La réputation de la médecine française, de ses universités, de ses hôpitaux et de son dispositif de sécurité sociale est depuis longtemps une référence et, indirectement, une source puissante de crédibilité et d'influence pour l'Hexagone sur la scène internationale. On considère d'ailleurs que le concept de « couverture sanitaire universelle » (pensé comme un accès équitable aux services de santé, visant l'éradication des barrières financière, sociale ou juridique pour que tous aient accès à la prévention et aux soins) est en grande partie inspiré de ce modèle.
L'exemplarité du système de santé français est pourtant, aujourd'hui, largement mise à mal. Le système de santé français ne serait d'abord plus une référence en termes de qualité. Depuis la crise du Covid-19, les fragilités d'un système jusqu'alors considéré comme solide sont apparues au grand jour : crise de l'hôpital, dégradation des conditions de travail, déserts médicaux, poids des lobbys, insuffisance des politiques de veille, de surveillance et de prévention. Si la pénurie des professionnels de santé est quasi universelle, elle est particulièrement vive en France, marquée par la souffrance au travail, le manque d'attractivité et la crise des vocations du secteur de la santé.
Il n'est pas certain que la nomination d'un émissaire, chargé de « réarmer le système de santé » en allant chercher des médecins à l'étranger, comme l'a annoncé Gabriel Attal lors de son discours de politique générale, redore l'image de notre système de santé à l'international, risquant de positionner la France comme l'un de ces pays riches qui viennent « piller » les professionnels de santé des pays à revenu limité.
Le système de santé français ne serait ensuite plus un modèle en termes de souveraineté. Au-delà des problèmes d'approvisionnement en masques, en équipements de protection individuelle ou en médicaments pendant la crise du Covid-19, les tensions d'approvisionnement et pénuries de médicaments sont de plus en plus nombreuses en France, et touchent l'ensemble des problèmes de santé (hypertension, cholestérol, diabète, épilepsie, insuffisance rénale, hémophilie, avortement, etc.). En 2023, l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a comptabilisé 4.925 signalements de médicaments en risque de tension ou de rupture d'approvisionnement, montrant la fragile autonomie de notre dispositif national.
Surtout, notre système de santé ne serait plus un repère en termes de solidarité et d'équité. Ce, depuis la remise en question de l'aide médicale d'Etat par la loi immigration du 26 janvier 2024 : les étrangers en situation irrégulière ne peuvent plus bénéficier de la couverture maladie que sous certaines conditions très précises, de ressources et de résidence. Au-delà de son impact négatif (sanitaire, économique, politique, moral), cette décision remet en question ce qui faisait la particularité du modèle français : son attention aux plus vulnérables, son caractère protecteur, sa dimension inclusive. Ces nouvelles dispositions légales diminuent clairement la portée des prises de positions de la France sur la scène internationale lorsqu'elle dit défendre une certaine vision de la santé, des valeurs de solidarité ou l'importance des droits humains.
Enfin, le principe même d'un modèle de santé français est, aujourd'hui; remis en question. La France est perçue dans une grande partie du monde comme le fer de lance d'un bloc (occidental) qui défend ses privilèges. Un nombre grandissant de pays, notamment ceux anciennement colonisés, dont les systèmes de santé ont été très largement organisés en déclinaison du système français, appellent, aujourd'hui, à sortir des rapports de domination et à fixer, par eux-mêmes l'agenda, les normes et les modèles de santé de demain.
Si les systèmes de santé projettent quelque chose des idéaux, des représentations, des valeurs de leurs pays respectifs, alors, on peut dire, qu'aujourd'hui, le système de santé français ne fait plus vraiment rêver le monde.
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