Le constat est clair. "Nous accusons du retard par rapport à nos voisins européens sur le sujet", estime Bercy, à propos du déploiement de solutions d'industrie du futur dans les entreprises de l'Hexagone. Confortant cet avis, une étude, menée en 2019 par l'Alliance Industrie du Futur (AIF), le Gimelec et le Symop, explique que "le taux de croissance annuel de la robotisation plafonne à 3,4 % en France contre 6,7 % pour l'Espagne". Le trio regrette même "un retard conséquent en robotisation (hors secteur automobile)".
Dans l'espoir de revenir au niveau des autres pays européens, le gouvernement français a décidé l'an dernier d'allouer, dans son plan France Relance doté de 100 milliards d'euros, une enveloppe spécifique à l'industrie du futur d'un montant de 280 millions jusqu'en 2022. Les PME et ETI peuvent en bénéficier grâce à un guichet dématérialisé géré l'Agence de services et de paiement (ASP). Ouvert du 27 octobre au 31 décembre 2020 dans un premier temps, le mécanisme offrant un co-financement public de 10 à 20% - voire 40% dans certains cas - n'a pas manqué de séduire les industriels, au point de consommer potentiellement tout le budget prévu sur trois ans initialement.
"L'initiative a rencontré un franc succès aussi bien qualitatif que quantitatif. Nous avons reçu 7.750 demandes portant sur des investissements de plus de 2,7 milliards d'euros (chiffres arrêtés au 9 avril, ndlr). Près de 900 décisions positives ont déjà été envoyées représentant 104 millions d'euros d'aides, pour 289 millions d'euros d'investissements industriels", se félicite le cabinet de la ministre déléguée chargée de l'industrie, Agnès Pannier-Runacher.
175 millions d'euros "d'argent nouveau"
Pour être éligible à de ce guichet "Industrie du futur", les entreprise doivent répondre à deux critères principaux. Le projet doit tout d'abord porter sur une activité de production industrielle et l'investissement doit faire partie d'une liste de huit types d'équipements arrêtée par un décret du 23 octobre dernier. Sont ainsi concernées les dépenses liées aux équipements robotiques ou à la fabrication additive; les logiciels pour la conception, la fabrication ou la maintenance ; les capteurs physiques collectant des données ; les machines intégrées destinés au calcul intensif ; les machines de production à commande programmable ou numérique ; les équipements de réalité augmentée ou virtuelle ; et les logiciels ou équipements qui recourt à de l'intelligence artificielle.
Selon un premier bilan portant sur le fond des demandes de subventions, la moitié des dossiers concerne des investissements pour des machines à commande numérique, et 17% pour des logiciels et 16% pour des robots/cobots. "Ces investissements correspondent à un rattrapage technologique réalisé par les entreprises françaises et constituent également le premier échelon vers l'industrie du futur", commente l'équipe de la ministre.
Face à un tel engouement, le gouvernement vient d'annoncer (comme prévu) la réouverture dès le 3 mai de ce guichet dédié à l'industrie 4.0, dont 95% des bénéficiaires sont des PME. En revanche, la nouvelle enveloppe de 175 millions d'euros associée est une nouveauté. "C'est de l'argent nouveau qui n'était pas prévu au départ et tous les secteurs industriels peuvent en bénéficier, comme l'automobile et l'aéronautique (qui ont déjà des fonds spécifiques, ndlr)", tient à souligner Bercy.
Un comité stratégie de filière piloté par Frédéric Sanchez
Quitte à mettre de l'argent frais sur la table, la France souhaite que cette rallonge bénéficie dans les deux sens, c'est-à-dire aussi bien à "ses" entreprises clientes qu'à "ses" entreprises vendeuses. Le gouvernement veut donc à la fois structurer l'offre de solutions françaises en matière d'industrie du futur et sa filière. En ce sens, il vient de lancer une plateforme numérique ("Solutionsindustriedufutur") pour débuter ce travail de vitrine du savoir-faire français en la matière.
"Notre intention est de rassembler la filière, se doter d'une feuille de route stratégique et faire aller dans le même sens tous ses acteurs au sein d'un tissu déjà dense. L'objectif est d'offrir une meilleure visibilité aux offreurs de solutions français afin de favoriser le lien entre l'offre et la demande. Par ailleurs, l'idée est de travailler sur des projets importants d'industrie du futur qui pourraient avoir un impact sur d'autres filières comme la gestion des déchets par exemple", indique-t-on dans l'entourage d'Agnès Pannier-Runacher.
Par conséquent, à l'occasion d'une réunion de son comité exécutif présidée par le Premier ministre vendredi 9 avril, le Conseil national de l'industrie (CNI) a annoncé la labellisation de la filière "Solutions pour l'industrie du futur". Ce qui en fait le 19ème comité stratégique de filière française, qui aura pour vocation d'agir "dans la continuité de l'action de l'Alliance pour l'industrie du futur", précise Bercy.
Pour mémoire, cette structure a été créée en 2015 par François Hollande, sous l'impulsion de son ministre de l'Économie de l'époque, Emmanuel Macron. Sans surprise donc, c'est Frédéric Sanchez, le président du directoire de Fives Group et président de l'Alliance pour l'industrie du futur, qui a été désigné par le gouvernement pour piloter ce comité stratégique de filière. "Il devra proposer à la ministre Agnès Pannier-Runacher d'ici l'été une méthode de gouvernance et un bureau composé d'industriels", annonce le cabinet de la membre du gouvernement.