"Aujourd'hui, la priorité, c'est l'emploi, l'emploi et l'emploi"

Pragmatique, le patron de la métallurgie française cultive sa différence avec le Medef.

L'industrie est le premier secteur touché par la crise économique. L'Etat doit-il aller plus loin dans ses mesures de relance ?

Les mesures de relance ne vont produire leurs effets que progressivement. Il est inutile de vouloir ajouter une couche par-dessus une couche. Par exemple, dans l'automobile, la prime à la casse a généré 10 et 15% d'activité supplémentaire Elle permet progressivement d'améliorer le flux de commandes. Le nombre d'immatriculations va commencer à monter. S'y ajoute la transformation, souhaitée, de la structure de la demande: les gens achètent des voitures qui émettent moins de CO2.

 

Avec un transfert vers des lieux de production hors de France...

Non: quand PSA vend une voiture «prime à la casse», dans 70% des cas, elle est produite en France  les 207 à Poissy, les C3 à Aulnay, les 308 à Sochaux, la C4 à Mulhouse. Seules quelques 207 sont fabriquées en Slovaquie.

 

A défaut d'un autre plan de relance, que demandez-vous ?

Agir encore plus vite et fort pour l'emploi. Les entreprises ont enregistré 20, 30, 40% de baisse d'activité. Il faut donc que l'Etat, les partenaires sociaux, les chefs d'entreprise s'engagent pour que l'essentiel de l'effort porte sur l'emploi. Par exemple, l'UIMM a proposé dès le début des dispositifs de chômage partiel plus longs, mieux pris en charge, combinés avec de la formation quand c'est possible.

 

Qui pourrait concerner aussi les cadres ?

Oui, mais je pense surtout aux jeunes, qui représentent une part non négligeable des CDD et des intérimaires, premiers touchés par la crise. Il faut donc regarder comment les aider à passer ces difficultés, avec les contrats de professionnalisation et l'apprentissage.

 

Laurent Wauquiez a présenté un bilan d'étape de toutes les mesures mises en place. Ne faut-il pas attendre qu'elles produisent leurs effets ?

La première urgence c'est de traduire dans la réalité les conventions pour l'automobile ainsi que les mesures avancées lors de la réunion du 18 février comme le fonds d'investissement social. Les chefs d'entreprise ne peuvent pas attendre. Dans un mois, c'est trop tard. Pourtant nous travaillons déjà avec les partenaires sociaux et le gouvernement pour essayer d'aller au-delà des dispositifs actuels de chômage partiel. Nous sommes notamment en train d'imaginer des dispositifs de cessation temporaire d'activité, sur des durées peut-être encore plus longues.

 

Qu'entendez-vous par cessation temporaire d'activité ?

L'idée est la suivante: une entreprise viable se trouve avec un plan de charge très affaissé sur les quatre mois à venir. Elle n'a même pas de quoi financer le chômage partiel. Si elle licencie, elle perd ses compétences. Et c'est un drame pour le salarié: briser le lien avec l'entreprise rend beaucoup plus difficile le retour à l'emploi. Le dispositif de cessation temporaire d'activité permettrait à l'entreprise de se situer à un horizon plus lointain et d'améliorer les compétences de ses salariés.

 

Avez-vous d'autres propositions ?

Avec notre réseau territorial très développé, nous pouvons identifier les entreprises qui ont encore des besoins de main d'?uvre et celles qui n'ont pas envie de se séparer de leurs salariés et imaginer que ces derniers vont temporairement dans une autre entreprise. Nous examinons comment mettre cela en ?uvre au niveau de la branche. C'est naturel, car les entreprises de la branche exercent des métiers communs. Cela pose quelques problèmes juridiques: le prêt de main-d'oeuvre n'est pas si facile.

 

La crise a montré les vertus de l'annualisation, des RTT...

