La prochaine bataille des OGM

Au programme de la reconstruction de l'Afghanistan : envoi de médicaments, construction d'écoles et... distribution gratuite d'OGM. Il y a quelques jours, les paysans du village de Kamari, à 50 kilomètres au nord de Kaboul, ont reçu, au titre de l'aide humanitaire américaine, des semences de blé génétiquement modifié au rendement bien supérieur à la variété habituellement plantée dans le pays. Un signe parmi d'autres de la volonté des Etats-Unis d'inciter, partout où cela est possible, à l'usage des OGM agricoles que produisent ses grandes firmes agrochimiques (Monsanto, DuPont, Cyanamid, etc.). Cette politique s'avère payante : en 2001, les surfaces cultivées en plantes transgéniques (soja, maïs, coton, colza) ont progressé de 19% par rapport à l'année précédente. Et elles ont été multipliées par 30 depuis 5 ans dans le monde. L'Amérique du Nord se taille la part du lion avec 74% du total. C'est, paradoxalement, cette domination sans partage qui sert d'argument à certains responsables européens pour que soient levées les barrières à la commercialisation des OGM sur le Vieux continent. L'Europe, plaident-ils, ne peut être absente du marché des produits biotechs, qui pourraient peser, à la fin de la décennie, près de 2000 milliards d'euros dans le monde (agriculture, santé et environnement). Il y va de la bonne santé de ses entreprises spécialisées dans ces domaines : elles sont aujourd'hui trop petites et n'ont pas assez de capital pour pouvoir concurrencer les Américains. Par ailleurs, insistent ces responsables, le risque de voir se déclencher une guerre commerciale de part et d'autre de l'Atlantique au sujet des OGM est sérieux. Washington a menacé encore récemment de porter plainte contre l'Europe à ce propos devant l'Organisation mondiale du commerce.La mise sur le marché de nouveaux OGM agricoles en Europe et leur utilisation par l'industrie agroalimentaire est bloquée, de facto depuis 1999, par un moratoire sur la commercialisation imposé notamment par la France. Toute nouvelle autorisation est ainsi suspendue à l'adoption d'une directive sur la traçabilité et l'étiquetage des OGM dans l'alimentation, toujours en cours d'élaboration à la Commission de Bruxelles. Gageons que la mise en œuvre d'une nouvelle politique européenne en la matière sera difficile tant le dossier des OGM provoque de violentes polémiques et d'oppositions farouches. En France, un débat public sur les plantes transgéniques et les très controversées expérimentations en milieu naturel est organisé les 4 et 5 février prochains sous l'égide du Conseil économique et social. Un moyen, pour les politiques, de prendre la température de l'opinion sur ce sujet brûlant avant les échéances électorales. D'ores et déjà, les opposants au transgénique ont donné de la voix : la députée de la Drôme Michèle Rivasi (apparentée PS) vient de demander au gouvernement d'imposer un moratoire sur les essais en champs.Retrouvez l'actualité technologique tous les mercredis dans " La Tribune de l'Innovation ", édition papier.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.