L'autre bulle

Les professionnels du "private equity", l'investissement en fonds propres dans les entreprises, sont à la fête. Les investisseurs institutionnels prisent en effet cette classe d'actifs qui promet une rentabilité élevée. Les fonds sont donc abondants et lorsque l'on sait qu'une équipe de gestion se rémunère généralement sur la base de 2% des capitaux qui lui sont confiés, on comprend l'optimisme - voire l'euphorie - qui anime cette profession. Par ailleurs, les taux d'intérêt sont encore très bas et, sur le marché de la dette, les liquidités sont importantes. Le montage des dossiers est loin d'être un casse-tête et les cibles sont toujours nombreuses: nombre de groupes industriels ou de services continuent de se recentrer et cherchent à céder certaines activités. Bref, tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes du capital-investissement. Sauf que quelques événements récents incitent sinon à l'inquiétude, du moins à la prudence.Tout d'abord, le nombre d'opérations entre fonds d'investissements ne cesse de progresser. Ces LBO (leverage buy out) secondaires ou tertiaires consistent pour un fonds à céder sa participation à un autre fonds et ainsi de suite. Ce type d'opérations est non seulement devenu monnaie courante mais le cycle ne cesse de s'accélérer. Jusqu'ici, il était de bon ton de conserver une participation quatre ou cinq ans minimum. Aujourd'hui, la question de sa revente semble se poser dès la deuxième ou la troisième année. Et à chaque fois, le fonds vendeur sort avec une plus-value substantielle. Le travail des financiers sur leurs participations n'a jamais créé autant de valeur et aussi rapidement. Pour le nouveau propriétaire, il est urgent d'en faire autant, et donc de penser à la revente à peine la ligne entrée en portefeuille. Une entreprise peut-elle gagner 30, 40 ou 50% de valeur en quelques années? Les investisseurs semblent croire que oui. Le marché un peu moins. Car les sorties industrielles, c'est à dire la revente d'une entreprise par un fonds à une autre entreprise, sont encore très rares. Et les sorties boursières par introduction en Bourse encore plus. Récemment, les propriétaires d'Eutelsat ont renoncé à son entrée sur le marché, la Bourse ne payant pas autant qu'ils l'espéraient.Lorsqu'un marché fonctionne en vase clos, sur des bases qui s'éloignent de plus en plus de l'économie réelle, il n'est pas incongru de parler de bulle. Les professionnels du capital-investissement ne veulent pas y croire. Il faut leur souhaiter que la réalité ne les rattrape pas. Car un éclatement d'une bulle LBO leur ferait beaucoup de mal, ainsi qu'à leurs bailleurs de fonds et aux banques qui seraient eux aussi victimes d'un emballement incontrôlé.
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