Le "reprofilage" de la dette grecque, une restructuration qui ne dit pas son nom

L'Union européenne étudie la possibilité d'allonger la durée des emprunts. Ce "reprofilage" ferait partie d'un "paquet complet". Le français Christian Noyer, qui fait partie du conseil des gouverneurs de la BCE, redoute que ce scénario soit perçu par les marchés comme équivalent à une restructuration.
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Les pays de la zone euro ont commencé à préparer en secret une extension de la maturité de la dette grecque, rapporte un quotidien néerlandais mardi, même si dirigeants européens et agences de notation ont répété qu'une restructuration ne ferait qu'empirer les choses.

La Grèce a annoncé lundi de nouvelles mesures d'économies et privatisations pour permettre le déblocage d'une nouvelle tranche d'aide de 12 milliards d'euros du Fonds monétaire international (FMI) et de l'Union européenne (UE). Mais les marchés financiers doutent toujours de la crédibilité du plan d'assainissement d'Athènes, ce qui alimente les spéculations sur la possibilité d'un nouveau plan d'aide et d'une restructuration de la dette publique qui pourrait forcer les prêteurs à renoncer à une partie de leurs créances.

Selon le journal Het Financieele Dagblad, qui cite des sources à Bruxelles, des fonctionnaires de la zone euro travaillent déjà aux préparatifs techniques d'un "reprofilage" de la dette grecque, comme par exemple un léger allongement de la durée des emprunts. L'article rapporte des propos du ministre néerlandais des Finances Jan Kees de Jager, selon lesquels le reprofilage de la dette grecque est "une option sérieuse" mais seulement comme mesure finale d'un "paquet complet".

Noyer parle de "scénario de l'horreur"

Le gouverneur de la Banque de France a néanmoins remis implicitement en cause ce scénario estimant qu'un allongement des maturités de ses emprunts serait jugé équivalent à un défaut. Or pour Christian Noyer, qui est également membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE), une restructuration de la dette publique de la Grèce n'est pas la solution, car elle se traduirait par "l'effondrement de l'économie grecque".  "C'est le scénario de l'horreur" a-t-il insisté mardi.

Interrogé sur l'hypothèse d'un aménagement de la dette, parfois qualifié de "reprofilage", il a répondu : "L'allongement des maturités pose des questions juridiques très compliquées. (...) Il y a de fortes chances que ce soit l'équivalent d'un défaut - parce que ça ne peut se faire juridiquement a priori que par échange de titres, et si vous faites un échange de titres forcé, c'est clairement un défaut." Ces propos font écho à ceux de l'agence de notation Fitch, qui a abaissé vendredi la note souveraine d'Athènes et prévenu, emboîtant le pas à Standard & Poor's, qu'elle assimilerait toute forme de "reprofilage" de la dette grecque à un défaut.

Moody's a imité ses deux homologues mardi en indiquant qu'un "défaut grec pourrait prendre de nombreuses formes, y compris une modification des termes et conditions (des emprunts), un 'reprofilage' sélectif ou un rachat 'volontaire' de dette à une forte décote".

Portugal et Irlande menacés en cas de défaut grec

Interrogé par l'agence Reuters, un responsable de Moody's a, lui, souligné qu'un défaut d'Athènes aurait des conséquences dramatiques pour l'ensemble de la zone euro et que le Portugal et l'Irlande seraient dans ce cas menacés d'un abaissement de plusieurs crans de leur note souveraine. "Un défaut grec serait fortement déstabilisant et aurait des implications pour la solvabilité des émetteurs à travers l'Europe", a souligné Alastair Wilson, responsable crédit de l'agence de notation pour la zone Europe-Moyen-Orient-Afrique.

De son côté, le président du Conseil européen Herman Van Rompuy a lui aussi jugé qu'une restructuration de la dette ne ferait qu'aggraver la crise qui secoue la zone euro et a insisté sur le fait que l'UE était déterminée à éviter un défaut. "Le danger est réel que, d'une manière ou d'une autre, une restructuration de la dette ou un rééchelonnement aggrave la situation", a-t-il estimé lors d'un forum organisé par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à Paris.

"Le risque d'échec d'une telle opération est énorme."

Herman Van Rompuy a précisé que "la ligne rouge" était d'éviter un défaut et un "événement de crédit", c'est-à-dire le paiement, potentiellement lourd de conséquences, des instruments de protection contre le risque de défaut que sont les Credit defaut swap (CDS).

Dans ce contexte, les CDS sur la dette grecque ont continué de grimper mardi, ce qui fait qu'il en coûte désormais 1,435 million d'euros pour assurer 10 millions d'euros de papier grec. La dette publique d'Athènes atteint 327 milliards d'euros, soit près de 150% du produit intérieur brut (PIB), et devrait dépasser plus de 160% en 2013, un niveau que nombre d'analystes jugent intenable.

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