La Grèce s'enfonce dans la pauvreté

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(Crédits : Alkis Konstantinidis)

par Karolina Tagaris

ATHENES (Reuters) - Dimitra n'aurait jamais cru devoir en arriver là. Pour joindre les deux bouts, cette Athénienne de 73 ans dépend désormais des dons. Ce mois-ci, ce sera un paquet de riz, deux paquets de pâtes, une boîte de pois chiches et une bouteille de lait.

La retraitée de la Croix-Rouge, qui servait elle-même la soupe populaire, est passée de l'autre côté du comptoir, où ses concitoyens se pressent de plus en plus nombreux.

"Cela ne m'a jamais effleurée", dit-elle timidement. "Je vivais simplement. Je n'ai jamais pris de vacances... Jamais, jamais, jamais !" Le loyer de son modeste appartement absorbe la moitié de sa retraite mensuelle de 332 euros et le reste paye tout juste les factures.

Les mesures drastiques imposées depuis près de sept ans par l'Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre du plan de sauvetage des comptes publics ont plongé les Grecs dans une crise sans précédent, aux allures de Grande Dépression.

Un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté, 23% des Grecs sont au chômage, le produit intérieur brut (PIB) a diminué d'un quart, les faillites se comptent par milliers et les tensions restent vives entre Athènes et ses créanciers.

Réunis lundi à Bruxelles, les ministres des Finances de la zone euro sont parvenus à un accord permettant la reprise des négociations sur l'évaluation par les créanciers d'Athènes de l'application de l'accord de soutien en cours, a-t-on appris de source gouvernementale grecque.

"Il faut être prudent avec un pays qui a été pillé, avec un peuple qui a fait tellement de sacrifices et continue à en faire au nom de l'Europe", a averti récemment le Premier ministre Alexis Tsipras.

La ministre du Travail a quant à elle exclu vendredi de réduire les retraites pour la douzième fois depuis 2010, comme le réclame le FMI.

"ON VÉGÈTE. ON SURVIT"

Derrière Dimitra, plusieurs dizaines de personnes attendent, ticket à la main, de recevoir leur ration mensuelle distribuée dans un local municipal. Tous vivent sous le seuil de pauvreté, qui se situe aux alentours de 370 euros par mois.

"Les besoins sont immenses", déplore Eleni Katsouli, la responsable du centre. Onze mille familles, soit 26.000 personnes dont 5.000 enfants, y sont aujourd'hui inscrites. Elles étaient 2.500 en 2012 et 6.000 en 2014.

L'approvisionnement du centre dépend de la générosité de ses parrains - des entreprises elles-mêmes en difficultés - et les réfrigérateurs sont loin d'être pleins.

"Nous sommes inquiets parce que nous ne savons pas si nous pourrons subvenir aux besoins de ces gens. Il y a des familles avec des enfants en bas âge et nous n'avons parfois même pas de lait à leur donner", poursuit la responsable.

Plusieurs instances internationales, dont l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ont invité Athènes à se consacrer en priorité à la lutte contre la pauvreté, qui menace un tiers des Grecs.

Cette proportion n'est dépassée en Europe que par la Roumanie et la Bulgarie, et la situation continue à s'aggraver.

Plus de 75% des ménages ont subi une diminution importante de leurs revenus l'an dernier, selon une enquête de l'institut Marc et de la Confédération hellénique des professionnels, artisans et commerçants (GSEVEE).

"Les temps sont durs pour tout le monde", souligne Eva Agkisalaki, ancienne enseignante désormais bénévole à la soupe populaire.

Ayant cessé de travailler quand l'âge de la retraite est passé à 67 ans, elle n'a pas retrouvé son emploi et ne perçoit aucune pension.

Son mari partage la sienne, passée de 980 à 600 euros, avec leurs deux enfants sans emploi. Leur mère leur donne aussi une partie de ce qu'elle reçoit en nature en échange de son travail à la soupe populaire.

"On végète. On survit. La plupart des Grecs survivent", conclut-elle.

(Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)