Congés payés : la prise en charge partielle est "un bon premier geste, mais il faut aller plus loin"

QUATRE QUESTIONS À. L'annonce, par l'État, d'une prise en charge partielle des congés payés accumulés par les salariés placés en chômage partiel est une bonne nouvelle pour les entreprises les plus en difficulté, mais les critères pour bénéficier de cette aide sont trop restrictifs, estime Laetitia Ternisien, avocate au pôle social du cabinet Jeantet. Qui craint, par ailleurs, que sa mise en application ne se fasse beaucoup trop dans l'urgence.
Laetitia Ternisien, avocate au pôle social du cabinet Jeantet.
Laetitia Ternisien, avocate au pôle social du cabinet Jeantet. (Crédits : DR)

Face à la "bombe à retardement" que représente l'accumulation de congés payés par les salariés placés en chômage partiel, le gouvernement a décidé de sortir le carnet de chèques. Après avoir consulté à plusieurs reprises fédérations patronales et syndicats, ce dernier a annoncé, ce mercredi, la prise en charge, sous certaines conditions, de 10 jours de congés payés.

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Pour Laetitia Ternisien, avocate au pôle social du cabinet Jeantet, ce dispositif est un bon premier pas mais son application risque de se faire dans l'urgence et les critères pour prétendre à cette aide sont trop restrictifs.

Elle est malgré tout bienvenue, car l'accumulation de congés payés fait peser, sur les entreprises, un double risque. Sur la trésorerie, d'abord, car ces derniers représentent l'équivalent d'une dette pour l'employeur. D'un point de vue organisationnel ensuite, puisque les entreprises devront jongler avec les absences de leurs salariés, qui finiront bien par poser leurs congés.

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LA TRIBUNE - Le gouvernement a annoncé, mercredi, que l'État prendrait en charge, sous certaines conditions, 10 jours de congés payés pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire. Ces congés devront être pris entre le 1er et le 20 janvier 2021. Cette annonce vous paraît-elle satisfaisante ?

LAETITIA TERNISIEN - Cette annonce est une bonne nouvelle pour les entreprises les plus touchées par la crise. La mise en œuvre pratique risque, toutefois, d'être un peu compliquée, du fait du délai de prévenance d'un mois pour que l'employeur fixe les dates de congés payés. Nous sommes déjà le 3 décembre, donc les choses vont devoir être mises en place extrêmement rapidement.

Seules les entreprises dont « l'activité a été interrompue partiellement ou totalement pendant une durée totale d'au moins 140 jours depuis le 1er janvier 2020 », ou celles qui ont perdu 90% de leur chiffre d'affaires pendant la période d'état d'urgence sanitaire seront concernées par ce dispositif. Cela vous paraît-il suffisant ?

C'est un bon premier geste de l'État, mais il faut aller plus loin. Ce dispositif est extrêmement limité en pratique : alors que certaines entreprises - les plus touchées - ont vu leurs salariés accumuler une vingtaine de jours de congés depuis mars 2020, l'État n'en prend en charge que la moitié. Par ailleurs, le curseur de perte de chiffre d'affaires est très élevé et exclut, de fait, d'autres professionnels qui ont également souffert de la crise.

Au sujet de l'accumulation des congés payés, le réseau français de dirigeants de PME et ETI CroissancePlus qualifie la situation d'"extrêmement dangereuse". La problématique est-elle une source d'inquiétude pour les entreprises selon vous ?

Oui. La question se pose essentiellement pour les secteurs qui ont eu un recours massif - et qui peuvent encore aujourd'hui recourir massivement - à l'activité partielle, puisqu'on parle de salariés qui ne travaillent pas et accumulent néanmoins des congés payés qu'il ne peuvent pas prendre. La situation est critique car il faudra bien que ces mêmes salariés posent, un jour, ces congés.

Quelles menaces principales cette situation fait-elle peser sur les entreprises ?

J'en vois deux. D'une part, ces entreprises, déjà extrêmement fragilisées par la crise, accumulent une dette car, un jour ou l'autre, il faudra bien sortir de l'argent pour payer les salariés qui sont en congés. D'autre part, cette situation pose des problèmes en matière d'organisation, tout simplement parce qu'il faudra réussir à caler ces congés non pris dans l'agenda professionnel.

Propos recueillis par Ivan Capecchi

Commentaire 1
à écrit le 07/12/2020 à 8:44
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Le gvt a sorti le carnet de cheque en bois, faut le preciser. La note au final sera a charge de la collectivite. Ils sont malins a bercy.

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