Les emprunts parisiens, précurseurs de l'appel à l'épargne populaire

D'abord utilisées par les rois de France, les obligations parisiennes sont devenues au XIXe siècle une des références du portefeuille des épargnants français.
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L'appel à l'épargne populaire des collectivités locales a, en France, une longue histoire. Du moins, à Paris. Sous l'ancien régime, les « rentes sur l'Hôtel de Ville » ont même constitué le premier pas des emprunts publics. La municipalité parisienne n'était cependant alors qu'un intermédiaire entre le Roi et les épargnants. La Couronne récupérait les sommes levées par Paris lors de l'émission des rentes et assignait, en théorie, une partie de ses revenus fiscaux à l'Hôtel de Ville pour le paiement des « arrérages », autrement dit du revenu perçu par les rentiers. La première rente de ce type fut émise en 1522.

À partir des années 1670, les emprunts parisiens devinrent la source principale de la dette royale. En tant qu'émetteur, fut-ce pour le compte royal, la Ville de Paris, était alors chargée du paiement des arrérages, qui avait lieu dans un bureau de l'Hôtel de Ville, et du contrôle des titres qui était soumis au droit parisien. Les bourgeois parisiens et l'aristocratie de robe étaient très friands de ces rentes parisiennes.

À une époque où le prêt à intérêt restait, pour des raisons religieuses, peu répandu, les produits d'épargne étaient rares. Mais Paris n'avait guère de maîtrise sur les recettes censées lui permettre de payer les rentiers. Lorsque le Roi était gêné, il ne versait pas à la municipalité parisienne les fonds nécessaires au paiement des arrérages. Lesquels étaient alors repoussés puis, souvent, annulés. Toute l'histoire financière du XVIIIe siècle se résume à une suite de ces petites banqueroutes. Au point qu'à la fin de ce siècle, l'État ne peut plus guère recourir à la rente parisienne pour se financer, plus personne ne souhaitant y participer. Cet assèchement du marché parisien de la dette va contraindre l'État à trouver d'autres sources de revenus. C'est d'ailleurs pour ce motif que le roi convoque, le 5 mai 1789, les États Généraux, point de départ de la révolution française.

Concurrence de la rente d'État

La chute de l'ancien régime met fin à ce système. Mais au début du XIXe siècle, la Préfecture, qui détient désormais le pouvoir exécutif à Paris, décide à nouveau de faire appel à l'épargne populaire. Cette fois, pour le propre compte de la municipalité. Les débuts sont difficiles. La concurrence de la rente d'État, aussi appelé « 5 % consolidé », est rude. Paris doit s'en remettre aux banquiers pour placer ses emprunts. Sous le Second Empire, les émissions se multiplient pour financer la réorganisation de la ville, et les grands travaux de Haussmann. Mais cette fois, le public participe avec enthousiasme aux levées de fonds. Le phénomène va s'accélérer à la fin du siècle sous la IIIe République avec la modernisation de la ville, notamment le réseau d'égouts, de gaz et de métro. Paris inspire la confiance aux investisseurs ; mais surtout, l'écart de taux avec l'État est très faible. Il est même en faveur de la Ville à plusieurs reprises dans les années 1860, 1870 et 1890. Naturellement, le titre obligataire de la capitale devient donc une référence dans le portefeuille des épargnants.

En 1892, 275.000 personnes souscrivent à l'emprunt de la Ville, plus de la moitié ont acquis au plus trois quarts d'obligations qui se vendaient alors par quarts. Pour l'époque, les chiffres sont remarquables et de plus en plus de provinciaux souscrivent. La première guerre mondiale marque un tournant dans le financement de Paris : l'inflation rend la rente peu attirante. Il faut passer aux emprunts amortissables et relever considérablement les taux. Pour autant, la capitale restera un émetteur important et populaire tout au long du XXe siècle. Jusqu'à ce que, dans les années 1980, elle préfère, pour des raisons de coût et de facilité se tourner exclusivement, tout comme l'État, vers les marchés financiers.

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