Bouygues Telecom à l’offensive sur le marché des entreprises

Alors que le marché des télécoms professionnelles est encore largement dominé par Orange, François Treuil, le directeur général de l’activité "Entreprises" de l’opérateur de Martin Bouygues, estime qu’il a une carte à jouer. À ses yeux, le groupe, qui dispose d’une bonne part de marché dans le mobile, a désormais les moyens de se développer dans l’Internet fixe. Sur ce créneau, à côté des grands groupes, il cible en particulier les PME.
Pierre Manière
François Treuil dirige la branche dédiée aux entreprises de Bouygues Telecom.
François Treuil dirige la branche dédiée aux entreprises de Bouygues Telecom. (Crédits : DR)

Il lorgne une plus grosse part du gâteau des télécoms professionnelles. À la tête de l'activité "Entreprises" de Bouygues Telecom, François Treuil estime que l'opérateur a la possibilité de grandir sur ce marché. Pour y arriver, il table sur l'amélioration de la qualité de service. À ses yeux, les abonnements et services télécoms professionnels ne sont plus, « de manière générale et sur l'ensemble du secteur », raccords avec les attentes et les besoins des entreprises.

« Cela fait dix ans que je travaille sur ce marché, affirme-t-il. J'ai vu les attentes des clients évoluer constamment, ils sont de plus en plus exigeants. Ce qui était encore tolérable il y a trois ans ne l'est plus aujourd'hui. On ne peut plus arrêter une chaîne de production pendant 20 minutes parce que la fibre a lâché. Idem pour les commerces et magasins dont tous les systèmes de paiement par carte bancaire reposent sur les télécoms... »

Ce contexte, François Treuil le perçoit comme une opportunité. Sachant que sur le marché des télécoms pour les entreprises (qui pèse un peu moins de 10 milliards d'euros selon l'Arcep, le régulateur du secteur), Bouygues Telecom est un acteur encore modeste. L'opérateur de Martin Bouygues disposerait, selon nos informations, d'une part de marché avoisinant les 5%, contre 20% pour SFR et surtout 70% pour Orange, qui le domine dans les grandes largeurs. Aux dires de François Treuil, miser sur la qualité de service doit lui permettre de conquérir des abonnés. Cette politique concerne, selon lui, toutes ses offres, à différents niveaux.

« Nous avons, par exemple, développé une GTR [pour Garantie de temps de rétablissement, c'est-à-dire le temps nécessaire pour rétablir une ligne qui ne marche plus, Ndlr] de 4 minutes seulement, dit-il. Pour y arriver, sur certaines offres, nous associons un routeur 4G à un routeur Cisco standard. En cas de défaillance de l'accès, le routeur Cisco bascule immédiatement l'accès sur le routeur 4G, et prévient les services techniques. »

Ainsi, malgré la panne, le client conserve une connexion Internet le temps d'envoyer un technicien pour réparer la ligne.

Les PME en ligne de mire

François Treuil explique que le groupe a aussi développé un bouton de SAV connecté.

« En cas de problème, le patron d'une PME ne perd pas de temps à retrouver le numéro de la hotline, explique-t-il. Il appuie sur le bouton. Les techniciens sont alertés, et reçoivent immédiatement un premier diagnostic de la panne. Ce qui permet, in fine, de régler les problèmes beaucoup plus rapidement. »

Autre exemple ?

« Quand nous améliorons les communications mobiles à l'intérieur d'un bâtiment, nous conseillons à nos clients d'opter pour une couverture multi-opérateurs, poursuit François Treuil. Cela complique nos négociations parce que c'est plus coûteux. Mais les collaborateurs de nos clients, comme leurs visiteurs, ne sont pas tous chez Bouygues. Ils ne comprendraient pas qu'un seul réseau fonctionne correctement. »

Pour doper son activité, Bouygues Telecom, qui est un acteur important sur le mobile - un marché difficile car globalement en décroissance et marqué par d'importantes guerres de prix -, veut se renforcer dans l'Internet fixe. Pour y gagner des clients, l'opérateur mène une stratégie sur deux axes. Primo, Bouygues Telecom, qui affirme facturer un tiers des grands groupes et des entreprises de taille intermédiaire dans le mobile, cherche à tirer profit de cette base de clients pour leur vendre de l'Internet fixe. Secundo, l'opérateur veut séduire les PME. Ici, il mise sur le fait que la fibre est de plus en plus accessible, et sur des services innovants, à l'instar, par exemple, des projets de communication unifiée.

Une régulation favorable

Pourquoi Bouygues Telecom mène-t-il maintenant cette offensive dans l'Internet fixe ? Premièrement parce que son réseau, ses infrastructures, s'étendent.

« En France, nous sommes en train de fibrer nos 18.000 relais radios [les tours de téléphonie mobile, Ndlr] en prévision de la 5G, explique François Treuil. Nous sommes en mesure d'apporter une connexion à toutes les entreprises qui se situent à moins de 300 mètres de ce tracé. »

La seconde raison, c'est que l'Arcep, qui souhaite en finir avec le monopole d'Orange sur le marché professionnel, a récemment obligé l'opérateur historique, partout où il déploie sa fibre grand public, à proposer une offre de gros destinée aux entreprises. Celle-ci est accessible aux opérateurs alternatifs. Elle permettra à Bouygues Telecom de servir les PME là où il ne dispose pas encore de fibre, essentiellement dans certaines villes moyennes et zones peu denses.

Lire aussi : Télécoms: le régulateur veut "secouer le cocotier" sur le marché des entreprises

En parallèle, Bouygues Telecom met les bouchées doubles dans le digital. Son ambition : permettre aux entreprises de commander et de gérer en ligne un maximum de services. Cette politique est, selon François Treuil, « à la fois offensive et défensive ». Il s'agit non seulement de se doter d'un nouveau levier pour gagner des fidèles, mais aussi de se préparer, possiblement, à l'arrivée de Free sur le marché des télécoms professionnelles.

« Free a indiqué qu'il pourrait arriver en 2020, rappelle François Treuil. Si c'est le cas, il y a de fortes chances qu'il opte pour une offre différenciante en misant énormément sur le Web, étant donné qu'ils n'ont que peu de commerciaux, et pas de boutiques. »

Alors que dans les télécoms grand public, la bataille fait rage entre les grands opérateurs, celle pour les télécoms professionnelles s'annonce, à moyen terme, pour le moins animée.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 05/11/2018 à 19:14
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c'est rare les gens qui font du marketing et ecoutent leurs clients! au moins il a compris les enjeux! payer moins, tout le monde veut ca, et si votre usine s'arrete, c'est juste la catastrophe ( bon c'est pas le cas dans les administration ou ca p...

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