La plainte contre X vise Canal +

Au-delà du débat sur sa réelle efficacité, la possible interdiction de la diffusion des films X à la télévision est une nouvelle menace pour Canal +. Pour l'histoire officielle, la chaîne cryptée aura construit en une décennie son succès sur le sport et le cinéma. Mais plus prosaïquement, il est difficile d'oublier que, durant cette période, la pornographie aura joué le rôle de troisième produit d'appel de la chaîne. A son lancement, en 1984, Canal + avait rapidement créé l'événement, forcément sulfureux, en décidant la diffusion d'un film pornographique chaque premier samedi du mois. Une révolution dans le terne paysage audiovisuel hexagonal, quelque dix ans après la fin de l'ORTF. En quelques années, le rendez-vous est devenu l'un des importants déterminants d'abonnements. Quand Canal +, dans le milieu des années 90, a lancé son bouquet de chaînes par satellite, CanalSatellite, le groupe n'a pas hésité à réutiliser une recette qui avait fait ses preuves. Dans son offre "cinéma", on trouvait en effet plusieurs diffusions de films X par semaine et même, plus tard, la chaîne XXL, produite par le groupe AB, entièrement dédiée à la pornographie. Un à un, les tabous sont tombés. Bien que toujours strictement réservés aux adultes de plus de 18 ans, les films X ont conquis leur place dans les grilles de programmes, à défaut de voir reconnaître leur rôle dans l'équilibre économique du secteur. Pourtant, XXL est généralement considérée comme l'une des chaînes les plus rentables parmi les thématiques. A l'heure où les pouvoirs publics s'interrogent sur l'opportunité de censurer le X à la télévision, c'est en quelque sorte une nouvelle part de l'identité de Canal + qui apparaît menacée. Et ce après que le sport et le cinéma ont donné de sérieux signes de faiblesses ces derniers mois. La chaîne a en effet déjà subi de plein fouet l'effarante inflation du prix des spectacles sportifs à la fin des années 90, les droits pour le championnat de France de football ont ainsi été multipliés par trois pour atteindre 335 millions d'euros en 2001. Or, le foot fait aujourd'hui moins recette chez des téléspectateurs saturés d'image et Canal + n'est plus le seul diffuseur de matches. De la même façon, le cinéma n'est plus la chasse gardée de la chaîne de Vivendi Universal, ce qui illustre l'aspect friable d'un autre de ses piliers. Tenu à de coûteuses obligations de financement du cinéma en échange du droit de diffuser des films récents, Canal +, à court d'argent comme sa maison-mère, pourrait devoir renoncer à la rente de situation qui a tant contribué à son succès. Quel impact aurait donc la disparition du film X mensuel qui, selon les chiffres qui circulent, réalise au moins 25 % d'audience parmi les abonnés de Canal + ? Les professionnels de la télévision à péage (câble, satellite ou hertzien) estiment aujourd'hui que ce sont 10 % de leurs abonnés qui pourraient les quitter. Ce ne serait pas forcément dramatique, mais cela accentuerait à coup sûr l'actuelle tendance au désabonnement. Pour autant, et surtout, avant de se prononcer, les députés devraient s'interroger sur ce que feront les amateurs de pornographie. Car, de l'Internet aux distributeurs automatiques de K7 vidéo et de DVD, les moyens d'y accéder ne manquent pas. Et ils sont bien moins contrôlés que la diffusion télévisée.
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