Postier et banquier à la fois

Un simple Livre blanc. En guise de riposte à la Banque postale, on attendait plus de la profession bancaire et de son lobby officiel, la Fédération bancaire française. Depuis que le gouvernement a tranché en faveur de la création d'un établissement de crédit postal (ECP), les banquiers, tout au moins en privé, n'avaient pas de mots assez durs pour dénoncer l'arrivée de cette concurrente publique, potentiellement redoutable avec ses 17.000 points de vente. Et puis à l'heure de passer à l'acte, c'est comme si leur bras avait été retenu. La voie est pourtant toute tracée avec un recours devant la Commission européenne et ses services de la Concurrence. Or, pour l'instant, une telle initiative serait "prématurée". Certes, les décrets d'application ne sont pas encore publiés, mais l'architecture du projet de Banque postale est bel et bien connue. L'ECP sera doté de capitaux publics, emploiera des salariés fonctionnaires et ses fondamentaux financiers augurent mal de sa rentabilité immédiate. Vu sous cet angle, on peut considérer que l'Etat français s'apprête à subventionner un concurrent aux banques privées et mutualistes. De quoi nourrir un joli recours. Les services de Bruxelles ne continuent-ils pas le combat contre le Livret bleu, distribué par le Crédit mutuel, sous prétexte que la rémunération de son réseau constitue une aide d'Etat déguisée?Et pourtant, la profession bancaire attend. Elle promet bien sûr de livrer bataille mais tergiverse avant d'engager le premier round. Evidemment, la route est encore longue avant la création de la Banque postale. Il lui faudra d'abord franchir l'étape décisive du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI), un organisme de place chargé de veiller au respect des règles prudentielles, sévères s'agissant d'un établissement bancaire. Cela fait des mois que La Poste peaufine son dossier et on peut imaginer que toutes les précautions sont prises pour surmonter les embûches qui ne manqueront pas d'être semées sur sa route. Pour les banques, le combat s'annonce ici d'autant plus difficile que le CECEI, depuis le contentieux sur le Crédit Lyonnais, n'est plus compétent pour les questions de concurrence. La Fédération bancaire française ne pourra sans doute pas faire l'économie d'un recours devant le Conseil de la concurrence, un organisme public chargé, entre autres, de sanctionner d'éventuelles distorsions. Mais le Conseil osera-t-il censurer un projet qui, justement, fait émerger un acteur de plus dans un domaine, les services bancaires, où les tarifs sont un sujet de plus en plus sensible?Les banques, à tort ou a raison, sont considérées comme de plus en plus chères en France et constituent un cible idéale lorsqu'il s'agit de fustiger les dérapages tarifaires. Bref, la bataille s'annonce difficile pour les banques et c'est finalement sur le terrain qu'elles devront bel et bien la mener.
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