Grèce : à quel jeu jouent les banques ?

Quatre banques grecques ont demandé une aide à la liquidité d'urgence à la BCE. Une mesure préventive qui entretient la "stratégie de la tension."
Y a-t-il une panique bancaire en Grèce ?

La question de la liquidité des banques helléniques demeure centrale dans les scénarios de l'après-élection en Grèce. La BCE avait, voici deux semaines, rappelé que l'accès à l'aide à la liquidité d'urgence (ELA) du système bancaire grec dépendait d'un accord avec la troïka. Une annonce que l'on pouvait cependant comprendre comme un début de chantage sur le futur gouvernement, ou bien comme un appel à la troïka pour qu'elle accepte de trouver un accord avec ce même futur gouvernement.

Fuite des capitaux ?

Mais, depuis la semaine dernière, la menace d'une faillite du système bancaire semble de plus en plus clairement brandie. Voici une dizaine de jours, plusieurs médias grecs avaient fait part d'une baisse des dépôts dans les banques grecques. Progressivement, la rumeur a gonflé. On disait que le mouvement se renforçait en janvier. L'idée qui émanait de ces « informations » était évidemment que, par peur de voir arriver la coalition de la gauche radicale (Syriza) au pouvoir en Grèce après les élections du 25 janvier, les déposants retiraient massivement leurs avoirs dans les banques grecques.

Des besoins de liquidités plus élevés, pourquoi ?

En fin de semaine dernière, ce scénario s'est encore renforcé avec l'annonce que deux, puis quatre banques grecques, autrement dit l'intégralité du système financier local, faisait appel à l'aide à la liquidité d'urgence de la BCE. Le gouverneur de la banque de Grèce (BoG), Yanis Stournaras ira demander à la BCE le jeudi 22 janvier l'ouverture de ces nouvelles lignes au Conseil des gouverneurs. C'est une nouvelle procédure pour l'ELA qui doit désormais obtenir l'accord de ce conseil pour être mise en place lorsque la ligne demandée dépasse 500 milliards d'euros. Le quotidien conservateur Kathimerini a indiqué, citant des sources bancaires, que le montant des dépôts retirés en janvier devrait atteindre 7 milliards d'euros sur deux mois à fin janvier. Y a-t-il alors une course aux guichets en Grèce par crainte de voir les « bolchéviques » de Syriza au pouvoir ? Rien de tel n'est à signaler en tous cas dans les rues du pays. La prudence est de mise, car les informations sur la fuite des capitaux relèvent tous de « sources bancaires. » Or, les banques sont bien plus inquiètes que leurs clients par une éventuelle victoire de Syriza.

Un bank run en Grèce ?

Selon le site Macropolis, les besoins de liquidités ont progressé en décembre « de 11 milliards d'euros », mais la baisse des dépôts bancaires ne s'élève qu'à 3 milliards d'euros. Or, une grande partie de cette baisse a été couverte par les banques grecques, puisque le manque d'accès des banques helléniques au marché interbancaire s'est réduit de 9 milliards d'euros et que le rachat de la dette d'Etat à court terme a augmenté le besoin de liquidités de 5,2 milliards d'euros. En tout, les besoins de liquidités bruts ont progressé de 18,2 milliards d'euros, mais les besoins nets de 11 milliards d'euros. Impossible donc d'attribuer à un bank run l'appel à l'ELA. Il y a fort à parier qu'il en est de même en janvier. Le problème principal des banques grecques est leur absence d'accès au marché interbancaire, donc la méfiance de leurs pairs européens (elle, peut-être due en effet à une inquiétude politique, mais la BCE doit en théorie pallier ces dysfonctionnements), ainsi que les besoins de financement de l'Etat grec qui s'expliquent par le poids de la dette publique (l'Etat ayant dégagé un excédent primaire). En réalité, il n'y a pas d'urgence aujourd'hui dans les banques grecques. Preuve en est le bilan de la BCE où la ligne regroupant l'ELA (ligne 6 de l'actif de la BCE) n'a pas explosé depuis fin décembre. Il a même reculé de près de 900 millions d'euros. Il n'y a donc pas de panique.

Pourquoi demander de la liquidité d'urgence ?

Pourquoi alors cette demande d'ELA de la part des banques et de la BoG ? Pour deux raisons sans doute complémentaires. Il s'agit d'abord de faire preuve de précaution et d'être prêt à toute éventualité, alors que, en effet, le parti d'Antonis Samaras agite, dans la campagne électorale, le risque d'une taxation des économies déposées dans les banques et d'un Grexit (sortie de la Grèce de la zone euro). En cas de panique, les banques seront donc prêtes. Mais en même temps, en annonçant cette demande, en supposant un besoin de liquidités, elles entretiennent cette « stratégie de la tension » qui est la stratégie du gouvernement, celle qui consiste à faire peur aux électeurs sur la possibilité de ce bank run. Les banques et la BoG, dont le gouverneur est l'ancien ministre des finances d'Antonis Samaras, rajoutent donc ainsi de l'huile sur le feu et s'engagent dans une sorte de prophétie autoréalisatrice. Autrement dit, les banques, elles aussi, font campagne.

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Commentaires 5
à écrit le 21/01/2015 à 9:48
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une chose est certaine: les banques grecques n'auront pas les capacités de se sauver seules si un problème advient..et cela n'aura aucune répercussion sur les autres banques européennes..

à écrit le 21/01/2015 à 8:44
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Ils ont tout simplement peur de perdre leurs bonnes places ,syryza va faire un grand ménage ,rien que pour cela ,ils méritent de gagner et mettre fin à 40 ans de clientélisme et corruption .

à écrit le 20/01/2015 à 21:03
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Il y a bien longtemps que je n'ai plus un centime en banque, pas besoins d'attendre d'être grec et de toute façon je n'ai pas a avoir confiance envers qui que ce soit. Seule moi et mes poches sont dignes de confiance. Vive l'or.

à écrit le 20/01/2015 à 20:45
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Cette phrase de l'article témoigne d'un grand optimisme. C'est clair que si j'étais grec, il y a longtemps que j'aurais mis mon pognon ailleurs... Que ça surprenne l'auteur de l'article est étonnant. Et pourtant, si la Grèce quitte l'Euro, la prem...

à écrit le 20/01/2015 à 19:03
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Bravo pour l article !

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