Métropoles : les bons emplois au centre, les moins bons à la périphérie

Dans les grandes aires urbaines, le marché du travail est très inégalitaire. La ville-centre draine parfois plus de 60% des offres d'emploi. Et les postes les plus précaires se trouvent à la périphérie de ces métropoles.
Jean-Christophe Chanut
Le salaire médian proposé dans les banlieues et les couronnes (Paris non compris) est en moyenne de 21.600 euros brut par an, contre 24.000 euros dans les ville-centre, soit 2.400 euros d'écart (11%).

Où se situe l'emploi dans les aires urbaines ? Est-il également réparti ? L'accès à ces emplois est-il aisé pour tous ? C'est à ces questions pointues que tente de répondre une intéressante étude réalisée par le « think tank » Terra Nova, associé pour l'occasion à la très innovante entreprise du numérique « Jobijoba », spécialisée dans la recherche d'emplois en ligne. Grâce à sa technologie pointue, Jobijoba a pu s'appuyer sur un échantillon d'une taille considérable de 6 millions d'offres d'emploi collectées en 2015 sur les 15 plus grandes aires urbaines françaises (où vivent plus de 25 millions de Français) et plus d'un million de demandes d'emploi.

La ville-centre draine parfois plus de 60% des offres d'emploi

Au regard de ce panel important, l'étude dresse un tableau qui montre l'extrême concentration de l'activité dans le cœur des métropoles. Globalement, la ville-centre de ces grandes aires urbaines abrite environ 25 % de la population qui y réside mais concentre... entre 50 % et 60 % des offres d'emploi. Ce qui fait dire à Thierry Pech, directeur général de Terra Nova que ces villes-centres sont "des monstres économiques ".

De fait, quelques exemples sont très frappants, la seule ville centre de Nantes draine 69% des emplois de toute l'aire urbaine. Ce taux est encore de 65 % à Lille ou Grenoble. Si l'on ajoute la deuxième commune de l'aire urbaine (par exemple Aix et Marseille ou Paris et Nanterre), cet ensemble urbain concentre alors entre les deux-tiers et les trois-quarts des offres d'emploi. Il y a donc une hyperconcentration de l'activité.
Oui mais quels emplois ? L'étude constate que plus on s'éloigne du centre, plus la qualité de l'emploi décroît. En d'autres termes, c'est dans la périphérie des aires urbaines que l'on trouve davantage d'emplois précaires : CDD courts, intérim, etc. Selon l'étude, la moitié des offres d'emploi proposées dans le centre des métropoles sont en CDI, contre 42% pour les couronnes urbaines. C'est notamment le cas à Bordeaux, Strasbourg, Rouen, Toulouse...

Davantage d'emplois précaires en périphérie

La nature des emplois est également distincte. Dans le centre, on trouve les métiers liés aux services supports des entreprises : conseil, ressources humaines, innovation, communication, etc. Alors que dans les périphéries, on retrouve, bien sûr, les activités industrielles en raison d'un moindre prix du foncier mais aussi les emplois liés aux services à la personne. Par exemple, 10 % des offres concernent la garde d'enfants.
Le même constat prévaut pour les salaires. Le salaire médian proposé dans les banlieues et les couronnes (Paris non compris) est en moyenne de 21.600 euros brut par an, contre 24.000 euros dans les ville-centre, soit 2.400 euros d'écart (11%). La différence est encore plus marquée à Paris (24.000 euros contre 28.500, soit 19%).

L'inadéquation entre la localisation des offres d'emploi et des demandes d'emploi

La distance à l'emploi des demandeurs d'emploi est également un problème. D'après l'étude, il ressort que les offres d'emploi sont particulièrement dispersées (plus de 25 kilomètres de distance moyenne ) dans les aires de Strasbourg, Nice, Rennes, Toulouse. A Paris, elle atteint même.... 49 kilomètres. Elles sont en revanche moins dispersées (moins de 15 kilomètre de distance moyenne) à Montpellier, Lille, Rouen, Douai-Lens, Nantes.

Comme le souligne Terra Nova, les grandes distances moyennes ne sont pas nécessairement problématiques, ce qui compte c'est le temps nécessaire pour les parcourir et donc l'efficacité des moyens de transport des personnes concernées. Mais c'est là que le bât blesse.
En effet, comme l'indique Thierry Pech, cet éloignement « pénalise certains candidats dans leurs recherches d'emploi. Car les personnes les plus modestes qui habitent en deuxième couronne sont désavantagées ». Le côut des transports ou de la garde d'enfants est parfois trop élevé pour que certains puissent accepter un emploi trop loin de leur domicile. Aussi, parfois, des demandeurs d'emploi sont contraints de restreindre leurs zones de recherche. Et, à l'inverse, les entreprises ne trouvent pas preneurs... En d'autres termes, il y a dans beaucoup d'agglomérations (Lyon, Marseille, Bordeaux...) une inadéquation entre les zones d'offres d'emploi et les zones de recherches d'emploi... C'est l'une des causes du chômage.

Alors, comment faire ? Terra Nova avance quelques suggestions. Les communes de la première couronne devraient davantage s'ouvrir à des populations très éloignées par des politiques volontaristes. Une autre piste résiderait dans le développement du télétravail. L'étude fait donc un doux rêve en suggérant aux pouvoirs publics territoriaux de s'attacher à créer les conditions d'une complémentarité plus harmonieuse entre les centres productifs et les zones résidentielles!!

Jean-Christophe Chanut
Commentaire 1
à écrit le 11/02/2016 à 16:30
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Richesses concentrées, inégalités partout. Merci pour cet article.

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