Le comité d'éthique propose d'ouvrir la PMA à toutes les femmes

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Le comite d'ethique propose d'ouvrir la pma a toutes les femmes[reuters.com]
(Crédits : Ajay Verma)

PARIS (Reuters) - Le Comité consultatif national d'éthique a ouvert la voie mardi à une possible modification de la législation française sur la procréation médicalement assistée (PMA) en se prononçant pour son ouverture aux couples de femmes et aux femmes célibataires.

L'avis du CCNE, attendu depuis sa saisine en février 2013 au coeur du débat sur le mariage homosexuel et l'adoption pour les personnes de même sexe, est un tournant dans le débat épidermique qui oppose les partisans de l'ouverture de la PMA et ses opposants en France.

La Manif pour tous, mouvement qui fut à la pointe de la contestation contre la loi Taubira de mai 2013 et lutte sans répit contre "la PMA sans père", a dénoncé dans un communiqué un avis "en décalage complet avec les aspirations des Français" et demandé au chef de l'Etat d'éviter un débat "inutile" et diviseur sur la filiation.

L'avis du comité est consultatif, mais Emmanuel Macron, qui s'était dit favorable durant la campagne présidentielle à la PMA pour les couples de lesbiennes et les femmes célibataires, avait précisé qu'il attendrait la décision du CCNE "pour pouvoir construire un consensus le plus large possible".

L'aide médicale à la procréation est réservée en France aux couples hétérosexuels infertiles. En Europe, la PMA pour les couples de lesbiennes ou les femmes seules est autorisée au Royaume-Uni, en Espagne ou en Belgique. Des Françaises y ont recours.

La demande de PMA, souligne le comité dans son avis, "en l'occurrence une insémination artificielle avec donneur (IAD) pour procréer sans partenaire masculin, en dehors de toute infécondité pathologique, s'inscrit dans une revendication de liberté et d'égalité dans l'accès aux techniques d'AMP pour répondre à un désir d'enfant."

"POINTS DE BUTÉE"

Le CCNE "considère que l'ouverture de l'AMP à des personnes sans stérilité pathologique peut se concevoir pour pallier une souffrance induite par une infécondité résultant d'orientations personnelles".

Toutefois, le comité concède des "points de butée" sur cette question, qui se sont illustrés dans la décision même de l'instance : deux tiers du CCNE se sont prononcés pour l'élargissement de la PMA, alors qu'un tiers a opté pour le statu quo.

Le CCNE relève "une disjonction évidente entre sexualité et procréation, entre procréation et filiation : elle modifie profondément les relations de l'enfant à son environnement familial, en termes de repères familiaux, d'absence de père institutionnalisée ab initio."

"Elle fait émerger plusieurs interrogations sur la relation des enfants à leurs origines puisqu'en France le don est anonyme et gratuit ou sur le fait de grandir sans père", ajoute-t-il, précisant qu'il serait "pertinent de pouvoir s'appuyer sur des recherches fiables sur l'impact de cette situation".

Parmi les autres "points de butée", le CCNE évoque "le risque de marchandisation accrue et les conditions de faisabilité."

Il suggère "que soient étudiées et définies des conditions d'accès et de faisabilité, notamment en distinguant la situation différente des couples de femmes et des femmes seules, en maintenant le principe actuel de gratuité des dons et en étudiant les modalités (remboursement refusé ou différencié) pour que l'assurance maladie ne supporte pas les charges financières correspondantes."

RÉSERVES SUR L'AUTOCONSERVATION DES OVOCYTES

Le comité, qui prône des "conférences citoyennes" sur le sujet, souligne en outre "la rareté actuelle des gamètes" qui pourrait remettre en cause le principe de gratuité des dons et entraîner une marchandisation.

L'instance maintient son opposition à la légalisation de la gestation pour autrui (GPA) en France, soulignant les "violences juridiques, économiques, sanitaires et psychiques qui s'exercent principalement sur les femmes recrutées comme gestatrices".

Elle exprime enfin ses réserves sur l'autoconservation des ovocytes, à laquelle l'Académie de médecine s'est dite favorable le 19 juin, en insistant sur "le caractère très contraignant de la procédure" qui risquerait de devenir de simple "précaution".

Le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes espère, dans un communiqué, que les conclusions du CCNE sur la PMA seront "prochainement suivies d'un débouché législatif".

SOS Homophobie salue "un pas en avant pour toutes les mamans" qui donne "toutes les raisons au président de la République et au gouvernement pour faire voter rapidement une loi sur la PMA".

La Manif pour tous cite dans son communiqué un sondage OpinionWay réalisé les 21 et 22 juin selon lequel 77% des Français refusent "la PMA sans père".

(Sophie Louet et Cyril Camu, édité par Yves Clarisse)