Aide au développement : comment l'AFD veut doubler son soutien au secteur privé

D’ici à 2020, Proparco, la filiale de l’Agence française de développement, doit doubler le montant de ses engagements et tripler son impact sur les émissions de CO2, l’emploi, l’accès aux services essentiels et l’innovation au service des populations vulnérables. Gregory Clemente, son directeur général depuis 2016, explique à la Tribune sur quels leviers il mise pour y parvenir.
Dominique Pialot
Gregory Clemente, DG de Proparco, © Alain Goulard

Filiale de l'Agence française de développement dédiée au secteur privé, Proparco, qui fête ses 40 ans, sera appelée à jouer un rôle majeur dans les récents engagements pris par la France en matière de développement. L'agence accompagne les promoteurs (ou porteurs de projets) et entrepreneurs locaux, dont les filiales ou co-entreprises de groupes français à l'étranger.

L'action de Proparco, qui accepte de prendre des risques (liés au secteur ou à la maturité) d'apporter des financements que les banques commerciales locales ne sont parfois pas en mesure de fournir faute de ressources adéquates, vient compléter celle du marché. Proparco intervient donc essentiellement sous la forme de prêts à long terme, mais également de prises de participation, soit en direct, soit via des fonds d'investissement ou encore des lignes dédiées de financement de banques françaises à l'international qui lui permettent de toucher plus de PME. Proparco a également pour mission d'accompagner les grands projets d'infrastructures, notamment dans les pays fragiles ou en crise.

Un rôle clé dans la politique de développement française

L'objectif consistant à mobiliser 0,7% du PIB, partagé par les pays industrialisés depuis des décennies, n'est toujours pas atteint par la France (cet effort n'atteignait que 0,37 % du PIB fin 2016, NDLR), au grand dam des ONG qui ne manquent pas une occasion de le rappeler. « C'est un engagement ambitieux, et un chiffre qui résulte de calculs complexes, car il porte sur un solde net », précise Gregory Clemente, son directeur général.

François Hollande s'est néanmoins engagé lors de la COP21 à accroître cet effort annuel, en le faisant passer de 8 à 12 milliard d'euros d'ici à 2020, dont 50 % consacrés à des projets favorables à la préservation du climat.

Et dans ce contexte, selon sa nouvelle stratégie arrêtée en décembre Proparco voit son rôle doubler, avec des engagements annuels passant de 1 à 2 milliards d'euros.

« Cet effort proportionnellement plus important demandé à Proparco reflète le rôle croissant du secteur privé, reconnaît Gregory Clemente. Les besoins en infrastructures sont importants au moment où les États ont de plus en plus de difficultés pour équilibrer leur budget. C'est pourquoi on observe une véritable lame de fonds pour promouvoir les partenariats public/privé. »

Dans le même temps, l'agence voit ses objectifs d'impact multipliés par trois. Deux milliards d'euros de projets à impact positif et 15 millions de tonnes de CO2 évitées chaque année sont attendus à partir de 2020 ; l'objectif de création ou de maintien d'emplois a été porté à 1,7 million par an d'ici à 2020 et 180 entreprises, c'est-à-dire trois fois plus qu'aujourd'hui, devraient bénéficier des conseils de Proparco entre 2017 et 2020 en matière de RSE (responsabilité sociale et environnementale), via la diffusion des meilleures pratiques et un accompagnement sur la mise en place de normes.

Recettes additionnelles à fort effet de levier

Comment Proparco compte-t-elle s'y prendre pour atteindre ces objectifs ambitieux ? En dégageant des ressources supplémentaires et en améliorant son effet de levier. L'agence mobilisera plus fortement le fonds vert, les fonds européens, les co-financements via les dispositifs de coopération avec d'autres institutions de financement, l'AFD ou le groupe CDC.

« Les besoins du secteur privé, qui sont immenses, doivent se transformer en demandes, souligne Gregory Clemente. Pour cela, il faut améliorer la rentabilité des projets, afin d'encourager les initiatives privées. »

Mais si la contribution du secteur privé est plus nécessaire que jamais, elle ne va pas de soi.

« Plus on avance, plus les business models proposés sont tendus et plus la rentabilité pour les investisseurs diminue. Dans les renouvelables par exemple, le système des appels d'offres tire les prix vers le bas, ce qui est une bonne chose pour les populations et les entreprises. Nous nous adaptons à cette situation via l'equity plutôt que la dette ou le financement, en acceptant un retour décalé. »

D'abord bailleur en monnaies fortes  « ce qui nous expose parfois à des contraintes de convertibilité et de transférabilité », convient Gregory Clemente, Proparco peut également apporter de la monnaie locale en s'appuyant sur les banques locales et en apportant également des garanties qui facilitent la prise de risques en monnaies locales et sur des durées longues.

