Les juges anti-Sarkozy optent pour la grève du zèle

La fronde des magistrats contre les critiques du chef de l'Etat prend un tour nouveau. A compter de ce mardi, les juges ne reporteront plus les audiences mais cesseront de se montrer conciliants sur certaines règles au risque de rallonger les délais.
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Les magistrats s'apprêtaient mardi à arrêter leur grève des audiences provoquée la semaine dernière par les propos de Nicolas Sarkozy sur le meurtre de Laëtitia Perrais, mais entendent faire la grève du zèle.

Ce mouvement sans précédent a été déclenché par des déclarations de Nicolas Sarkozy évoquant des fautes dans le suivi de Tony Meilhon, principal suspect de ce crime. Le ministre de la Justice, Michel Mercier, a exclu lundi des sanctions contre les magistrats, sans toutefois épargner les services de probation chargés du suivi du suspect.

Des assemblées générales sont prévues dans toutes les juridictions du pays, notamment à Paris, d'ici à jeudi. Les syndicats de magistrats appellent à appliquer strictement les règles pour illustrer le manque de moyens de la justice.

"Il s'agit de dire que le ministère n'assume pas ses responsabilités, et que les réponses annoncées hier sont dérisoires, on veut rester solidaires pour rendre une justice de qualité", a dit à Reuters Virginie Duval, secrétaire générale de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).

Aucune audience ne sera plus tenue sans greffier et les tribunaux ne siégeront plus jusqu'au milieu de la nuit, suivant en cela à la lettre une circulaire de 2001 jamais respectée, limitant normalement la durée des audiences à six heures d'affilée et huit heures par jour.

Par ailleurs, les syndicats de magistrats appellent toutes les juridictions à rédiger des "cahiers de doléances" pour consigner tous les problèmes auxquels elles sont confrontées. Le syndicat CGT des agents de probation a par ailleurs protesté mardi contre l'annonce par le ministre de la Justice de poursuites disciplinaires visant ses responsables nantais pour la gestion jugée fautive du dossier de Tony Meilhon.

Ces agents seraient seuls visés, puisque Michel Mercier a annoncé lundi aux syndicats avoir renoncé à toute sanction contre les magistrats, la police et la gendarmerie.

Samuel Azé, responsable national pour la CGT de la probation, juge par nature incongrue toute sanction concernant un service qui, comme celui de Nantes, gère 3.443 ex-détenus de Loire-Atlantique avec 17 agents. "Il n'y a rien de tangible qui pourrait constituer une faute. Les éléments qui sont évoqués sont très fragiles et très confus", a-t-il dit à Reuters.

Les poursuites sont pour lui une échappatoire pour le pouvoir politique. "En réalité, personne ne parvient à justifier que les services d'insertion et de probation ne soient pas en capacité d'assumer la charge qui leur est confiée", a-t-il dit.

Tony Meilhon est sorti de prison en février 2010 après avoir purgé en intégralité et durant onze ans des peines pour 13 condamnations pour des délits et un viol sur un codétenu. Il devait en théorie respecter une "mise à l'épreuve" dans le cadre d'une dernière condamnation pour outrage à magistrat.

Avec l'accord des hiérarchies judiciaires et administratives, ce suivi n'a pas été mis en oeuvre faute d'effectifs, comme pour 817 autres détenus en Loire-Atlantique, a montré l'inspection rendue publique lundi.

Les inspecteurs ont estimé que la mise à l'écart du dossier Meilhon résultait d'une erreur d'évaluation de son profil, car un juge avait présenté son dossier comme urgent et un agent probatoire l'ayant suivi en détention avait préconisé un "suivi psychologique" renforcé.

Le rapport d'inspection relève donc un problème de "coordination". La CGT répond que cette situation n'a rien d'atypique. "Des profils comme Tony Meilhon, il en sort de la prison de Nantes cinq par jour", dit Samuel Azé.

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