Coût d'un licenciement abusif : le simulateur qui fait polémique

Le site service-public.fr a mis en place un simulateur qui permet, en deux clics, de connaître le coût potentiel maximum pour une entreprise, d'un licenciement abusif. Du "cynisme" pour les syndicats.
Jean-Christophe Chanut
Après la publication de la très décriée ordonnance fixant un barème des indemnités prud'homales dues à un salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le gouvernement a mis en ligne un simulateur qui permet aux entreprises de calculer le "coût" d'un tel licenciement abusif et ainsi de provisionner. Une initiative qui fait polémique.

Voilà un simulateur qui déclenche la polémique. La nouvelle serait passée quasiment inaperçue si le quotidien Le Parisien, dans son édition du vendredi 4 novembre, n'avait pas mis un coup de projecteur sur le sujet : depuis la mi-octobre, le site service-public.fr a mis en ligne un simulateur sur les indemnités prud'homales qui devraient être versées par une entreprise en cas de licenciement abusif. De fait, en deux « clics » (taille de l'entreprise, ancienneté du salarié) l'employeur peut connaître la fourchette (le plancher et le plafond) des montants qu'il devra verser.

Une initiative jugée « cynique » par l'Unsa qui s'offusque qu'un site officiel de la République permette aux entreprises de calculer le « coût » d'un licenciement abusif... A l'inverse, le Medef a salué « une bonne initiative » qui permet d'anticiper le coût d'un licenciement.

Mais pourquoi un tel simulateur ?

Celui-ci a été installé dans la foulée de l'une des « ordonnances Macron » réformant le Code du travail. Celle-ci a été publiée au « Journal Officiel » du 23 septembre, elle prévoit un barème d'indemnisation par les Conseil de prud'hommes en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Concrètement, le texte fixe un plancher et un plafond d'indemnisation -compris entre un mois et 20 mois de salaire- qui s'imposent aux juges en fonction de la taille de l'entreprise et de l'ancienneté du salarié injustement licencié et qui refuse sa réintégration dans l'entreprise.

Cette question du barème des indemnités prud'homales n'a pas quitté l'actualité depuis plus de deux ans. Il a fallu trois tentatives pour que ce barème s'impose dans le Code du travail. Déjà, dans la « loi Macron » de 2015, celui qui était alors ministre de l'Economie avait tenté d'introduire ce barème mais cette disposition avait été retoquée par le Conseil Constitutionnel. Ensuite, deuxième tentative en 2016, une première mouture du projet de loi El Khomri prévoyait d'introduire le barème, mais devant le tollé syndical -notamment de la CFDT- Manuel Valls, le Premier ministre d'alors, y avait renoncé. La troisième tentative, les ordonnances, fût la bonne. Et ce, pour le plus grand bonheur des organisations patronales qui dénonçaient depuis des années la « loterie » des prud'hommes: une affaire similaire pouvant donner lieu à des dommages et intérêts très divers en fonction du Conseil des prud'hommes compétent.

Un simulateur à prendre avec des pincettes

A l'inverse, côté syndical, cette nouveauté ne passe pas car le juge doit pouvoir librement décider de la réparation intégrale d'un éventuel préjudice, sans se trouver enfermé par un barème. C'est pour cette raison que l'initiative gouvernementale d'instituer un simulateur est très mal perçue, car elle va encore davantage aider les entreprises à calculer le « prix » d'un licenciement abusif et donc éventuellement de « provisionner » les montants dus. Sans parler du fait, que ce barème et ce simulateur vont aussi permettre aux entreprises de négocier à la baisse les indemnités versées en cas de rupture conventionnelle, c'est-à-dire lors d'un départ négocié avec un salarié.

Jusqu'ici, en effet, un salarié acceptant une rupture conventionnelle pouvait pour obtenir de meilleures indemnités de départ de l'entreprise agiter « le saut dans l'inconnu » que représentait pour l'employeur le risque de se retrouver devant un conseil de prud'hommes. Ce n'est plus le cas maintenant que le barème existe. C'était d'ailleurs tout l'esprit des ordonnances qui cherchaient à « rassurer » et « sécuriser » les entreprises en cas de licenciement... afin de faciliter les embauches.

Il n'en reste pas moins que le simulateur gouvernemental ne constitue pas une sécurité totale. En effet, le barème des indemnités prud'homales ne concerne pas les licenciements considérés comme nuls, c'est-à-dire les licenciements manifestement discriminatoires, ou encore concernant des personnes victimes de harcèlement moral ou sexuel ou encore un licenciement en rapport avec l'exercice du droit de grève ou de la liberté syndicale, etc.

Or, avec l'instauration du barème, de nombreux avocats vont, bien entendu, tenter d'aller sur le terrain de la nullité du licenciement qui donne droit à une indemnité minimum d'au moins six mois de salaire... sans plafond.

L'entreprise devra aussi tenir compte du fait que les ordonnances Macron, en « compensation » de l'instauration d'un barème pour les dommages et intérêts prud'homaux, ont aussi augmenté l'indemnité légale de licenciement qui passe de 20% à 25% d'un mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à dix ans.

