Une plume contre la pollution

Entrepreneur et ingénieur formé à Polytechnique et au MIT, Romain Lacombe, 31 ans, a engagé un combat mondial : alerter sur les dangers de la pollution urbaine grâce aux données ouvertes, via sa startup Plume Labs.
Le jeune diplômé côtoie à Harvard les membres du Giec, prix Nobel collectif de la paix en 2007, et décide de rester aux États-Unis. Après une mission à la Banque Mondiale à Washington sur les droits d'émission de CO2, Romain Lacombe s'envole pour la Californie, épicentre de la révolution numérique qui commence.

« Alertez les bébés ! » chantait Jacques Higelin. Romain Lacombe, lui, veut alerter les citadins de tous âges et de tous pays sur le fléau de la pollution de l'air dans les agglomérations. Son arme : les données ouvertes (open data), publiques ou privées, et donc disponibles pour tous. Tandis que Plume Labs est une plateforme Web où l'on peut suivre la qualité de l'air dans 150 villes du monde et 20 françaises, l'application mobile Plume Air Report est disponible sur iOS, l'Apple Watch et Android. « L'impact de la pollution de l'air sur notre santé est énorme : vivre à Paris équivaut à six mois de vie en moins à cause des particules fines. Et le coût pour la société française ne l'est pas moins : le Sénat l'a évalué à 97 milliards d'euros », précise Romain Lacombe.

L'application permet de comprendre l'impact des principaux polluants - dioxyde d'azote (NO2), ozone (O3), particules fines (PM2,5 et PM10) - sur notre corps, et de se protéger grâce à des alertes personnalisées et des recommandations pour éviter la pollution. Par exemple, éviter de sortir les enfants en bas âge, de courir ou de se balader à vélo en cas de pic de pollution.

Autre outil développé par la startup : le Plume Air Cloud, une plateforme de données environnementales qui « collecte, agrège, normalise et prédit les niveaux de pollution dans les principales zones urbaines mondiales ».

L'Air Cloud collecte chaque jour plus d'un demi-million de données auprès de 11 000 stations de mesure de la pollution dans le monde, afin de suivre les niveaux de concentration en polluants dans 150 métropoles et 20 pays. Le credo de l'ingénieur devenu entrepreneur : la pollution est un ennemi invisible, mais nous pouvons le combattre.

Un passage au MIT

Avant de fonder la startup Plume Labs avec David Lissmyr, son associé et comparse du « groupe de colle » à Polytechnique - des étudiants préparant ensemble leurs oraux blancs en maths -, Romain Lacombe était déjà sensible à l'effet du réchauffement climatique. C'est aussi un utilisateur de technologie « qui a toujours aimé coder ».

Lorsqu'il arrive en 2006 au MIT (Massachussets Institute of Technology) pour faire de la recherche en économie de l'environnement, le jeune ingénieur des Ponts et chaussées a l'impression d'être chez lui :

«C'est un endroit absolument incroyable. Moi qui ai grandi avec un ordinateur entre les mains, des robots me disaient bonjour dans les couloirs. L'éducation scientifique que j'ai reçue en France trouvait là-bas des applications concrètes. Et c'était il y a dix ans ! ».

Le jeune diplômé côtoie à Harvard les membres du Giec, prix Nobel collectif de la paix en 2007, et décide de rester aux États-Unis. Après une mission à la Banque Mondiale à Washington sur les droits d'émission de CO2, Romain Lacombe s'envole pour la Californie, épicentre de la révolution numérique qui commence.


Mutation numérique

« À l'époque, Tesla faisait ses débuts, Facebook aussi, les Apple Store ouvraient partout », évoque le cofondateur de Plume Labs. Après un stage chez Palantir, spécialisée dans les mégadonnées, le jeune Parisien fonde à 23 ans sa première start-up, Focal Lab, dans la publicité mobile. Il en revend la technologie à une agence de publicité et en 2010 rentre au pays, nanti d'une bourse Fulbright accordée conjointement par le département d'État américain et le ministère français des Affaires étrangères. L'ingénieur du corps des Ponts cherche à concilier développement durable et secteur public. « On sentait que nous étions en pleine mutation numérique. Et que les données ouvertes représentaient un potentiel incroyable », évoque Romain Lacombe, qui intègre la mission Etalab, rattachée au cabinet du premier Ministre et chargée de créer un « portail unique interministériel des données publiques ».

Pas facile, face à des administrations peu habituées à l'ouverture : « Aucune ne voulait faire le premier pas », se rappelle le trentenaire, qui rédige un rapport sur les raisons de ces réticences à destination du ministère à l'Économie numérique. Il le publie en 2011 et va en faire la promotion dans les conférences consacrées au numérique : LeWeb ou TedX Paris Universités.

« Mais personne ne s'y intéressait vraiment, jusqu'au moment où Obama a fait de l'open gouvernement une de ses priorités », regrette Romain Lacombe.

Pionnier de la data française

Il participe ensuite à la création de la plateforme data.gouv.fr par Etalab, sur laquelle les administrations doivent publier les données collectées pour des missions de service public. Environnement, santé, sécurité : le site recueille « une manne d'informations qui pourraient être utilisées par des entrepreneurs pour développer des services », explique le polytechnicien. « Grâce aux données ouvertes, il apparaissait tout à coup possible de réinventer le service public. À partir des données de remplissage des Transiliens fournies par la SNCF, une startup a par exemple créé un programme d'intelligence artificielle pour prédire la fréquentation », illustre Romain Lacombe.

Joint à Boston où il recevait un des dix prix Innovators Under 35 décernés par la MIT Technology Review, le jeune entrepreneur prépare déjà un nouvel outil avec David Lyssmir : un capteur personnel nomade, permettant de mesurer le degré de pollution auquel une personne s'expose chez elle, à l'extérieur ou dans les transports.

Bon sang ne saurait mentir, dit l'adage. Un proverbe qui s'applique parfaitement au cofondateur de Plume Labs, dont les parents se sont rencontrés en Côte d'Ivoire, lors d'une mission d'aide au développement.

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