Si une entreprise est confrontée à une baisse d'activité très importante, il est logique qu'à l'intérieur de l'entreprise, les gens se posent le problème de l'arbitrage entre temps de travail, salaire et emploi. Mais il ne faut pas essayer de résoudre cette question au niveau national en disant: «C'est comme ça pour tout le monde». Cet arbitrage, vital pour les salariés et l'entreprise, doit être négocié par un bon dialogue social à l'intérieur de l'entreprise.

 

Donc, les RTT peuvent être un amortisseur de la crise...

Bien entendu. D'ailleurs, elles sont utilisées à plein par tous ceux qui peuvent le faire et ce, avec généralement l'accord des salariés.

 

Sur l'accès au crédit, avez-vous le sentiment qu'en France, on est revenu à une situation un peu plus sereine qu'il y a quelques mois ?

Un peu plus sereine, oui. Mais pas au niveau souhaité, notamment parce qu'il reste des problèmes avec les assureurs crédit. C'est très dommageable parce que certaines entreprises ne parviennent plus à financer le peu d'activité qu'elles peuvent avoir. Du côté bancaire proprement dit, il existe encore des difficultés: les garanties sont plus importantes, les préavis plus courts.... Mais ce n'est plus l'essentiel.

 

Reprenez-vous à votre compte le credo de Laurence Parisot sur la baisse des charges ?

Aujourd'hui, il faut s'occuper de l'emploi, de l'emploi et de l'emploi. Mais on ne peut pas le nier, nous avons un dispositif de taxation en France qui pénalise les entreprises. Entre une entreprise de la métallurgie française qui se compare à son homologue allemande il y a une différence de 8 à 9 points de marge potentielle. Donc c'est un vrai sujet, mais ce n'est pas la priorité d'aujourd'hui. Sur ce point la suppression de la taxe professionnelle est une bonne chose.

 

Le gouvernement souhaiterait encadrer la rémunération des dirigeants qui utilisent des mesures de chômage partiel ou en tout cas pour ceux qui licencient massivement. Cela vous paraît-il légitime ?

Penser qu'on va, au niveau national, mettre une norme sur les plafonnements des rémunérations, et l'appliquer depuis la plus petite entreprise à la plus grande, ce n'est pas judicieux. En revanche, il est compréhensible de discuter de contreparties lorsque l'Etat ou une collectivité publique travaille avec une entreprise pour l'aider.

 

Le 19 mars, les syndicats mobilisent à nouveau. Comment analysez-vous le climat social?

La situation économique et sociale très difficile. Il est donc logique que les partenaires sociaux se mobilisent pour essayer de trouver des solutions. Ma conviction est que c'est par un dialogue social abondant que nous y arriverons. A l'UIMM, nous nous sommes mis autour de la table, dès septembre, pour identifier les grands problèmes auxquels nous allions être confrontés dans l'année 2009. Evidemment, l'emploi est sorti tout de suite. Qu'il y ait beaucoup de monde le 19 ou pas, le 30 mars, lors de notre prochaine séance de négociations, nous nous retrouvons pour essayer de trouver les solutions pratiques applicables à notre branche professionnelle.

 

Craignez-vous des conflits violents dans les entreprises?

C'est toujours une crainte quand il y a des difficultés dans un grand nombre d'entreprises et avec, une multiplication des conflits. Nous essayons tous d'éviter que les choses tournent mal.

 

Dans ce contexte, proposer de modifier la législation sur le licenciement économique vous paraît-il judicieux ?

Ce n'est pas l'urgence d'aujourd'hui. Si les discussions sur la modernisation du marché du travail reprennent, il faudra commencer par chercher les bonnes solutions aux problèmes d'emploi auxquels nous sommes confrontés actuellement. Certaines sont déjà mises en ?uvre. Si l'on veut aller plus loin, il faut en discuter aussi.

 

Faut-il aussi moderniser le paritarisme ?

