« Une bonne gestion des risques repose sur un principe de subsidiarité »

La Commission européenne vient d'achever une consultation sur la fonction dépositaire UCITS. Pourquoi jugez-vous cette initiative un peu hâtive ?L'Edhec considère que cette consultation est nécessaire et bienvenue, car elle met fin à une longue période d'ignorance communautaire sur l'importance de la fonction dépositaire dans la construction d'un marché unique des fonds d'investissement. Longtemps, le régulateur européen s'est concentré sur les responsabilités et obligations des sociétés de gestion et sur l'adaptation du cadre UCITS aux nouvelles classes d'actifs ou aux évolutions des pratiques d'investissement, en considérant à tort que l'« intendance » suivrait et en portant donc trop peu d'attention aux questions opérationnelles et à la maîtrise des risques non financiers dans la chaîne de valeur de l'industrie européenne des fonds. De ce point de vue, il apparaît logique que la préservation de la qualité du label UCITS donne lieu aujourd'hui à une réflexion approfondie sur les fonctions et les responsabilités du dépositaire. Mais il ne faudrait pas que l'inaction passée se transforme en précipitation. Penser que la sécurisation des actifs passerait par une obligation générale de restitution n'est ni sérieux ni réaliste.Pour quelles raisons ?La sécurité des avoirs confiés par le client ne relève pas des seuls actions et moyens du dépositaire. Il faut examiner l'ensemble des responsabilités en matière de risques non financiers, qu'il s'agisse de la société de gestion, des commissaires aux comptes, du prime broker et dans certains cas du valorisateur ou de l'administrateur. C'est la raison pour laquelle Edhec Risk, avec le soutien de Caceis, a entrepris une démarche de recherche approfondie sur la régulation et la gestion des risques non financiers dans l'ensemble de l'industrie européenne de la gestion d'actifs. Par ailleurs, le dépositaire ne peut être en situation d'exercer son obligation de restitution que pour des actifs dont il a réellement la garde ou le contrôle. Ce qui n'est pas toujours possible pour tous les actifs ou pour toutes les formes d'investissement. La France ne peut pas réclamer à Bruxelles une obligation générale de restitution et par ailleurs, et avec raison, organiser l'atténuation contractuelle de la responsabilité du dépositaire comme elle le fait pour les fonds Aria. Au final, le postulat selon lequel les investisseurs doivent être intégralement protégés contre le risque non financier peut conduire à des textes rassurants mais non applicables, qui peuvent rendre les investisseurs trop confiants et de ce fait accroître les risques pris.Cela ne va-t-il pas à l'encontre d'une réelle volonté des investisseurs, des sociétés de gestion et des régulateurs de faire en sorte qu'une contrepartie régulée apporte une garantie sur la bonne conservation des actifs et le respect de la réglementation ?Une bonne gestion des risques repose toujours sur un principe de subsidiarité. Celui qui est le plus proche des risques doit en assurer la gestion et en limiter, sinon en garantir, les conséquences négatives. Il serait inconcevable pour un assureur de ne pas être en mesure, par sa gestion actif-passif, de faire face à l'essentiel des risques qu'il assure. Ce n'est que d'une manière résiduelle qu'il fait appel à la réassurance ou qu'il compte sur ses fonds propres. Placer le banquier dépositaire dans une situation où il devrait assurer sans les maîtriser la bonne fin d'opérations sur des actifs qu'il ne conserve plus directement ou indirectement et qui peuvent être donnés en garantie dans des opérations dont il n'a pas connaissance l'obligerait à se doter de fonds propres très importants dont le coût impacterait fortement la performance des fonds conservés. Je ne suis pas sûr que les investisseurs soient prêts à payer le prix d'une telle sécurité.Est-ce à dire que l'épargnant doit se résoudre à être confronté à des risques non financiers élevés ?L'industrie de la gestion d'actifs se caractérise par un faible niveau de fonds propres réglementaires des prestataires. Cette situation particulière a permis non seulement de conserver un esprit entrepreneurial favorable à l'innovation et à l'apparition de nouveaux talents dans la gestion, mais aussi de développer un business model fondé sur des économies d'échelle et des volumes, notamment sur les fonctions de dépositaire. Exiger demain de ces prestataires un niveau de fonds propres leur permettant de faire face à la totalité des risques non financiers auxquels ils sont confrontés entraînera nécessairement un renchérissement des prix des services. Il semble peut-être plus raisonnable que, en lieu et place de cette garantie absolue, les investisseurs aient le choix entre différentes options de protection et donc de tarification de la couverture des risques non financiers. Cette approche, qui définit une responsabilité de l'investisseur final sur le niveau de risque non financier assumé par le fonds, suppose que celui-là soit bien informé sur ces risques et que la protection soit assurée. Dans cette perspective, il est à regretter que le projet de réforme du prospectus simplifié (« key information document ») ne comporte aucune disposition en matière de communication sur les risques non financiers du fonds et sur les garanties offertes.
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