Friches industrielles : les avancées de la loi Duflot

La loi Alur prévoit de faciliter le recyclage de friches industrielles en projets immobiliers. Elle contient de vraies avancées, s'agissant de la reconversion de quelque 300.000 anciens sites en France. Par Grégory Gutierrez, Avocat, DS Avocats Département Droit de l'Environnement et Développement Durable

 Devant la multiplication des fermetures d'usines en France, l'article 84 bis de la loi ALUR s'empare de la problématique du recyclage des friches industrielles avec une ambition forte : transformer les pertes de l'industrie en gains immobiliers grâce à de nouveaux outils juridiques destinés à accélérer les projets immobiliers. Un tournant majeur qui pourrait faciliter l'arrivée de nouveaux acteurs là où la ressource foncière se fait de plus en plus rare. Décryptage des principaux apports de ce texte.

Financer la réhabilitation : le talon d'Achille de la politique française de gestion des sites pollués

Bien que banalisée, la pollution des sols en France reste un phénomène d'ampleur: on estime à 300 000 le nombre d'anciens sites industriels sur le territoire national (dont 257 000 officiellement recensés). Et il ne fait que croître au rythme des faillites (Pétroplus à Rouen, Goodyear à Amiens, …) avec une question fatale: qui devra payer la dépollution ?

En dépit de l'existence d'un cadre méthodologique officiel très élaboré en France, la fermeture d'une usine confronte l'industriel au problème incontournable du financement des mesures de réhabilitation. La fermeture de sites provoque la libération d'hectares entiers de ressources foncières, mais le poids de la pollution est parfois trop lourd. Aucun outil de financement dédié ne permet de résoudre le problème. Sans « tiers financeurs » permettant d'absorber le coût de la dépollution dans un projet immobilier, les reconversions de sites se retrouvent dans l'impasse.

La recherche des responsables se heurte aux limites du principe « pollueur-payeur »

Depuis la loi Bachelot du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques, les conditions de réhabilitation d'un site mis à l'arrêt dépendent étroitement de l'usage futur qui sera réservé à l'emprise foncière. La requalification des zones industrielles en zones plus sensibles (commerces, bureaux, logement, équipements publics, …) nécessite donc de gérer une pollution potentiellement coûteuse.

Dans la chaîne de production de l'immeuble, le principe pollueur-payeur ne permettra que rarement d'imposer à l'ancien exploitant industriel une prise en charge totale de la dépollution. Une fois l'usage de référence définitivement fixé, toute modification ultérieure requise pour les besoins d'un projet d'aménagement ou de construction ne sera plus du ressort de l'industriel.

A cette difficulté s'ajoute un cadre juridique instable et peu lisible, qui a eu pour effet de démultiplier le contentieux des ventes immobilières. Le processus de recyclage des friches s'en trouve d'autant ralenti.

Clarification des responsabilités à toute « ALUR »

Il était d'abord urgent de clarifier un cadre juridique devenu hautement complexe. En premier lieu, est instaurée une hiérarchie des personnes responsables de la pollution des sols afin de canaliser les actions contentieuses. Est ainsi responsable par priorité, l'ancien exploitant industriel à l'origine de la pollution du site. Pour les sols pollués par une autre origine, le responsable sera le producteur ou le détenteur des déchets ayant pu contribuer à l'origine de la pollution. A défaut, le propriétaire de l'assise foncière est présumé responsable à titre subsidiaire, sauf à établir qu'il est étranger à la pollution ou qu'il ne l'a pas permise par sa négligence.

Parallèlement, le maître d'ouvrage qui prendra l'initiative de changer l'usage d'un site réputé réhabilité par l'industriel engagera sa responsabilité. C'est typiquement la situation d'un aménageur qui cède un terrain comportant des droits à construire, ou d'un promoteur qui acquiert le foncier auprès de l'ancien exploitant industriel. Ils prendront en charge les études et mesures de gestion de la pollution appropriées et s'en justifieront par la remise d'une attestation établie par un bureau d'études certifié, jointe le cas échéant aux dossiers de demande de permis de construire ou d'aménager (lotissement).

Sécurisation des transactions immobilières

Une cartographie des zones polluées (« secteurs d'information sur les sols ») sera mise en place par les préfectures afin d'identifier les terrains où la connaissance de la pollution des sols justifie la réalisation d'études préalables ou de mesures particulières.

Ce zonage sera intégré dans les documents d'urbanisme et deviendra opposable à tout tiers souhaitant aménager ou construire. Les ventes ou locations de terrains situés dans ces zones seront accompagnées d'une obligation d'informer par écrit les acquéreurs et les locataires de la situation. Tout défaut d'information sera lourdement sanctionné (résolution du contrat, restitution d'une partie du prix ou du loyer, ou réhabilitation du terrain aux frais du vendeur).

La possibilité de confier la réhabilitation des friches à un « tiers financeur »

La loi ALUR vient légaliser une pratique contractuelle admise, mais rendue excessivement complexe où un tiers aménageur, promoteur, ou investisseur vient se substituer à l'ancien exploitant industriel pour réhabiliter le site. Le dispositif prévu sera de nature à rassurer le « tiers financeur » qui aura ainsi la maîtrise de la relation avec l'administration compétente sans requérir l'aide de l'industriel. Mais plusieurs conditions importantes sont exigées, dont la constitution de garanties financières couvrant le montant des travaux à réaliser.

Ce cadre légal ne se substituera pas totalement aux procédés contractuels déjà pratiqués. Il s'adressera d'abord aux acteurs spécialisés, tels que les aménageurs ou certains fonds dédiés.

Tous ces nouveaux outils conduiront à mettre en place des solutions innovantes et seront autant d'opportunités à saisir pour le marché de l'immobilier.

[1] Loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

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Commentaires 7
à écrit le 21/03/2014 à 14:20
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Des usines ferment, des immeubles poussent. Mais où est le travail pour les habitants.

à écrit le 21/03/2014 à 10:46
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encore un cout de pied dans le désert .tout les ans dans les déchetteries des milliers de tonne de plastique en tout genre sont enfouis et non retraiter , ainsi que d autre matières. pour ce qui est des friches ce sera la même chose faut il une lois...

le 21/03/2014 à 13:13
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Il faut séparer la pollution réelle par des agents notamment chimiques, de celles générée par les déchets inertes, donc non polluant sur le plan chimique (on parle de pollution visuelle ou odorante...) qui ne représente pas de danger. Les déchets ine...

le 22/03/2014 à 11:35
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D'accord pour les rails mais les traverses en bois de chemin de fer contiennent de la créosone qui n'est pas un produit très sympathique.

à écrit le 21/03/2014 à 10:30
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Il serait intéressant de connaitre la facture globale des 257000 sites répertorié concernant la dépollutions.A mon avis c'est du copieux.Votre article restitue bien la difficulté de la réhabilitation de sites industriels et des responsabilités des di...

le 21/03/2014 à 12:19
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Pollution aujourd'hui exportée....

le 22/03/2014 à 9:00
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hmhm c'est clair

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