Brexit : un nouveau référendum écossais sur l'indépendance en préparation

La première ministre écossaise Nicola Sturgeon a annoncé qu'elle déposera la semaine prochaine un projet de second référendum sur l'indépendance la semaine dernière. Mais la situation en Catalogne rend la situation très périlleuse pour l'UE.
Nicola Sturgeon, premier ministre écossaise, a annoncé qu'elle lançait un nouveau référendum sur l'indépendance.

C'est un nouveau défi pour la première ministre britannique Theresa May. Devant le congrès du Parti national écossais (SNP), Nicola Sturgeon, cheffe du gouvernement écossais a confirmé qu'un « projet de loi proposant un référendum d'indépendance sera publié pour consultation » la semaine prochaine.  « Je suis déterminée à ce que l'Écosse puisse reconsidérer la question de son indépendance et ce avant que le Royaume-Uni ne quitte l'UE si c'est nécessaire pour protéger les intérêts de notre pays », a-t-elle indiqué. Et, sans attendre le résultat de cette consultation, Nicola Sturgeon a appelé ses troupes à faire campagne pour l'indépendance, tout en mettant en garde contre tout sentiment de trop forte assurance. « Il faudra prouver l'intérêt de l'indépendance et la gagner dans les urnes », a-t-elle terminé.

Cette annonce constitue une réponse à la stratégie de Theresa May de refuser de consulter les parlements régionaux sur les négociations avec l'Union européenne concernant la sortie du Royaume-Uni et de prendre le chemin d'un « Brexit dur » en faisant le choix de prioriser la maîtrise des frontières sur l'accès au marché unique. Pour Nicola Sturgeon, toute cette stratégie est contraire aux intérêts de l'Ecosse qui, le 23 juin, a voté à 62 % en faveur du maintien dans l'UE. Et d'interpeller Theresa May : « l'Ecosse n'a pas choisi d'être dans cette situation - c'est votre parti qui nous y a mis. En 2014, vous nous avez dit que l'Ecosse était un partenaire égal dans le Royaume-Uni. Eh bien, c'est le moment de le prouver  ».

La situation a changé par rapport à 2014

Le 18 septembre 2014, les Écossais avaient, à 55 %, choisi de rester dans le Royaume-Uni. A l'époque, l'Union européenne avait fait campagne en faveur du « non » à l'indépendance, menaçant les partisans du « oui » d'obliger le nouvel Etat à se retrouver exclu de facto en dehors de l'UE, obligé de recommencer la procédure d'adhésion depuis le début. La situation est évidemment désormais très différente. Le Royaume-Uni sortant de l'UE, l'argument n'est plus valide. L'exclusion de l'Ecosse de la procédure de négociation est aussi un argument pour les Nationalistes écossais qui peuvent y voir le retour de la domination des intérêts « anglais » et un retour sur la dévolution des pouvoirs de la fin des années 1990.

Mais Nicola Sturgeon aura fort à faire pour imposer un deuxième référendum. D'abord, parce que les 62 % d'Ecossais qui ont voté contre le Brexit ne voteront pas tous en faveur de l'indépendance. Selon l'institut BMG, ce nouveau référendum reste peu populaire et n'est soutenu que par 38 % des Ecossais, 47 % y étant opposés, même si en cas de "Brexit dur", le camp des Indépendantistes pourrait progresser. La baisse du prix du pétrole a réduit les ressources écossaises et certains mettent en garde contre le coût économique d'une rupture avec Londres. Les questions qui se posaient en 2014 restent d'actualité, notamment celle de la monnaie de la future Ecosse indépendante. En 2014, ces questions avaient aussi joué en faveur du « non » qui avait été porté principalement par la population la plus âgée de la région. Le Brexit peut changer les lignes, mais sera-ce assez ? Rien n'est moins sûr, notamment parce que l'attitude de l'UE reste équivoque.

L'UE moins enthousiaste vis-à-vis de l'Ecosse

Dans les jours qui ont suivi le 23 juin, la Commission européenne a beaucoup choyé Nicola Sturgeon. Alors que son prédécesseur José Manuel Barroso avait toujours refusé de rencontrer Alex Salmond, le premier ministre écossais avant le référendum de 2014, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne avait reçu chaleureusement Nicola Sturgeon.

Mais, rapidement, on en était resté là. L'idée avancée par Bruxelles d'utiliser l'Ecosse comme un moyen de pression sur Londres en lui proposant un statut particulier, voire en soutenant une adhésion directe en cas de référendum avant la sortie officielle du Royaume-Uni de l'UE, avait fait long feu. Car le cas écossais n'est pas isolé.

Il est observé de très près en Catalogne où la majorité parlementaire est indépendantiste. Le gouvernement espagnol, qui refuse toute autodétermination à la Catalogne, n'entend pas favoriser l'indépendance de l'Ecosse. Car si l'UE soutient le séparatisme à Edimbourg, comment pourrait-il s'opposer au séparatisme à Barcelone ? L'attitude négative de l'Espagne est, du reste, fortement soutenue par la France, terrorisée par un précédent qui pourrait donner des idées aux régionalistes. Dès lors, même en cas d'indépendance, le maintien dans l'UE n'est plus assuré et l'Ecosse pourrait devoir demander son adhésion à l'UE. Dans ces conditions, l'attrait direct de l'indépendance pourrait en être réduit.

