La transition agroécologique sera collective, ou ne se fera pas !

OPINION. Face aux défis climatiques, la transition vers une agriculture plus respectueuse de l'environnement et de la biodiversité est impérative. Mais la crise agricole de ce début de 2024 nous l'a montré : cette charge immense ne peut reposer uniquement sur les agriculteurs et agricultrices. C'est une responsabilité collective, qui nécessite une approche collaborative de tous les acteurs de notre société, pour réussir ensemble cette transition vers un modèle plus durable et atteindre notre objectif commun de neutralité carbone en 2050. Par Mathieu Toulemonde, Fondateur d'Agoterra
(Crédits : DR)

L'agriculture joue un rôle primordial dans nos sociétés : garantir une alimentation saine, sûre et durable pour l'ensemble de nos concitoyens. À cela s'ajoute une charge nouvelle : contribuer à atténuer les effets du dérèglement climatique. Si les agriculteurs sont les premiers à en subir les conséquences, ils ont la capacité d'en diminuer les effets. Comment ? En opérant une transition vers un modèle agricole plus durable, moins émetteur de gaz à effets de serre et basé sur la régénération des écosystèmes naturels.

Le modèle agricole dominant, caractérisé par une dépendance excessive aux intrants chimiques, une monoculture intensive et une exploitation non-renouvelable des ressources naturelles, a conduit à une dégradation environnementale généralisée : pollution des sols, des cours d'eau et des écosystèmes, menace pour la biodiversité et la santé humaine. Ce modèle agricole intensif contribue, de plus, au dérèglement climatique, en émettant des quantités importantes de gaz à effet de serre. D'après l'ADEME, l'agriculture représente près de 20% des émissions de gaz à effet de serre françaises.

Face à ce constat, l'agroécologie est une alternative qui a fait ses preuves sur le plan agronomique, comme le montrent plusieurs études de l'INRAE. En plus de réduire l'empreinte environnementale de l'agriculture, elle favorise la résilience des écosystèmes, la régénération des sols et la préservation de la biodiversité, faisant des sols agricoles de véritables puits de carbone. Par la diversification des cultures et la relocalisation des productions, elle contribue également à la sécurité et à la souveraineté alimentaire des territoires. Enfin, elle permet de revitaliser les zones rurales, en créant des emplois locaux et en améliorant la santé des agriculteurs et des consommateurs.

Mais, pour porter ses fruits, cette transition vers des pratiques agroécologiques ne peut pas rester le combat de quelques agriculteurs militants ni être imposée aux autres moins convaincus. Elle doit être adoptée collectivement par l'ensemble de la société, des agriculteurs aux consommateurs, en passant par les décideurs politiques et les entreprises qui ont un lien direct ou indirect avec cet amont agricole. C'est un mouvement de fond à opérer tous ensemble !

La force de l'engagement collectif

Mais comment enclencher cette dynamique collective ? Tout d'abord, en soutenant les agriculteurs et agricultrices dans leur transition vers des méthodes de production plus durables, en leur donnant accès à des formations adéquates, des financements à la hauteur des enjeux et des infrastructures appropriées.

Les gouvernements doivent élaborer des politiques et des réglementations - harmonisées au niveau européen - qui favorisent l'agroécologie et découragent les pratiques agricoles nuisibles à l'environnement et à la biodiversité. Ainsi, la prochaine réforme de la Politique agricole commune (2028-2034) doit être cohérente avec les objectifs du Green Deal européen et favoriser l'agroécologie, avec, par exemple, un système de paiements basés sur les résultats environnementaux des exploitations agricoles.

D'autre part, il est essentiel d'étendre la contrainte normative à l'ensemble de la chaîne de valeur agricole, des industries de transformation aux distributeurs. Les entreprises de l'agroalimentaire, mais aussi de tout autre secteur ayant un amont agricole, doivent revoir leurs chaînes d'approvisionnement et leurs pratiques commerciales pour promouvoir des produits issus de l'agroécologie. Les consommateurs, de leur côté, ont un rôle crucial à jouer en faisant des choix éclairés pour soutenir les agriculteurs et les entreprises engagés dans des pratiques durables.

Coopérer pour diminuer le risque : le levier du carbone

Toute transition vers un nouveau modèle comporte des aléas et donc des risques. Partager la prise de risque et créer un environnement favorable à l'adoption généralisée de pratiques agricoles plus durables est essentiel pour garantir son succès. Cela implique d'identifier ces risques et de développer des mécanismes collectifs pour les atténuer, tels que le développement de la recherche sur les pratiques et technologies agroécologiques, les assurances agricoles ou encore le partage du risque financier par la contribution des entreprises.

La contribution des entreprises à la transition agroécologique peut notamment se faire grâce au mécanisme des crédits carbone agricoles. L'équivalent carbone est une donnée mesurable et les co-bénéfices des pratiques agroécologiques mises en place pour réduire l'empreinte carbone d'une exploitation agricole sont nombreux. En 2019, l'État français a créé le label « Bas Carbone » pour certifier les projets qui ont un impact positif pour le climat.

Mais aujourd'hui, selon l'ADEME, moins de 1% des projets de contribution carbone des entreprises vont vers l'agriculture, alors que c'est un véritable levier de changement collectif, ancré dans leur territoire, mais aussi dans leur chaîne de valeur. Il est donc nécessaire de reconnecter le monde de l'entreprise et celui de l'agriculture, pour mieux comprendre nos enjeux respectifs, partager les risques et développer des projets d'agriculture régénératrice sur nos territoires.

C'est toutes et tous ensemble que nous réussirons la transition écologique de notre modèle agricole vers un futur fertile et bas carbone !

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