus de conditions

Ce qui est piquant, c'est que même cette double assurance ne suffit pas à Berlin à avancer sur le mécanisme de résolution. Elle freine toujours. Il est vrai que, du coup, la « solution privée » pose un autre problème, celui de la garantie unique des déposants à 100.000 euros. Car si l'on accorde une telle garantie, on réduit la « surface financière » de la solution privée et, surtout, on oblige à une solidarité inter-européenne entre les déposants. Ce que Berlin, qui y voit une forme "d'union des transferts", ne veut à aucun prix.

Les fausses excuses de l'Allemagne

Du coup, l'Allemagne bloque les discussions. Elle se cache aujourd'hui derrière les interminables discussions de coalition (Jeroen Dijsselbloem, le président de l'Eurogroupe, a avoué qu'on n'avancera pas tant que « l'Allemagne n'aura pas de gouvernement »). Alors même que les partis allemands se sont mis d'accord sur la poursuite de la politique européenne allemande.

Demain, elle se cachera derrière une « nécessaire révision des traités » défendue depuis longtemps par Wolfgang Schäuble, ou derrière la cour de Karlsruhe… Elle trouvera sans cesse un moyen de freiner une union bancaire qui conduit, dans l'esprit des conservateurs à l'Union des transferts.

Une Union bancaire a minima

L'élection allemande du 22 septembre, en confirmant Angela Merkel et en donnant près de 5 % des suffrages au parti anti-euro, a sans doute signé l'arrêt de mort de l'union bancaire telle qu'on l'imaginait. La mauvaise volonté allemande va conduire à une solution minimale, réduisant à rien l'action du MES. Le lien entre risque souverain et bancaire ne sera pas brisé.

Or, les stress tests de la BCE l'an prochain pourront peut-être mettre à jour des difficultés bancaires qu'il faudra alors vite résoudre. Les États devront alors le faire seuls, donc par des mesures d'austérité et un appel classique au MES. C'est sans doute cela la nouvelle solidarité européenne, telle qu'elle est perçue à Berlin.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 26
à écrit le 19/11/2013 à 13:40
Signaler
Faut-il sortir de l'Euro de Jacques Sapir, éditions du Seuil (2011) De la Grèce à l'Italie, en passant par l'Irlande, le Portugal et l'Espagne, la zone Euro est en feu. La Monnaie Unique censée nous protéger se révèle un piège dangereux. Tout cela a...

à écrit le 19/11/2013 à 13:13
Signaler
Que ne lit-on et n’entend-on pas en France sur le modèle allemand ? On fait en particulier très régulièrement l’éloge de la rigueur budgétaire allemande et de la capacité de nos voisins à accepter de lourds sacrifices pour restaurer la compétitivité ...

à écrit le 19/11/2013 à 11:30
Signaler
Il y a deux modèles : une Europe puissance qui se construit grâce à des solidarités de fait et une Europe portée par la puissance économique allemande. Personne ne veut de la deuxième qui conduirait au déclin de tous les pays sauf l'Allemagne et la S...

à écrit le 19/11/2013 à 11:01
Signaler
Ne touchant que 1500 euros mensuels, je voudrais bien unir mon compte bancaire avec celui de celles et ceux qui touchent plus et qui crachent sur l'Allemagne ! Vous croyez que c'est possible ? Et la solidarité bordel ! ;-)

à écrit le 19/11/2013 à 7:16
Signaler
Quelque soit la situation, la position de l'Allemagne se résume à une théorie économique sur laquelle elle a bâti sa réussite actuelle, celle du passager clandestin. Ils auraient tort d'arrêter, même nous nous sommes béats devant" leur réussite" cons...

à écrit le 19/11/2013 à 0:11
Signaler
L'Allemagne, à tort ou à raison, commence à agacer les Français. La Deutche Quälitat n'est plus ce qu'elle était, le rapport qualité/prix de leur produits en net recul. Automobile, électroménager, habillement... ils ne sont plus au top. Ajoutons que...

le 19/11/2013 à 6:21
Signaler
Notre voisin dégage une croissance faible de son PIB alors que ses excédents commerciaux sont colossaux. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner comment va se terminer l'aventure de la monnaie unique ...