Dans notre pays, la régulation sociale doit passer par le dialogue social. Nous avons besoin de corps intermédiaires efficaces. Pour ce faire, il faut un paritarisme de décision et un paritarisme de gestion. Cela supposer de moderniser sa gouvernance: la façon dont les mandataires sont désignés et travaillent et la transparence de sa gestion. C'est un vrai chantier. Nous trouverons les interlocuteurs pour le mener, car les organisations de salariés et celles des chefs d'entreprise ont envie d'avancer là-dessus, profitons de ce moment privilégié


Et aussi parce qu'il en va de leur représentativité et de leur crédibilité...

Nous sommes dans une phase nouvelle où, effectivement, pour peser dans la discussion, il faut convaincre les salariés de vous suivre. C'est bien au c?ur de chaque établissement, de chaque entreprise, de chaque branche, que cette représentation sera appréciée. Le taux de syndicalisation sera supérieur à ce qu'il est aujourd'hui parce que les syndicats démontreront tous les jours qu'ils sont utiles aux salariés, qu'ils gèrent bien les affaires communes des salariés. C'est cela qui leur permettra de gagner de l'audience.


Les deux derniers accords sur l'assurance chômage et la formation professionnelle vont-ils dans le bon sens ?

Oui, ils peuvent tout de suite être utilisés pour résoudre une partie des problèmes urgents. Le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, issu de l'accord formation professionnelle peut tout de suite être activé. Nous avons réussi à dégager plusieurs centaines de millions d'euros pour pouvoir, dès 2009, aider plus spécifiquement les demandeurs d'emplois et les salariés les moins qualifiés.

 

Vous serez réélu président de l'UIMM le 18 mars puisque vous êtes le seul candidat...

Je suis le seul candidat, mais pas parce qu'on s'est organisé pour que je sois le seul candidat ! Quand j'ai été élu en décembre 2007, c'était extrêmement tendu. Mais dès ma candidature, j'avais dit ce que nous allions faire. Et nous l'avons fait, tous ensemble. Il nous reste beaucoup à faire et tout le monde souhaite avoir la continuité pour les trois ans à venir.

 

Quels projets allez-vous présenter ?

J'ai trois chantiers prioritaires. D'abord, en septembre 2008, nous nous sommes dotés de projets visant à aider les entreprises à gérer un certain nombre de problèmes grâce à nos réserves. Deuxième sujet, les compétences. Nous avons la chance d'avoir un réseau sur l'ensemble du territoire, mais nous ne pouvons pas avoir partout tout le monde hyper compétent sur tous les sujets. Il faut nous organiser en réseau pour qu'une entreprise, où qu'elle se trouve, s'adresse à sa chambre et trouve la réponse à son problème. Le troisième chantier, très avancé, c'est la définition des valeurs, des ambitions, de la stratégie et des plans d'action de l'UIMM.

 

Et l'extension du champ de l'UIMM sur l'économie ?

Notre première ambition est d'être le référent social de l'industrie. Mais nous voulons aussi contribuer au développement de la compétitivité des entreprises industrielles, en général. Cette ambition peut aller jusqu'à intervenir dans les débats économiques et proposer à nos chefs d'entreprise un guichet unique où ils puissent trouver les réponses aux problèmes qu ils se posent.

 

Qu'en est-il des engagements pris en mai 2008 sur l'utilisation de la caisse noire de l'UIMM ?

Je n'ai sûrement pas dit «caisse noire de l'UIMM» en mai 2008 ! Il n'y a pas de caisse noire, il y a des réserves. Nos comptes sont parfaitement transparents. Nous allons certifier nos comptes 2008 non seulement pour la partie nationale, mais aussi pour l'ensemble des organismes satellites de l'UIMM au niveau national. En septembre 2008, le conseil a décidé ce que nous ferions avec nos réserves. Cela fait entre 30 et 35 millions d'euros par an sur cinq ans, donc 150 à 175 millions d'euros. Nous avons retenu six chantiers, parmi lesquels figure l'attractivité de nos métiers et la communication. Nous avons des dizaines de milliers d'embauches à réaliser tous les ans. Nous en avons fait 115.000 l'année dernière, nous tablons sur 80.000 cette année. Nous voulons contribuer à convaincre les candidats de nous rejoindre. Deuxième chantier, une fondation qui traite des sujets d'insertion pour aider les personnes à venir dans nos métiers, y compris celles en difficulté d'insertion.

