Le public, le privé, le mutualiste

La messe est loin d'être dite, mais il est clair que la BNP Paribas de Michel Pébereau a pris une sérieuse longueur d'avance. Prenant seule l'initiative des opérations depuis quinze jours, elle impose son rythme à ses adversaires, le Crédit Lyonnais et le Crédit Agricole. Michel Pébereau, fort de la liberté d'action que lui confèrent un bilan solide, un actionnariat stable et un conseil d'administration en ordre de marche, déroule inexorablement sa stratégie de conquête du Lyonnais.Face à ce rouleau compresseur, les tactiques de résistance de Jean Peyrelevade ont d'ores et déjà échoué. S'appuyant sur le modèle traditionnel d'une entreprise adossée à l'Etat, le président du Lyonnais déployait toute son énergie à rester seul maître à bord en jouant ses différents actionnaires les uns contre les autres pour mieux les neutraliser. C'est bien le type d'organisation du capital hérité du secteur public, avec un Etat fortement présent dans le tour de table mais répugnant à jouer un véritable rôle d'actionnaire, qui a permis pendant longtemps à Jean Peyrelevade de jouir d'une indépendance de fait quasi-totale. Mais ce schéma est désormais évidemment complètement dépassé.Le Crédit Agricole, enfin, éprouve aujourd'hui plus durement que jamais les limites de l'organisation mutualiste pour un groupe bancaire aux immenses ambitions. Face aux manoeuvres de Jean Peyrelevade et à l'offensive frontale de Michel Pébereau, son dirigeant - quel dirigeant, au fait ? il a fallu la crise actuelle pour que la Banque verte décide, mardi, d'unifier la présidence de la Fédération et de Crédit Agricole SA - apparaît paralysé par la complexité des structures de décision de ce groupe multiforme.Le Crédit Agricole était certes déjà conscient du handicap que devient, à un certain niveau de développement une structure mutualiste. D'où la création, voici un an, de Crédit Agricole SA et son introduction en Bourse, destinées à permettre à l'établissement de jouer à égalité avec les grandes banques cotées.Reste que le Crédit Agricole est encore loin du compte. Alors que voici encore quelques années, il était de bon ton de considérer les banques mutualistes comme scandaleusement avantagées par rapport aux autres - elles bénéficiaient de divers privilèges concurrentiels et n'étaient pas soumises à la "dictature des marchés" - il est désormais évident que, dans une planète financière où la capitalisation boursière dicte sa loi, ce sont des établissements du type de BNP Paribas qui ont tous les atouts de leur côté.
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