À quelques jours d'une visite d'État en France du président chinois Xi Jinping, le président français s'est exprimé sur les relations économiques entre le Vieux Continent et la Chine, dans une interview à The Economist. Emmanuel Macron appelle notamment l'Europe à défendre ses « intérêts stratégiques » face à la Chine.
« C'est un de mes objectifs principaux en accueillant le président Xi Jinping, il faut tout faire pour engager la Chine sur les grandes questions mondiales et avoir un échange sur nos relations économiques qui reposent sur la réciprocité », ajoute le président, qui accueillera son homologue chinois précisément les 6 et 7 mai.
Voiture électrique : une production « massivement aidée »
Interrogé sur l'ouverture ou non du marché européen à la Chine, le président français s'est néanmoins montré réaliste :
« Il faut être d'un grand pragmatisme et regarder cette question avec nos intérêts stratégiques », affirme le chef d'Etat français.
En effet, un des points de tension entre l'UE et la Chine concerne les voitures électriques. D'après le président français, ces dernières sont« taxées à 10% » sur le marché européen alors que leur production est « massivement aidée » par l'exécutif chinois. A l'inverse, les véhicules électriques européens, pour lesquels « l'Europe a des règles qui limitent les aides » à leurs producteurs, sont « taxés à 15% » sur le marché chinois.
« Aujourd'hui nous devons avoir sur le plan commercial avec la Chine un comportement respectueux, mais de défense de nos intérêts, de réciprocité et de sécurité nationale », insiste Emmanuel Macron, qui dit ainsi soutenir les enquêtes ouvertes par la Commission européenne sur le véhicule électrique, le photovoltaïque, l'éolien concernant des subventions chinoises soupçonnées de fausser la concurrence.
« Il ne faut pas oublier les enjeux de sécurité nationale », souligne-t-il également. « Il y a de nombreux secteurs pour lesquels la Chine exige que les producteurs soient chinois, parce qu'ils sont trop sensibles. Eh bien nous Européens, nous devons pouvoir faire la même chose. »
Les grandes crises internationales au menu de la visite de Xi Jinping
La visite d'Etat de Xi Jinping vise à célébrer 60 ans de relations diplomatiques bilatérales. Il s'agira du début de sa première tournée européenne depuis la pandémie de Covid-19, qui avait vu le géant asiatique couper longuement nombre d'interactions avec le reste du monde. Les grandes crises internationales, et notamment la guerre en Ukraine, devraient également être au menu des discussions franco-chinoises.
« Notre intérêt est d'obtenir de la Chine qu'elle pèse pour la stabilité de l'ordre international. Ce n'est pas l'intérêt de la Chine aujourd'hui d'avoir une Russie déstabilisatrice de l'ordre international, d'avoir un Iran qui peut se doter de l'arme nucléaire et d'avoir un Moyen-Orient plongeant dans une forme de chaos. Il faut donc travailler avec la Chine pour construire la paix », affirme Emmanuel Macron.
Xi Jinping doit atterrir à Paris dimanche 5 mai au soir, avant d'enchaîner des étapes en Serbie puis en Hongrie, où il est attendu du 8 au 10 mai, ont aussi confirmé lundi les autorités chinoises. Le président chinois et son épouse Peng Liyuan seront reçus le 6 mai par Emmanuel et Brigitte Macron à Paris, où un dîner d'État est prévu à l'Élysée en présence de plusieurs artistes chinois.
Le 7 mai, les deux couples se rendront dans les Hautes-Pyrénées, au col du Tourmalet, mythique ascension du Tour de France, où le chef de l'État français veut partager un moment plus intime avec son homologue. Il s'y est en effet beaucoup rendu dans son enfance pour rendre visite à sa grand-mère maternelle, Germaine Noguès, décédée en 2013 et qui habitait à Bagnères-de-Bigorre.
Une rencontre très politique
Paris évoque une visite très politique, même si de nouveaux investissements chinois en France sont en cours de négociation, notamment dans les batteries électriques. Et les responsables français entendent soulever aussi les questions commerciales, et défendre « les intérêts » du pays « pendant et à l'issue » de l'enquête antidumping sur les alcools type cognac lancée par les autorités chinoises.
Lin Jian, porte-parole de la diplomatie chinoise, a estimé pour sa part que les deux dirigeants tenteront de « faire de nouvelles contributions à la paix, à la stabilité, au développement et au progrès du monde ». Comme il y a un an en Chine, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen sera associée lors d'un échange trilatéral lundi à Paris.
L'an dernier, Emmanuel Macron avait appelé Xi Jinping à « ramener la Russie à la raison » à l'égard de l'Ukraine. Peu après, le président chinois avait appelé son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky pour la première fois depuis le début du conflit en février 2022. Mais les avancées diplomatiques escomptées par Paris sur le front russo-ukrainien s'étaient arrêtées là. Un an plus tard, l'analyse française n'a pas varié.
« La Chine étant l'un des principaux partenaires de la Russie », notamment en matière diplomatique et commerciale, le chef de l'Etat entend « l'encourager à utiliser les leviers dont elle dispose sur Moscou afin de changer les calculs de la Russie et de pouvoir contribuer à une résolution de ce conflit », a expliqué l'Elysée. Il « évoquera également les inquiétudes » sur « l'activité de certaines entreprises chinoises qui pourraient directement contribuer de manière significative à l'effort de guerre russe », a ajouté un conseiller.
« La France, par cette visite, démontre qu'elle fait partie des très rares pays au monde à être en mesure de maintenir des canaux de discussion à tous les niveaux avec la deuxième puissance économique mondiale, la Chine, dans un contexte où il y a une relation tendue avec les États-Unis et le Royaume-Uni », avance-t-on de source diplomatique française.
La Chine a affirmé qu'elle allait prendre « les mesures nécessaires » après l'annonce par Washington de nouvelles sanctions destinées à paralyser les capacités militaires et industrielles de la Russie en punissant les entreprises en Chine et ailleurs qui aident Moscou à acquérir des armes pour sa guerre en Ukraine. « La Chine exhorte les Etats-Unis à cesser de dénigrer et de réprimer la Chine et à cesser de mettre en œuvre des sanctions illégales et unilatérales », a déclaré un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères dans un message transmis à l'AFP. « La Chine prendra toutes les mesures nécessaires pour résolument défendre les droits légaux et les intérêts des entreprises chinoises », a-t-il ajouté.La Chine répond aux sanctions américaines
(Avec AFP)