Quel référendum ?

De fait, une des questions les plus brûlantes du second référendum écossais sera la méthode. En 2014, le référendum avait fait l'objet d'une longue négociation avec le gouvernement britannique. En octobre 2012, un accord entre Londres et Edimbourg avait permis de mettre en place le cadre du vote qui devait être organisé par le parlement écossais selon le principe d'une seule question simple. Le gouvernement britannique s'engageait à respecter le résultat. L'indépendance en cas de « oui » devait intervenir dans les deux ans suivant le scrutin. La légalité de l'accord avait pu être contestée, mais l'engagement de Londres assurait le fait que le vote aurait un impact. Cette reconnaissance par les autorités britanniques conduisait naturellement les puissances étrangères à reconnaître de facto le résultat du référendum.

Mais cette méthode simple ne semble pas d'actualité aujourd'hui. Le parlement écossais peut-il, de son propre chef, décider d'organiser un référendum sur l'indépendance en se passant de l'accord de Londres ? Cela semble peu probable. Le gouvernement britannique est-il prêt alors à renouveler les accords d'octobre 2012 ? C'est ce que Nicola Sturgeon invite Theresa May à faire ce jeudi 13 octobre. Mais le gouvernement britannique a beaucoup changé, désormais. Le Brexit a provoqué un virage à droite vers un style plus autoritaire. Le magazine de gauche New Stateman titre ce mois-ci sur la « revanche de l'Angleterre ». Il n'est pas certain que l'exécutif britannique accepte comme le précédent d'ouvrir un second front en Ecosse en plus de celui qu'il va devoir mener face à l'UE.

Mais alors ? La situation écossaise pourrait ressembler de plus en plus à celle de la Catalogne. Une majorité indépendantiste serait confrontée à un refus du pouvoir central de reconnaître le droit à l'autodétermination de la région autant que son droit à disposer d'un mot à dire dans la politique étrangère du pays. Dès lors, la seule voie pourrait être pour Edimbourg l'unilatéralité et la rupture avec la légalité britannique. C'est la voie qu'est sur le point de prendre la Catalogne puisque le parlement catalan a validé la semaine dernière une nouvelle feuille de route incluant un référendum d'autodétermination unilatéral durant la deuxième semaine de septembre 2017.

Le jeu entre l'Ecosse et la Catalogne, un casse-tête pour l'Europe ?

Ceci rend encore plus complexe la situation écossaise. Si l'Ecosse emprunte le chemin catalan, Londres et Madrid se retrouveront de facto des alliés de fait face à leurs séparatistes. La France elle-même, si elle poursuit sa politique de refus de toute modification de frontières en Europe occidentale devra refuser toute reconnaissance de l'Ecosse comme de la Catalogne.

Il ne sera pas possible, si les situations sont analogues, d'opérer une distinction entre le cas catalan et celui écossais, sous prétexte que l'un serait favorable à l'UE et pas l'autre. Si l'UE reconnaît une indépendance de l'Ecosse issu d'un référendum unilatéral, alors on ne pourra dénier cette reconnaissance à la Catalogne. De même, il sera difficile de soutenir l'indépendance écossaise ici et de combattre celle de la Catalogne là. Ce sera alors un casse-tête considérable pour les Européens.

Car si l'affaiblissement d'Edimbourg devient la priorité de Madrid et Paris, il faudra faire des concessions à Londres pour démobiliser les tentations indépendantistes écossaises. De plus, il sera alors impossible de tenter d'affaiblir Londres en soutenant l'indépendantisme écossais. Au final, le référendum de Nicola Sturgeon pourrait devenir un atout pour les Britanniques dans le cadre des négociations avec le Brexit. C'est pourquoi Londres n'a pas d'intérêt à l'accepter dans l'immédiat. Le grain de sable écossais pourrait donc entraver l'objectif actuel de la France et de l'Allemagne qui cherchent à faire du Brexit une leçon pour les Eurosceptiques français. C'est dire si l'annonce de Nicola Sturgeon rend la situation complexe. Et si ce n'est pas alors une bonne nouvelle pour les dirigeants européens.

Commentaires 21
à écrit le 14/10/2016 à 10:17
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Intéressant je ne pensais pas que mon post génèrerait autant de retours.. bon très honnêtement je ne connais pas assez le problème basque.. cependant je pense qu'une transmission des grands enjeux (diplomatie, économie, armée, etc..) au niveau europé...

le 14/10/2016 à 13:25
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suis assez d accord avec vous sur le fait que l Etat Nation, construction récente au fond, soit à bout de souffle en Europe. Par contre, en Asie le nationalisme a justement vraiment la cote ( Chine, Inde, Japon, Pakistan, Vietnam etc etc etc). Moi j...