à écrit le 18/11/2013 à 22:47
Signaler
On pourrait ajouter aux créances douteuses, au vu des allemands, les créances douteuses constituées des obligations d’État de leur propre pays que les banques espagnoles, italiennes, etc, doivent acheter. Si l'Espagne n'était pas dans l'euro et avait...

à écrit le 18/11/2013 à 22:27
Signaler
Marine va régler le problème en deux coups et il n'y aura plus besoin d'y revenir et mat !

à écrit le 18/11/2013 à 22:26
Signaler
L'allemagne n'a nullement envie de payer pour les autres pays, surtout ceux qui ne font pas les réformes et les économies tel que l'allemagne l'a fait dans le passé. La France fait partie des mauvaises élèves, c'est bien connu.

le 19/11/2013 à 6:23
Signaler
Avez-vous compris que les fameux "efforts de rigueur" vont vous concerner ? Vous voulez la déflation ? Vous allez l'avoir !

à écrit le 18/11/2013 à 21:44
Signaler
Il n'y aura jamais d'union bancaire car les pays européens du nord ne voudront jamais payer pour sauver les banques en faillite des pays européens du sud. Voilà. C'est tout. Et les banques espagnoles ? Les banques espagnoles ont dans leurs livres ...

le 19/11/2013 à 6:24
Signaler
Vous ignorez soigneusement les banques zombies teutonnes dans votre petit couplet, tout ça pour nous servir votre brouet au goût douteux...

à écrit le 18/11/2013 à 21:05
Signaler
L'Allemagne a bon dos, quel est le rôle de la French American Foundation? l'objectif est une co-gestion américano-européenne?.

le 19/11/2013 à 6:26
Signaler
Non : américano-israélienne avec comme le réclame Jacques Attila "Jérusalem capitale du nouvel ordre mondial".

à écrit le 18/11/2013 à 20:58
Signaler
Pour les allemands (et pas uniquement pour eux) la bible europeene c´est le traité de Maastrich et il dit :aucun pays de l´union bancaire n´aura a payer les dettes des voisins. C est clair et net et la politique ne changera pas inde...

le 19/11/2013 à 6:27
Signaler
Hé bien votre jolie zone euro va exploser et vous pourrez vous servir de vos traités pour aller aux feuillets...

le 19/11/2013 à 10:20
Signaler
...les feuillets seront utiles pour les feuillées... :-D

à écrit le 18/11/2013 à 20:02
Signaler
L'UE ne fonctionne pas car c'est la somme de 28 pays aux intérêts différents et peu conciliables. Résultat : un système auto bloquant qu'il est urgent de quitter. Ecoutez les analyses d'Asselineau (upr.fr) à ce sujet. Surprenant que les médias ne par...

à écrit le 18/11/2013 à 19:41
Signaler
Comme les banques Allemandes font leurs petites affaires "spéculation-casino" via des filiales en dehors de leur territoire (comme en Irlande dans le passé) , ils s'en foutent de l'union bancaire. Ils font leur frasques en Irlande et quand l'Irlande ...

à écrit le 18/11/2013 à 19:33
Signaler
Il faut attendre ! le temps a toujours servit l'Europe !

à écrit le 18/11/2013 à 19:14
Signaler
L'allemagne est isolee et finira par ceder. Le pb est que cela va encore laisser des traces et on peut s'interroger sur l'interet de la France a continuer a server la soupe.

le 18/11/2013 à 20:31
Signaler
L'Allemagne n'est pas si isolée, mais elle finira par céder... ou partir (plus probable).

le 18/11/2013 à 20:38
Signaler
On verra mais je doute du depart. Comment va t elle ecouler ses produits?

le 18/11/2013 à 20:44
Signaler
Vous vous plaignez de l'Allemagne hesitante parce que tous le monde semble de penser que ce sera l'Allemagne à payer (les banques espagnols, grecques etc. pour exemple) et d'oublier que la France (donc vous) payera presque autant ... Je n'ai jamais v...

le 19/11/2013 à 16:11
Signaler
Elle va ecouler ses produits notamment en Chine. Ce sera dommage pour l'Europe si elle casse, mais ce n'est pas la mort pour l'Allemagne. Par contre, quel perspective aurait encore la France autre que un declin rapide et massif?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.