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 22
à écrit le 07/11/2017 à 22:56
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QUAND UNE GRANDE PARTIE DES OUVRIERS ET OUVRIERES SERONS DEVENUE DES OUVRIER KINEX /LES TRIBUNAUX N AURONS PLUS DE TRAVAIL NON PLUS ?CAR PLUS PERSONNE N AURAS D ANCIENNETE DANS LES ENTREPRISES? LES CONSECANCES C EST QU UNE GROSSE PARTIES DE CES OUVRI...

à écrit le 07/11/2017 à 14:50
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Dans le dernier chapitre, il serait bon de rappeler que la "compensation" de l'indemnité légale de licenciement a été augmentée devant l'insistance des syndicats, spécialement FO. (comme indiqué dans votre article http://www.latribune.fr/economie/fra...

à écrit le 07/11/2017 à 12:40
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Le chômage va t'il réellement diminuer où augmenter avec des licenciements toujours plus simples pour l'employeur?

à écrit le 07/11/2017 à 11:53
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C'est incroyable comme la France et les Français sont dans le déni de réalité et se voilent la face à longueur de temps.

à écrit le 07/11/2017 à 10:12
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Et ces ordonnances sont TOUJOURS anticonstitutionnelles: on ne peut pas borner la réparation d'un préjudice. Le seul résultat qui va être obtenu est un durcissement majeur des relation entre employeurs et salariés. Puisque les employeurs peuvent ê...

à écrit le 07/11/2017 à 3:33
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Bcp de pays developpes ne prennent pas autant de precaution. On fait son carton et salut. Une demi heure suffit. Si un salarie ne fait plus l'affaire on le change. Rien de plus normal.

le 07/11/2017 à 7:15
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Vrai mais dans ces pays plus particulièrement chez les anglo-saxons ceux qui se défoncent sont reconnus rarement le acs en France, surtout depuis les années 90. Dans ces pays la misère est plus galopante que chez nous. Pour un licenciement sec il fau...

à écrit le 06/11/2017 à 23:05
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ce qui devait arriver arriva..j'ai décrit ce mécanisme il y'a 18 mois http://neotopia2017.blogspot.fr/2016/02/le-medef-se-presentera-bien-en-2017.html

à écrit le 06/11/2017 à 21:47
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"Les organisations patronales qui dénonçaient depuis des années la « loterie » des prud'hommes". Quand la LOI est considérée comme une "loterie", c'est que la démocratie va mal. D'ailleurs elle va mal partout. Macron a mal été élu et il est dans les ...

à écrit le 06/11/2017 à 21:02
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Polémique idiote, si la loi encadre le coût d'un licenciement alors il n'y a pas de raison que les patrons soient moins informés que les salariés. Si on est en désaccord, il faut critiquer la loi et surtout pas le fait qu'on informe sur la loi.

à écrit le 06/11/2017 à 18:43
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Que veut dire CDI si celui ci peut être arrêter par l’employeur en payant 3 mois seulement de salaire pour 5 ans d’ancienneté ??? => oui pour un barème (encore plus simple que plafond minimum et plafond maximum) mais plus « juste » : 3mois + 1 mois p...

le 07/11/2017 à 0:15
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3 mois min, 6 mois max. Ce n'est pas si mal. Dans d'autres pays, comme le Canada ou j'ai vécu, c'était .. une semaine. Les français râlent tout le temps mais ne connaissent pas la chance qu'ils ont par rapport a leurs voisins.

à écrit le 06/11/2017 à 18:21
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Macron serait lui même un simulateur 😂😂😂

à écrit le 06/11/2017 à 17:06
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Il s'agit uniquement d'une version web d'un fichier excel déjà disponible. Ce qui me choque c'est qu'on soit obligé de mettre un place un simulateur alors qu'une lecture de ce fichier est du niveau de CE2

à écrit le 06/11/2017 à 17:02
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"des organisations patronales qui déconnaient depuis des années la « loterie » des prud'hommes" drôle mais ne serait ce pas "qui dénonçaient" ?

le 06/11/2017 à 17:36
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Oups!! la bourde (je n'ose parler de lapsus). Merci beaucoup.

le 06/11/2017 à 17:45
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Effectivement ,sinon pour cette phrase ,c'est juste : "des organisations patronales qui déconnaient depuis des années".

le 06/11/2017 à 21:49
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"Déconnaient"...Lapsus révélateur.

à écrit le 06/11/2017 à 16:52
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" La troisième tentative, les ordonnances, fût la bonne". On peut rappeler aussi le nouveau cadeau aux actionnaires qui se retrouve caché dans les ordonnances Macron.En effet, celles-ci modifient la base de calcul de la contribution patronale (som...

le 06/11/2017 à 18:41
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Rassurez vous le CE d’EDF restera à 1% du chiffre d’affaire (6fois le taux normal...)

le 07/11/2017 à 6:37
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Ouf si l'EDF reste si bien lotie... au pire ils n'auront qu'à réaliser une modification rétroactive de leurs tarifs pour compenser... Quoi ils sont déjà en train de le faire... ah d'accord...

le 07/11/2017 à 17:49
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@Réponse de @lachose Et donc pour éviter ce vilain CE tu es chez un opérateur alternatif, type Poweo ou d'autres , non ? Les CE , ils y en a des milliers en france , y"a pas qu'EDF dans la vie. PS, un petit pseudo serait plus correct pour pouvoi...

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