 

Quand sera-t-elle créée ?

Je suis tributaire des procédures. Nous avons entre douze et dix-huit mois pour le faire. Mais comme nous disposons des financements, nous ne sommes pas obligés d'attendre. Par exemple, un certain nombre de projets communs avec Martin Hirsch vont pouvoir voir le jour dès maintenant. De même, nous n'attendons pas pour avancer les projets facilitant les relations entre les entreprises et les universités qui relèveront aussi d'une Fondation.

Autre projet, la solidarité professionnelle. Au fond, un organisme comme l'UIMM existe principalement pour mettre en ?uvre cet objectif. Nous nous sommes dotés d'un dispositif large pour aider nos adhérents à traiter des événements imprévus - grèves, casse d'outil, défaillance brusque d'un fournisseur... Nous avons aussi créé un fonds de développement de 50 millions d'euros pour aider nos entreprises à grandir. Enfin, nous avons envie de financer un vrai « think tank » sur les sujets industriels généraux français.

 

Quelles sont vos relations avec le Medef, aujourd'hui ?

Celles d'un adhérent important, peut-être le plus important, du Medef. Il est donc naturel que nous ayons des relations étroites avec le Medef. De plus en plus, me semble-t-il, notre expertise est prise en compte au niveau interprofessionnel et c'est bien. Cela a été illustré par le fait que Jean-François Pilliard ait été chef de file dans la négociation formation professionnelle. Même chose quand il s'est agi de parler de pacte automobile. Très naturellement, c'est l'UIMM qui a été la partie patronale de ce dispositif. Du fait de notre expertise, de nos idées innovantes, il est logique que le Medef s'appuie sur nous.

 

Les derniers épisodes judiciaires, notamment l'annonce de Laurence Parisot qu'elle fait appel à la suite de sa plainte en diffamation, ne vous gênent-ils pas ?

Depuis mon élection, ma position de principe est que ces sujets là ne sont pas la préoccupation essentielle de l'UIMM d'aujourd'hui et encore moins de l'UIMM de demain. Un juge est saisi, il instruit... Ma préoccupation est d'avoir une UIMM forte, engagée au service de ses adhérents pour traiter les sujets que j'ai évoqués.

 

Laurence Parisot fera-t-elle une bonne présidente du Medef dans son deuxième mandat ?

Ce n'est pas la question du jour. Quand la question se posera, nous y répondrons.

 

Justement, la question du jour est d'instaurer des relations normales de négociation avec les partenaires sociaux. Les positions de Laurence Parisot en ce moment vous paraissent correspondre à cet objectif ?

Dans les circonstances actuelles, franchement, ce dont les entreprises n'ont vraiment pas besoin, c'est que les organisations représentant les chefs d'entreprise se bagarrent entre elles. Nous essayons de faire valoir notre point de vue. Quand il est différent, nous discutons... Mais nous avons autre chose à faire que de créer des conflits.

 

Il ne s'agit pas de créer des conflits, mais d'une expression publique incarnée par Laurence Parisot...

Pour l'interprofessionnel, c'est certain. Pour l'UIMM, non. L'UIMM a un discours propre, lorsqu'elle a des positions concernant sa branche. Quand, le 30 mars, nous allons nous réunir avec l'ensemble des organisations syndicales pour traiter des problèmes d'emploi, chômage partiel, mobilité, égalité hommes-femmes, c'est l'UIMM qui le fera.

 

Donc avec des positions un peu moins tranchées...

Parfaitement claires.....sur d'autres sujets.

 



 

Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Quelle blague! La priorité, c'est de trouver des consommateurs, qui, par leur demande, créeront l'emploi.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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" Il saute comme un cabri en criant " l'emploi, l'emploi, l'emploi ! " Signé : Général de Gaulle

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