Capital-risque et equity management

« Nous avons un engagement fort sur l'innovation, qui nous pousse à être à l'écoute de nos clients » rappelle Gregory Clemente. Proparco a pour objectif d'accompagner 45 projets innovants par an à compter de 2020, et de tester des produits pilotes sur des solutions qui n'existent pas encore, y compris sur la façon de structurer un financement. « En Turquie par exemple, nous avons financé un centre hospitalier par le biais d'un project bond en collaboration avec Meridiam, qui permet de mutualiser les souscriptions et de simplifier la syndication. »

 "Nous avons l'ambition d'accompagner des secteurs naissants au travers de startups locales", précise Gregory Clemente. Proparco mène le "sourcing" de ces jeunes pousses via des missions d'identification et autres conférences thématiques menées par ses agences régionales.

Pour accroître sa force de frappe, Proparco va également adopter une approche plus volontariste en matière de prise de risque, notamment en élargissant son activité au capital-risque.

 "Nous avons encore peu de recul sur certains modèles économiques », reconnaît Gregory Clemente. Mais ses clients demandent à Proparco de se positionner plus en amont et de prendre plus de risques.

"Nous verrons comment passer à l'échelle, sur la base des critères de rentabilité que nous aurons arrêtés avec nos actionnaires, sans oublier que nous recherchons également des impacts tels que l'accès aux populations des villages reculées, que permettent les énergies renouvelables décentralisées."

À l'instar de la centrale solaire Senergie de 30 MW co-financée avec Meridiam, leader mondial de l'investissement privé de long terme dans les infrastructures publiques, les énergies renouvelables ont représenté 40% de l'activité de Proparco en 2016.

Rester agiles face à la concurrence asiatique

Continent de toutes les promesses, l'Afrique suscite bien des convoitises, et l'aide au développement n'y échappe pas.

« Les Chinois sont très présents sur des marchés spécifiques, notamment pour les infrastructures publiques, reconnaît Gregory Clemente. Ils arrivent dans les énergies renouvelables avec des offres intégrées verticalement, mais sont moins actifs vis-à-vis de projets privés notamment dans les secteurs sociaux la santé, l'éducation, la banque assurance voire l'agriculture et l'agro-industrie. »

Dans ce contexte, la capacité de Proparco à monter des financements en partenariat avec d'autres institutions financières de développement telles que DEG (filiale de la KfW allemande) ou la néerlandaise FMO autour d'un leader du financement unique est un atout précieux.

Côté ressources humaines, les effectifs, qui comptent aujourd'hui 200 personnes au siège et 45 dans le réseau, doivent passer à 300 personnes d'ici à 2020 afin d'accomplir cette accélération. « Nous devrons notamment recruter plus de juristes, de financiers, d'ingénieurs ou encore de spécialistes d'equity management, dont les montants vont être multipliés par cinq, de 100 à 500 M€ par an d'ici 2020, précise Gregory Clemente.

Le groupe AFD dans son ensemble « a entamé sa révolution depuis quelques années, en intervenant plus en amont, en menant des dialogues pays par pays, en faisant travailler ses bureaux avec les missions économiques et les entreprises françaises sur le terrain », affirme Gregory Clemente. "Nos équipes techniques travaillent avec les filiales des entreprises françaises, en parallèle d'un dialogue qui se noue avec les « états-majors »."

Dans ce contexte, Proparco entend bien conserver son agilité dans le cadre de sa nouvelle stratégie, et capter toujours mieux les signaux faibles en restant à l'écoute de ses clients et en veille auprès de son réseau.

Dominique Pialot
Commentaires 2
à écrit le 27/02/2017 à 13:59
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Aide au développement des fortunes africaines qui iront au Panama, aux îles Caymans ou en Suisse. Quelle honte cette agence. Dire qu'on finance des milliardaires etrangers avec l'argent des francais.

à écrit le 27/02/2017 à 10:03
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Pauvres multinationales pauvres actionnaires milliardaires qu'il faut que l'état finance une nouvelle fois pour compenser les pollutions qu'ils produisent. Individualisation des gains et socialisation des pertes.

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