Faut-il réserver le logement social aux plus démunis ?

Un récent rapport de la Cour des comptes relance le débat sur la politique du logement social : faut-il le réserver uniquement aux plus démunis ? Beaucoup s'y opposent.
Mathias Thépot
La ministre du Logement Emmanuelle Cosse s'oppose à certaines conclusions du rapport de la Cour des comptes sur le logement social.

La Cour des comptes aime mettre son nez dans les politiques publiques dépensières de l'État. C'est son rôle. Elle va même parfois jusqu'à remettre en cause leur bien-fondé. Cette fois-ci, c'est la politique du logement social (dont le coût pour l'État est de 17,5 milliards d'euros par an) qui n'atteindrait pas ses objectifs. Pour étayer leurs propos, les magistrats de la rue Cambon s'appuient sur la loi qui stipule deux choses : d'une part que le système du logement social doit améliorer les conditions d'habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées ; et d'autre part, qu'il doit « contribuer à la nécessaire mixité sociale des villes et des quartiers ».

Les plus pauvres n'ont pas assez accès au logement social

Problème, selon la Cour, aucune de ces deux missions ne serait réellement satisfaite. Concernant la première, les magistrats notent que « seulement » 52% des occupants du parc social sont des ménages aux revenus modestes. Et même si, lors des quarante dernières années, le logement social se concentre de plus en plus sur l'accueil des ménages modestes et défavorisés, « il n'en demeure pas moins que le parc social, qui excède pourtant d'un million de logements l'effectif total des ménages situés sous le seuil de pauvreté, n'accueille encore que la moitié d'entre eux », déplore Didier Migaud, le Premier président de la Cour des comptes. La faute, notamment, au système d'attribution de logements sociaux qui se révèle peu efficace pour proposer des solutions aux ménages logés en hôtel, en résidence hôtelière à vocation sociale ou aux personnes sans abri, note Didier Migaud.

Le faible taux de rotation du parc (9,7% des logements sociaux sont libérés par an) empêcherait aussi nombre de ménages exclus du parc social d'y entrer. Un constat accablant est d'ailleurs dressé par la Cour : entre 2002 et 2013, l'effort de construction a augmenté le parc social de plus de 600.000 logements ; or dans le même temps, le nombre d'attributions par année a diminué de 70.000... Preuve des blocages puissants sur ce marché du logement social. Par ailleurs, l'objectif de mixité sociale affiché dans la loi est n'est pas mis en œuvre : « 63% des habitants des quartiers prioritaires habitent ainsi dans un logement social, contre 13% en dehors », regrettent les magistrats... Il se trouve donc que le mouvement de paupérisation du parc social s'est accompagné ces dernières décennies d'une ghettoïsation accrue.

Renforcer la mobilité

Dès lors, comment y remédier ? La Cour propose d'agir sur la mobilité dans le parc social afin de libérer chaque année une plus grande part des 4,7 millions de logements sociaux existants en France. Pour ce faire, elle estime souhaitable de questionner le principe de « remettre les clés à vie » des logements sociaux aux ménages  - notamment les plus aisés du parc locatif social - par le biais de l'instauration de baux à durée limitée, dont le renouvellement permettrait un réexamen de la situation des ménages. Enfin, la Cour propose d'abaisser les plafonds de ressources permettant de bénéficier d'un logement social.

Des propositions qui irritent fortement le gouvernement, ainsi que certaines associations. La ministre du Logement Emmanuelle Cosse s'oppose en effet à la recommandation de la Cour des comptes visant à abaisser les plafonds de ressources d'accès au parc HLM. Selon elle, cette proposition « serait de nature à détourner celui-ci de sa vocation généraliste. » Une vocation que conteste, sans le dire explicitement, certes, la Cour des comptes.

Au contraire, Emmanuelle Cosse assure que « le modèle social français est indispensable pour accueillir les plus fragiles, ce segment du parc de logements doit aussi servir l'objectif de mixité sociale nécessaire à la cohésion du pays. Le logement social doit en effet cibler toutes les catégories de ménages modestes et de classe moyenne. »

Matraquage des locataires

Sur une ligne similaire à celle de la ministre, la confédération nationale du logement (CNL) regrette « des recommandations entièrement tournées vers le matraquage des locataires en place : bail à durée déterminée, abaissement des plafonds (...)».

Selon l'organisation, « mettre en place des baux de courte durée dans le logement HLM, c'est remettre en cause un progrès social important et au cœur du modèle HLM français : le droit au maintien dans les lieux pour les locataires ». Elle ajoute que « ce droit au maintien dans les lieux est l'inverse de la précarité, c'est une conquête du mouvement des locataires qui permet aux habitants d'être sécurisés sur leur avenir résidentiel.»

En outre, concernant à la proposition d'abaisser les plafonds d'accès au logement social, la CNL explique « qu'un couple d'enseignants ou d'infirmiers ne peut pas, le plus souvent, accéder aujourd'hui à un logement social. » Et de déplorer qu'« au moment où chacun constate que nos cités ont perdu en mixité sociale, la Cour des comptes suggère de paupériser davantage le logement social »... En effet, le sujet central du débat est là : Restreindre le logement social aux plus démunis ne risque-t-il pas d'accentuer la ghettoïsation des ménages les plus pauvres, quand bien même les politiques d'urbanisme seraient élaborées plus intelligemment ?

Mathias Thépot
Commentaires 3
à écrit le 28/02/2017 à 8:48
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Pour lutter contre les déficits publics, il faudrait réserver des logements sociaux aux gens qui ont un très bon salaire, par exemple 2 ou 3 fois le smic. Du coup, faudrait changer le nom, de logement social en logement normal. Du coup, les gens au c...

à écrit le 25/02/2017 à 22:41
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Réserver les logement s aux plus démunis est très juste les logements sociaux sont attribuer aux ménages aise actuellement inadmissible

à écrit le 25/02/2017 à 10:05
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il y a bien longtemps que les pauvres francais n habitent plus les logements sociaux .ils les ont quitté par exaspération.ils sont malheureusement logé au prix fort dans le privé grace aux ordures du gouvernement.

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