à écrit le 14/10/2016 à 9:29
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Du moment que l'événement majeur du Brexit semble acté (ce que je n'espère pas), les éventualités des indépendances de l'Ecosse et de la Catalogne ne présentent aucun intérêt. A noter que l'an dernier, de nombreuses personnes "phosphoraient" sur la...

à écrit le 14/10/2016 à 7:07
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L'idee originale de l'Europe etait d'un noble dessein. Aujourd'hui l'on s'apercoit que l'oligarchie en place a Bruxelles ne tient nullement ses engagement d'unification. Bref, l'arnaque est patente. On laisse tomber en cachant sous le tapis. Ca fin...

à écrit le 13/10/2016 à 21:17
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Outre le pétrole et le whisky, une Ecosse en UE serait un candidat très crédible pour reprendre une part non négligeable des activités de la City...Plus les jours passent plus c'est la panique en GB, la Livre est à son plus bas historique et a perdu ...

à écrit le 13/10/2016 à 18:22
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L'article pose clairement le problème et les développements potentiels. Une écosse indépendante, ça ne semble quand même pas vraiment crédible d'un point de vue économique. Par contre sur le plan culturel , c'est une évidence.

le 14/10/2016 à 6:31
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Je pense également que le réalisme est un élément crucial et qu'une écosse indépendante n'a que peu d'atouts, voire aucun. Je n'arrive pas à comprendre comment les Ecossais pourraient en particulier songer à quitter le Royaume-Uni sans avoir l'assura...

le 14/10/2016 à 10:29
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on a intégré la Roumanie ou l Irlande, je ne vois pas comment l'économie écossaise ne parviendrait pas à avoir des standards UE...D'autant que vous raisonnez à conditions égales, alors que l on peut raisonnablement prédire que de très nombreuses entr...

à écrit le 13/10/2016 à 18:08
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Mais vous oubliez le principe: diviser pour mieux régner, une Europe constituée de petits états me semble plus malléable qu'une Europe de poids lourds aux histoires et traditions omniprésentes.

le 14/10/2016 à 23:53
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Diviser pour régner dans une UE totalement à sa botte. C'est la devise de l'oligarchie. La scission de nombreux pays et la quasi-disparition des protections sociales qui irait avec lui faciliterait la tache et lui permettrait d'augmenter son emprise ...

à écrit le 13/10/2016 à 17:51
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La situation écossaise n'est en rien analogue la situation catalane, d'abord parce que l'Ecosse, contrairement à la Catalogne, n'est de loin pas la région la plus riche du pays (le Scottexit ne peut donc être interprété comme une marque d'égoïsme d'u...

à écrit le 13/10/2016 à 17:35
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On a toujours besoin de petits poids chez soi. Petits pois écossés bien entendu :-)

à écrit le 13/10/2016 à 17:15
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Merci pour cette explication qui tient bien la route. La situation écossaise semble en effet bien désespérée, tant mieux pour l’Angleterre qui malgré l’animosité en son encontre de l'europe va bénéficier quand même malgré tout de sa remarquable f...

le 13/10/2016 à 17:55
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Je ne pense pas qu'un référendum d'indépendance dans une quelconque région française, même en Corse (et certainement pas aux Antilles sous perfusion métropolitaine) donnerait une majorité pour l'indépendance. Peut être une petite zone de quelques km2...

le 14/10/2016 à 9:40
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Comme d'habitude vous vous trompez, vous devriez remplacer vos croyances par des réflexions cela changerait votre vie vous verriez. Parce que le pays basque voterait pour son indépendance par exemple, et peut-être même les bretons. Dans le su...

à écrit le 13/10/2016 à 17:09
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L'Europe ne pourra se maintenir comme une puissance pesant sur l'histoire du monde en maintenant les Etats Nations qui sont en termes géopolitiques des concurrents.. à bout de souffle et, pris individuellement, sans aucun poids èconomique, militaire ...

le 13/10/2016 à 17:37
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Pour le pays basque , vous utilisez quel langue dites moi ? Le basque , ce qui est logique , l'espagnol ou le français ... De plus les basques du nord ( basques français ) n'ont nul envie d'être avec les basques du sud ( espagnols ) ...Sauf quelque...

le 13/10/2016 à 18:09
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@Problèmes: d'où l'expression "être mal dans ses basquettes" :-)

le 13/10/2016 à 18:19
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Le Pays Basque " Euskal Herria" côté espagnol ne tient pas à l'indépendance, le PNV le répète pourtant assez souvent, mais pour une autonomie renforcée, en opposition au discours Catalan qui s'inscrit lui dans une démarche d'indépendance. Pas la même...

le 13/10/2016 à 20:23
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Tout a fait d'accord , néanmoins 20 % de basques indépendantistes siègent a l'assemblée de la la région basque en Espagne ( les 20 % sont a relativiser , je ne connais pas le pourcentage exacte )... L'histoire du pays basque du sud n'est pas connu d...

le 14/10/2016 à 0:56
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Je partage en gros votre analyse, mais il vaut mieux parler de construire l'Europe autrement que de démanteler les états-membres. À mon avis l'avenir du continent passe par une réforme démocratique en profondeur, qui permette à la souveraineté du peu...

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